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Mélancolie I

1er février 2006

par Guy Braun

Melencolia

 [1]

En pénétrant dans l’exposition Mélancolie [2], au Grand Palais, je me suis surpris à dire tout haut : « Je me sens chez moi ». Il y avait là mon univers intérieur, c’est-à-dire les représentations qui m’habitent au quotidien. Le succès inattendu de cette exposition me surprend. Il oblige à faire le point sur ce genre d’événement. Se peut-il qu’enfin le monde adhère à cette lente introspection humaniste ?

Après avoir apprécié la première exposition de Jean Clair : L’Âme au corps, Arts et sciences, je ne fus pas étonné du bric-à-brac artistique qu’offraient les premières salles. Ne faisait-on pas se côtoyer l’impossible ? De quel droit Max Ernst se trouvait-il si proche des deux Jérôme (Bosch et le Saint dupliqué par les plus illustres graveurs) ? Par le bon droit de la rêverie, l’incompréhensible désordre de nos têtes. Pour la nième fois, Albrecht, son maître Martin et ses amis de la Renaissance venaient nous accueillir. Le caprice du mélancolique oblige à reconsidérer et à repenser le musée et son mode d’emploi.

Dans ce type d’exposition, l’artiste se met au service du propos. Il reprend la dimension incertaine qui fut si souvent la sienne durant sa propre existence. Noyé dans le monde tout en se débattant pour lui échapper. Le peintre que l’on rencontre au détour des allées n’est plus ce génie que l’on vénère lors des grandes expositions nominatives. Il fait partie du tout, il vient nous dire son avis sur tout cela, son impression, nous parler de ses doutes, nos doutes. Ce que j’apprécie dans cette exposition paradoxale, c’est le refus de l’égocentrisme. On ne vient pas là pour admirer les dieux de la palette ou du burin, les virtuoses du clair-obscur. Ainsi, par la multiplication des artistes et des objets, cesse le grand jeu des comparaisons, des classements et des rejets. Goya, Redon, Grüber, Gaspar Friedrich et les autres nous promènent plus qu’ils ne nous interrogent sur notre « capital culturel ».


Certes, nous ne sommes pas loin du Palais de la Découverte, mais le vert cabinet des curiosités, parfois fort critiqué, n’avait pas vocation à servir la science industrielle. Il ne s’agissait pas de positivisme, mais plutôt de cet émerveillement de l’enfant devant le papillon, du poète devant le sablier. Si l’approche pédagogique pouvait paraître parfois un peu pesante (déclinaison des humeurs selon les époques et les saisons, par exemple), l’on pouvait éviter le ton suave des écouteurs en ne prenant pas les téléphones culturels. Perdu dans un océan d’ignorance, il suffisait de se laisser voguer de tableau en gravure, de sculpture en fœtus.

Enfin quoi, « se prendre la tête », mais d’une autre manière. Il est toutefois possible d’avoir un autre point de vue et d’envisager une autre perspective pour une expositon sur ce thème. Nous laissons la parole à Jean Revol, car, de la confrontation des approches, ne peut naître qu’une réflexion fructueuse. Le peintre complète l’exposition de cet automne par d’autres oeuvres qui méritent d’être montrées.

Notes

[1Extrait de la gravure d’A.Dürer, burin sur cuivre, 1514.

[2Mélancolie, génie et folie en Occident. Sous la direction de Jean Clair. Paris : R.M.N. Gallimard, 2005.


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