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Winter *The clock’s gone back. The shop lights spillover the wet street, these broken streaksof traffic signals and white headlights fillthe afternoon. My thoughts are bleak.I drive imagining you still at my side,wanting to share the film I saw last night,– of wartime separations, and the endwhen an old married couple reunite –You never did learn to talk and find the wayat the same time, your voice teases me.Well, you’re right, I’ve missed my turning,and smile a moment at the memory,always knowing you lie peaceful and curledlike an embryo under the squelchy ground,without a birth to wait for, whirledinto that darkness where nothing is found. HiverL’horloge marque une heure de moins. Les lumières des boutiquesinondent la chaussée mouillée, ces rubans brisésdes feux rouges et des phares bancs emplissentl’après-midi. Je suis triste.Je conduis en t’imaginant toujours à mes côtés,désirant partager le film que j’ai vu hier soir,– sur la guerre qui sépare, et cette finoù de vieux époux se retrouvent –Jamais tu n’as appris à discuter tout en trouvant ta routeen même temps, me dit ta voix, taquine.Eh bien, tu as raison, j’ai oublié de tourner ;un instant, je souris du souvenir,ayant sans cesse à l’esprit le fait que tu reposes tranquilleet replié comme un embryon sous le sol spongieuxsans attendre de naître, pénétrant en tournoyantcette nuit sans la moindre trouvaille.{}
FoxHe thinks this is his garden, the red foxwe saw this morning, under the Tuscan cypress.He hardly stirred as we pulled up the sash.And perhaps his confidence is justified.Tomorrow, at twelve o’clock, we shall haveno further foothold on this leafy street,the tall white room, these silvery birchesand our raspberry bramblesal], like the freehold, will have been transferredto our Greek purchaser ; while the foxwill still enjoy a comfortable summeron a diet of squirrels, rats, and small birds. RenardIl pense que c’est son jardin, le renard rouxque nous avons vu ce matin, sous le cyprès toscan.Il remua à peine quand nous ouvrîmes la fenêtre.Et peut-être sa confiance se justifie-t-elle.Demain, à midi, nous n’aurons plusde pied-à-terre dans cette rue bordée d’arbres,la haute pièce blanche, ces bouleaux argentéset nos buissons de framboisierstout, comme la libre propriété, aura été transféréà notre acheteur grec, tandis que le renardjouira toujours d’un été confortable,écureuils, rats et petits oiseaux pour sa nourriture.
ImmortalityIf I believed in an old-fashioned Paradise,then you, my love, would still be talking in it.There would be blue sky and a few cloudsseen through stone arches, as inRaphael’s School of Athens, with Diogenessprawled on the steps, and Plato in the likeness of da Vinci.You could pursue them with your eager questions –as you once challenged speakers at LSE.It’s not that I hope to find you theremyself, more that I cannot bearit should be true as once you said :We think. And learn to understand a bit.And then we’re dead... ImmortalitéSi je croyais en un paradis désuet,alors, toi, mon amour, tu y parlerais encore.Le ciel, bleu, y serait parsemé de quelques nuages ;on l’apercevrait par une enfilade de voûtes de pierre, commedans l’Ecole d’Athènes de Raphaël, Diogènevautré sur les marches et Platon sous les traits du Vinci.Tu pourrais les poursuivre de tes pressantes questions –comme tu défiais autrefois les conférenciers en économie, à Londres.Ce n’est pas que j’espère t’y retrouvermoi-même ; c’est plutôt que je ne puis supporterque soit vrai ce que, autrefois, tu as dit :Nous pensons. Et apprenons à comprendre un peu.Et puis nous voici morts…
SkinThere was a time before we met as wellas this inexorable after. If I had notfound you, who would I have been ?A woman who could dance a stylish tangofretted with too much wanting – sex, success –spoilt, self-seeking, and a little shallowdistrusting what I could not understand. There wereso many men I cannot list them all.Some I abandoned, some abandoned me.One I loved well gave me a diamond –I often wondered what happened to him –Then you became the skin of all I am. EpidermeIl exista un temps qui précéda notre rencontre de mêmeque celui qui la suivit, inexorablement. Si je ne t’avais pastrouvé, qu’aurais-je été ?Une femme capable de danser le tango avec élégancetracassée de trop d’envies – sexe, succès –gâtée, égoïste, un peu superficielleme méfiant de ce que je ne comprenais pas. Il y euttant d’hommes que je ne puis les énumérer tous.J’en quittai certains, certains me quittèrent.L’un d’eux, que j’aimais assez, m’offrit un diamant –Je me suis souvent demandé ce qu’il était devenu –Et puis tu es devenu l’épiderme qui revêtit tout mon être.
Another AnniversaryToday is your birthday. There is cool sunshine.Fig leaves and roses cover the wooden fence.What happiness can I wish you in your death ?Here is the garden that I made for usthough you saw only the winter shapeof a weeping crab apple and a bare plum,it was my offering, and you received it so ;but most of what we work at disappears.Little we worry over has importance.The greedy and the generous have the same end.The dead know nothing of what we say to them.Still, in that silence let me write : dear friend. Un autre anniversaireC’est ton anniversaire aujourd’hui. Le soleil est frais.Les feuilles du figuier et les roses couvrent la palissade.Quel bonheur puis-je te souhaiter en ta mort ?Voici le jardin que j’ai arrangé pour toimême si tu n’as vu que la silhouette hivernaled’un pommier sauvage et pleureur, et d’un prunier nu,ce fut mon offrande, et tu l’acceptas ainsi,mais le fruit de notre labeur presque entier disparaît.Seule importe une infime part de nos soucis.Cupides et généreux finissent de même.Les morts ignorent tout de ce que nous leur disons.Pourtant, dans ce silence, permets-moi d’écrire : mon ami.
* Les poèmes reproduits ici par l’aimable autorisation de leur auteur sont extraits du recueil d’Elaine Feinstein, Talking to the Dead. Manchester : Carcanet, 2007.
Traduction d’Anne Mounic.
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