ELEGIE POUR McMANUS
C’est un soir bleu et lumineux sur la baie de Lannion
la mer murmure sur le sable
et les goélands rentrent en criant
cet après-midi est arrivée la nouvelle
que tu étais mort ce matin d’avril
du cancer qui, après avoir pris son temps
s’était soudain activé, te réduisant
presque à l’état de squelette
tandis que je longeais le Goaslagorn, la vallée
était remplie de pépiements
certains proches certains lointains
faisant comme une symphonie inachevée
je me remémorais le dernier jour
où nous avions marché ensemble
c’était à Cramond, près d’Edimbourg
le long de la rivière Almond
nous parlions de Duncan Ban Macintyre
et du nom qu’il avait donné aux Lowlands
le Machair Alba
quand soudain nous vîmes un héron
debout, immobile et totalement attentif
au milieu de l’eau qui ondulait
tel l’esprit dans son état supérieur
comme toi, McManus, tu le savais bien
fils de l’Ouest celto-galatien
toujours en quête de la musique et des mots
pour exprimer cette hauteur
ce sont les fleurs du machair
fleurs de genêts et d’épine noire
avec quelques brins de bruyère
que je répands sur ta tombe, McManus
là-bas à Mortonhall
où a pris fin ton combat
mais c’est en pensant à la recherche qui fut la tienne
que je contemple cette première étoile
qui brille là-bas vers le Nord
dans la claire lumière érigenienne.
Kenneth White “Lament for McManus” (Le Passage Extérieur, traduit par Marie-Claude White, Mercure de France, 2005)