Nicole Gdalia
1er mai 2008
Nicole Gdalia, Alphabet de l’éclat. Paris : Caractères, 2005.
par Anne Mounic
Cet ouvrage est une anthologie poétique qui retrace l’évolution créatrice du poète de Racines (1975) au recueil éponyme, chant huit, jusqu’alors inédit. L’œuvre entière s’y révèle d’une extrême cohérence. En cette quête de « l’Insondable » (p. 185), de « l’Unique » (p. 27), la « foi » (p. 20) se ressaisit grâce au verbe. L’existence est « vallée de fabrique d’âme » comme le disait Keats, comme le dit aussi, dans la Genèse (28, 12-22 et 32), l’histoire de Jacob, échelle sainte et lutte avec l’ange : « dans cette rencontre / il avait reconnu la face à face de / l’homme avec son propre éclat » (p. 166).
Dans cette « épopée » (p. 381) du poète, « aventurier des routes de la terre » (p. 212), se dessine un seuil, au centre du volume, au moment où s’ouvre Elégie d’Elle – entre-dit (1999), recueil de l’absence, après la disparition de l’aimé, Bruno Durocher, lui-même poète, en 1996. En des poèmes brefs, Nicole Gdalia fait l’expérience du « sanglot de l’entier » (p. 244) et se demande s’il ne lui faudrait pas désormais « apprendre la terre » (p. 260). La question de la source, Dieu, « l’Aleph » (p. 175), « l’Un » (p. 157 ; voir aussi p. 421), ou tout simplement du vivant (« la vie s’é-t-i-r-e / bonne et belle / –instant miracle – », p. 87) se pose alors de façon cruciale : « A Dieu / elle demande / question : de la marche : de son âme » (p. 263). L’épreuve du deuil induit en effet non seulement un questionnement de la mort, mais aussi une interrogation du vivant : « Elle parvenait / aux limites de son être / comme si elle / en avait épuisé / la sève / vive » (p. 274).
Dans Rive majeure, le recueil qui suit, de 2003, l’ambivalence de l’épreuve s’affirme clairement :
« La mort nourrit
les racines de vie
Je est l’arbre
frémissant de paroles
le secret des deux pôles
l’habite le
tronc demeure de
l’énigme » (p. 393)
Et il s’agit dès lors, en admettant en soi les résonances du Nom (voir p. 388), c’est-à-dire le sentiment de la vie telle que nous parvenons à peine à la nommer en son mystère, de « faire de la déchirure / une broderie : d’étincelles » (p. 389).
Le Je qui ne cessait de questionner son identité transcende ses propres limites en « dépassant / la mélancolie » (p. 391) pour percevoir : « la fraternité lumineuse // du sol à l’étoile / briser l’écorce / aller… ». La conscience des ténèbres (la noire mélancolie) et de la clarté ainsi mêlées, comme au sein du Buisson ardent la flamme se mêle au mystère du Nom de Dieu, le « peut-être » des Cabalistes (« Feu noir sur feu blanc / sont les paroles / histoire de noms et / de chiffres vivifiants » (p. 442), finit par restaurer, à l’œuvre, l’univers comme Création, c’est-à-dire comme scène du drame humain, que le drame lui-même, s’il en vient à se dire, restaure : « des quatre directions / les quatre éléments / nourrissent le monde // l’homme le restaure » (p. 443). Et ce lieu se résorbe dans le Nom lui-même : « Vingt-six : est le chiffre du / Nom / en sa splendeur imprononçable : saisissement / envol / union unité / raccord / à / l’Omniprésent / Un // amour » (p. 448)
L’Un donne à « l’épopée » sa résonance, au-delà d’elle-même, dans cette reprise visant à l’écho dans l’infini qu’est le poème, dont voici une belle définition : « « sublime érotisme / de l’un à l’autre ».