Martine Blanché, poèmes
27 septembre 2012
L’homme referme les bras de ses manches plisséesSur la profondeur d’un cœur plongé en lui-mêmeLa tête appuyée sur l’éventail de ses doigts veinésPenchée sur un sourire à peine esquisséLes paupières baissées entrouvertesLe front altier sous les mèches épaissesL’oreille ciselée à l’écouteLe poing fermé sur le ciseauL’épaule cachée sous le chapeauDans le fragile équilibre des courbesLes creux vallonnés de la pierreIl puise en son for intérieur d’artisteLa spirale jaillissante de sa force créatriceComme l’ange au bord de la tombeNe désespère jamais d’attendreL’inspiration du meilleur jour.
Comment ne pas partager la lumière de ChaillyL’ombre de la forêt de FontainebleauLe même toit chez la Mère AntonyLes amours de chasse à MarlotteLa jeune fiancée sur la toile ?Pourquoi avoir désavoué alors la paternité du premier-néAu bord du double berceau de Ville-d’Avray fin de l’étéOublié le modèle et son ombrellePour les grisettes du bord de Seine ?La guerre m’a séparé du maître de mes vingt ansComme s’efface le souvenir des jours de bonheurDans les reflets chatoyants des fleurs des champsL’ombre cachée des années de ma vie de misèreS’illumine innocente au premier rayon printanierEt je sombre à nouveau dans l’obscurité du désirLes doigts repliés sur mon bouquet de violettesUne épaule nueLe regard perdu
Du haut du neuvième étageJ’entends les cris monter de la jetéeLe pont plonge ses reflets de feu dans la nuit de l’oubliLa mer n’est qu’une tache d’huile sans écumeUn héron s’ébroue près de la coupole éclatéeLes bouddhas trônent en haillons entre les tuiles grisesLes enfants n’en finissent pas de plier des papiersLa flamme triomphe sur l’eau dans la chaleur caniculaireS’imprègne dans la peau comme une brûlure coupableLe riz a un goût carboniséL’ombre se dissout dans la pierreLe lampion dans la rivièreL’âme dans la souffrance de la cendreJe traverse le champ de chrysanthèmes où s’arrêtentLa montreLe tricycle engluéL’innocenceL’espoir d’échapper à la folie humaine ou à la fatalité.