Marc Kauffmann, poèmes
26 avril 2014
Gefühle lassen sich nicht einfach beenden
1.
la blessure ne se referme pas
tu l’amènes à la parole
au cœur de ta langue
et de ses invisibles transactions
tu entres en toi-même
si tu trouves une étoile
dans les lointains tu habiteras
si tu continues à vivre
tu t’engageras en silence
dans un dialogue sans fin
avec l’étoile qui se cache en toi
loin de toi, très loin de toi
juste au dessus de ton cœur
2.
sous les battements
de ton cœur
vibre en toi un éclair
état de la langue
les mots primitifs sont des coquillages de pierre
venus des temps qui défient la mémoire
l’orage qui vient roule ces témoins silencieux
au bas de la colline entre les pieds de vigne
ombres arrêtées d’une vie à jamais figée
les échelles ne sont pas seules à monter
vers l’éther et à caresser les étoiles
faut-il vraiment traduire chaque mouvement
de l’âme qui se meut dans ta chair
et qui meurt au seuil de l’infini
(tu appelles cela comme tu veux, comme tu peux)
en mémoire de mon frère le musicien
mort de n’avoir pu se libérer à temps
de ce qui l’empoisonnait de ce qui l’a ruiné
et si on allait tout simplement ailleurs
si tu repars d’où tu es venue
reviens pour mieux repartir
3.
dans le tohu bohu planétaire
suis le chemin des étoiles
les mains de l’étrangère
t’ont tendrement effleuré
tu rêves sa présence
comme si c’était ta vie
à la brisure du plus intime
là où se touchent les mondes
ouvert aux quatre vents
s’est formé au fil des saisons
ce qui donne de l’avenir au passé
une langue écartelée sans unité
pulvérisée par les fracas de l’histoire
seule pourtant à nous dire
à dire sans fard le meilleur de nos jours
la vie partagée est diaphane
même si le souffle de l’autre
donne l’éternité dans l’instant
le monde s’offre à nous
et tremble de cette nudité fragile
tel un visage d’une éphélide
sur le point de paraître ou disparaître
4.
toujours à mâcher et à remâcher les choses
à assurer chacune et chacun de sa présence
danser la vie en se dépêchant de mourir lentement
adoucir les mots, tous les mots
parce que les rêves ne sont pas que des rêves
le reflet diapré du jouir
dans l’étreinte du noir
si tu entends des voix en toi
il te faudra devenir ces voix
tu portes leur alliance en toi
(toi qui n’es pas même des leurs)
préserve le repos de leurs pères
de leurs mères de la communauté
disparue dont ils ne parlent plus
une langue devenue imprononçable
Schibboleth
mi-voix mi-ciel
devant la porte
5.
remettre les pieds dans les pas
de celles qui se sont effacées
tu n’as pas oublié ni enfoui en toi
la chambre de la morte et ses ombres
tu vois toujours se profiler à l’horizon
l’envahissement enténébré de la vie
et les hauts peupliers de l’enfance
tu remontes à la lumière
et tu tiens en offrande lyrique
les maux qui t’ont démembré
trouve en l’autre l’amie la sœur
et c’est une femme que tu trouveras
peut-être persistera enfin quelque chose
comme l’indicible pureté des cœurs
tu as été touché avant de penser
je suis touché avant de te sauver
irgendwie sind die Grenzen
fließend
6.
tout vient en une fois
les mots assemblés n’ont laissé place à
aucun remords nul besoin d’avouer
leur vérité était là depuis longtemps
à disposition entière nue et belle
les rendez-vous manqués font aussi les liens
(des amitiés stellaires)
„ ce que chacun porte en soi
est ce qui est en partage „
peut-on montrer sans les gestes qui dévoilent
les mots qui libèrent les sourires qui apaisent
instants pleins d’une rêverie qui éternise
persiste donc à rêver ce qui t‘autorise
plus de rêve ce peu qui infinitise tout vie
7.
sans arrêt tu cours d’un lieu à un autre
tu es un feu follet dans une vie spectrale
tu es celle qui passes à travers toutes
les formes que tu rencontres
„ il reste tant et tant de vies
à vivre, à croiser, à rêver „
durant la nuit on se dit
tout ce qui reste tu durant le jour
au point sagittal tu apprends à nouveau
la langue que l’histoire t’a volée
sans plus jamais te redonner
ce qui depuis lors te manque
sans violences ni oppression inutiles
par la seule vertu de l’amitié
qui rend proches les langues
les êtres et leurs constellations
8.
la fenêtre s’ouvre sur un cerisier blanc
derrière lui un cyprès
au tronc fendu expose
une plaie béante au soleil
tu souffres avec lui de la blessure
des mots qui ont tant de mal
à trouver leur chemin en toi
pourquoi l’excès d’intériorité
se brise-t-il sur le cours de la vie
pour se répandre ensuite dans chaque cœur
j’ai dessiné le battement de tes paupières
comme une figuration de l’absolu
le temps que dure une vie sur la terre
à présent tu peux parler
comme on parle aux étoiles
quand elles illuminent notre front