Sommaire par numéro | Sommaire par thème

Accueil > à l’oeuvre > Morceaux choisis

Morceaux choisis

22 septembre 2013


Jules Masson Mourey, poèmes


Le deuil des jours

-"Hier est mort, demain n’est plus
Quel mauvais sort... Tout est perdu.
Hier est mort, demain n’est plus."

-"Hier encore tu n’avais plus
aucun remords !"

"Mais il a plu...
Hier, dehors, je n’avais lu,
dans un ciel d’or, que l’Absolu !"

"Non, tu as tort... Les dieux t’adorent !"

"C’est révolu. Piteux décor.
Va, je m’endors...
Hier est mort, demain n’est plus."

St-Tropez à Pâques

Des odeurs de feu froid se dispersent depuis les jardins des villas
Les feuilles sont mouillées et les troncs des eucalyptus s’écaillent en petits morceaux
craquants
d’écorce blanche.
La mer se met à amasser des tas incroyables d’algues mortes, de bois polis et imbibés
et d’objets tristes (parce qu’abandonnés).
Les vagues ne vivent pas bien longtemps, en définitive.
La mer est noire, puis grise, et enfin bleue Eternité.
L’enfer approche.

***

Serge Marcel Roche, poèmes

La lumière s’efface
C’est l’ombre entre les branches basses
Prononcée par l’oiseau

— Ou lui-même est cette ombre
En forme de jeu
De mot qui danse
Ce retrait quand la nuit s’avance
Nuit rivage
Au bord des grillons incessants
Nuit nombreuse

Devance la vague ombreuse
Des cris sur le terrain
Les enfants jouent dans la poussière
Un voile descend
Une nuée de fumées lentes
Un couvert de voix clairsonnantes
D’échos de bois fendu
D’heurts des pieds nus contre la terre
Enclin du soir
Entre les cases
Sur les sentes

L’oiseau chante
Nous passons
Par le chemin de sa tendresse
Par le clair incendie de sa joie
Contre l’écorce des manguiers
Il chante
Et c’est si transparent
Toute chose à l’écoute
L’obscurité du bois
Et le bord de la route
Quand doucement s’impose
L’imprévu de sa voix

Mais vient la nuit incline
Couvrant d’un pagne usé
La ville les collines
Le seuil où je me tiens
Parmi les feuilles sèches
Et le vent

*

Le vent les oiseaux chacun va selon sa ligne
Chacun trouve dans le ciel son horizon
Mais en bas les hommes ont sous les yeux
Les cicatrices de la terre
Les traces de leurs pas
Au tournant de la piste
Le sombre éclat des frondaisons
Quand la forêt baisse la tête
Que chante le coucal triste
Que pend un bout d’étoffe grise
Traversé d’appels et de plaintes
Pour indiquer la direction
Éluder la mort qui s’approche
Dans le regard froid de la nuit

*

Quelqu’un marche sur le toit
C’est peut-être le vent
Un inconnu qui traîne sous ses pieds
la rumeur de la ville
Ou la nuit qui s’en va
Mais on ne sait si les pas proviennent du rêve
Il y a des corps lourds à l’aube dans les maisons
Couverts de poussière et d’ennui
Des regards sans lumière au bord de la route
Le jour est à refaire encore
Qui le soir sera plein de tiédeur glissante
sur la nuque
Des femmes passent venues de loin
Vendre une tresse de tabac
Une poignée de chenilles noires
Des liens de feuilles dures et luisantes
Mais c’est peut-être le vent
qui raconte la même histoire
Le même rêve depuis toujours


temporel Contact | sommaire par numéro | sommaire par thème | rédaction | haut de page