La patience dans L’Énéide, par Didier Lafargue
24 septembre 2020
Piété et enracinement dans le passé
Écrite par Virgile au 1er siècle avant Jésus-Christ, l’Énéide raconte l’histoire d’un homme, Énée, qui, s’enfuyant d’une ville réduite en cendres, Troie, part à la recherche d’un autre monde dont Rome sera l’aboutissement. L’objectif de l’empereur Auguste, le tout puissant protecteur du poète, était de renouer avec les valeurs traditionnelles de l’Italie, un retour aux sources dont avait bien besoin celle-ci après un siècle de guerres civiles. En même temps, maitre d’un empire qui se voulait universel, il demanda à Virgile d’imaginer une épopée qui serait une synthèse entre les éléments indigènes et ceux, orientaux, représentés par le Troyen Énée.
Au-delà de l’objectif politique, Virgile pose le problème d’un être quittant une ville détruite pour aller en fonder une autre ailleurs, qui part d’un lieu pour se refaire en un autre lieu. À la différence d’Ulysse qui, ne songeant qu’à rentrer chez lui, suit un parcours cyclique, celui du héros latin est linéaire. Outre un navigateur hardi, Énée est un prêtre, un législateur, un fondateur de peuple.
Mais pour atteindre son but, il devra surmonter maints obstacles et il lui faudra beaucoup de patience pour parvenir à ses fins. Son parcours, sinueux, sera celui d’un labyrinthe. « Un jour, à ce que l’on dit, dans les profondeurs de la Crète, le labyrinthe avait un chemin entrelacé dans les parois aveugles, à mille voies ; les signaux à suivre étaient supprimés par un tracé insaisissable et sans retour. Ainsi les enfants des Troyens dans une même course mêlent leurs pas, entrelaçant par jeu fuites et combats, semblables aux dauphins qui nagent au milieu des mers liquides, fendant les flots de Carpathos et de Libye en jouant dans les ondes » [1], lit-on dans L’Énéide.
Le portrait d’Énée peut donner d’utiles renseignements pour comprendre son évolution personnelle. Courageux et endurant, il considère qu’il a un devoir à accomplir envers les siens et assume ses responsabilités. Il est pieux, respectueux de la volonté des dieux, et lui et ses compagnons n’omettront jamais de remplir les obligations rituelles envers la divinité quand ils en sentiront la nécessité.
Mais en même temps, Énée est un être incertain, sujet au doute. Il connaît des échecs, lesquels jettent le trouble dans le devenir de son entreprise. Énée est un homme complexe en recherche de lui-même et tout son itinéraire est fait d’avancées et de reculs. Lorsqu’il pense être sur le point d’aboutir, les évènements se chargent de lui démontrer qu’il est encore loin de son objectif. Le héros mène perpétuellement un combat contre lui-même, traverse des périodes d’énergie alternant avec des périodes de désespoir. Les tempêtes qu’il connaît en mer sont une bonne expression de ces phases d’incertitude. « Dans l’instant les nuages ravissent et le ciel et le jour aux yeux des Troyens : une nuit noire s’étend sur la mer. Les cieux ont résonné, l’éther brille de mille feux, tout met la mort devant les yeux des hommes. Aussitôt dans son corps, Énée se glace d’effroi, il tend en gémissant ses deux paumes vers les astres. » [2] La tragédie de la prise de Troie va peser lourd sur son destin. D’abord déterminé à vendre chèrement sa peau et à combattre jusqu’à la mort ses ennemis, il est incité à donner un nouveau cap à sa vie par une apparition d’Hector, lequel lui enjoint de quitter la ville pour aller en fonder une autre ailleurs. Énée prend son fils et son père, quitte la cité en flamme.
Mais, en fuyant sa patrie d’origine, il ne se retranche pas de son passé. Aussi négatif que celui-ci paraisse, il laisse sa marque dans son esprit et, alors même qu’il part, Énée n’en demeure pas moins fondamentalement un Troyen. Il va créer Rome avec une partie de Troie ; chacun au cours de son existence doit se transcender, mais toujours avec une partie de lui-même. Parti avec vingt navires, réceptacle de l’existence passée du héros, il n’en conservera que sept. Énée a aussi été contraint de laisser son épouse Créuse. Elle ne lui en a pas moins donné un fils, Ascagne, qui l’accompagnera et lui survivra.
Dans son long voyage vers la terre promise, Énée va recevoir l’aide des dieux, des forces latentes en lui susceptibles de lui donner toute l’énergie nécessaire. Un premier couple de divinités va avoir un rôle déterminant, Jupiter et Junon. Si Jupiter le roi des dieux, est l’image de la conscience supérieure, il a pour épouse Junon, déesse ombrageuse et peu commode, sans cesse en conflit avec son mari qui bien souvent lui est infidèle. Pour Énée, elle va être une ennemie implacable et tenter de s’opposer à ses entreprises. Aux Troyens, elle voue une haine inexpiable depuis que l’un d’eux, Paris, a refusé de lui accorder la pomme d’or. Junon représente les instincts négatifs s’exprimant dans l’âme d’Énée, contre lesquels il lui faut lutter pour progresser.
Heureusement, face à elle, Énée va pouvoir s’appuyer sur sa mère Vénus, image de l’éternel féminin, médiatrice entre sa personne et les instances divines les plus hautes représentées par le roi des dieux. « Ô toi qui terrifies de ta foudre et règles de tes décrets éternels les hommes et les dieux, qu’ont donc pu contre toi commettre de si grave Énée et les Troyens à qui, après avoir subi tant de deuils, la terre entière est interdite à cause de l’Italie ? » [3], se plaint la déesse auprès de Jupiter. Entre elle et son fils, on a affaire à un « mariage céleste ».
Un autre dieu va avoir son rôle à jouer dans le parcours d’Énée, Vulcain, mari de Vénus. C’est en usant de toute sa séduction envers son époux, notamment en lui enjoignant de fabriquer les meilleures armes pour son fils, que la déesse va aider ce dernier. Vulcain, Héphaïstos pour les Grecs, est le dieu forgeron. Le feu dont il se sert est l’image du feu intérieur animant l’individu et tout au long de l’épopée, il se manifestera pour animer le courage d’Énée. À la demande de Vénus son épouse, il lui fournira des armes. Ainsi ordonne-t-il : « Cyclopes de l’Etna, écoutez bien ceci : il faut faire des armes pour un héros ardent. Vos forces, vos mains agiles, tout l’art où vous êtes passées maîtres, c’est le moment de l’exercer. Précipitez-vous sans tarder. » [4]
Enfin, le héros et ses compagnons, en harmonie avec l’ordre cosmique, vont être aidés par une série de présages, par exemple le vol des oiseaux. Le monde est une puissante unité formée de divers éléments en étroite sympathie les uns avec les autres.
Tout cet héritage va engendrer chez Énée la force d’âme nécessaire à la réussite de son entreprise.
Très vite, il est mis à l’épreuve, car dès les débuts de son voyage il est confronté à des échecs. Sur des indications lui révélant que la nouvelle Troie devait être fondée à l’endroit même d’où étaient venus les fondateurs de la cité détruite, Énée va aborder en Thrace puis en Crète, connaître la déception et poursuivre sa quête. En Crète, il tente de fonder une ville mais la peste arrive et provoque des ravages chez les Troyens. Les Pénates, divinités domestiques du foyer, l’ayant suivi après son départ, lui apparaissent et lui apprennent que le fondateur de Troie n’était pas issu de Crète mais d’Italie. Que ce soit en Thrace ou en Crète, avant de reprendre la mer il rend chaque fois hommage aux Troyens disparus l’ayant précédé sur ces terres en accomplissant les rites funéraires, ainsi à l’égard de Polydoros, fils de Priam, assassiné en Thrace. « Pour les mânes se dressent des autels qu’attristent de sombres bandelettes et du cyprès noir, et tout autour les femmes d’Ilion ont dénoué leurs cheveux selon la coutume. » [5] Expression de ce reste positif en l’âme des voyageurs, ces usages leur permettent de garder une conscience aiguë de leur passé. Leurs racines sont toujours vivantes en eux et restent un substrat sécurisant à partir duquel ils ont la possibilité de poursuivre leur périple. Telle est la piété d’Énée, celle qui permet le respect de l’ordre ancien et des traditions avant de se tourner vers le futur. La patience dont il témoigne prend sa source dans une force morale générée par un solide enracinement dans les valeurs du passé, sur lequel il peut toujours s’appuyer pour construire son avenir.
C’est alors dans une dialectique entre le masculin et le féminin en lui que le Troyen va continuer à se chercher et se réaliser. Ainsi ses vaisseaux abordent-ils à Carthage où il va connaître l’aventure amoureuse avec la reine Didon. Dominé par la passion, son voyage va pour un temps connaître l’incertitude. Sous une forme particulièrement aiguë, le héros est confronté à la partie féminine de son âme qui menace un temps de le subjuguer et, tombée amoureuse de lui, Didon va l’inciter à rester dans son pays. Conscient de sa mission, Énée la quitte et reprend la route avec ses hommes. « Le pieux Énée, bien qu’il veuille apaiser et consoler celle qui souffre et par ses paroles repousser sa peine, en gémissant profondément, l’âme ébranlée par un grand amour, n’en suit pas moins les ordres des dieux et revient à la flotte. » [6] L’aventure avec la reine de Carthage témoigne chez lui d’un profond conflit, celui entre la conscience claire représentée par Jupiter, le conduisant à mener à bien sa mission, et son âme affective.
Ce n’est pas sans conséquences pour sa personne que le Troyen a vécu cette épreuve et il lui faut opérer un retour sur lui-même pour acquérir une nouvelle jeunesse s’il ne veut pas céder au découragement. Aussi se rend-t-il en Sicile pour retremper son âme et celle de ses hommes en remplissant ses devoirs religieux envers son père Anchise, mort un an plus tôt. Les jeux funéraires qu’il organise sont pour lui une occasion de renouer avec sa virilité intime après ses égarements dans la cité punique. Mais alors, il se trouve aux prises avec les femmes de son expédition qui se révoltent et incendient ses navires. Prenant acte de l’incident, il décide de continuer son voyage avec une partie de ses compagnons seulement. Par ailleurs, il ne peut éternellement rester sur une île, source de stagnation.
Toutes ces mésaventures le confrontant à sa féminité intérieure ont prouvé sa capacité à consentir des sacrifices. La volonté d’atteindre son but nécessite de sa part un engagement personnel, avec pour corollaire l’obligation de faire un choix. Déjà, il avait dû renoncer autrefois à Créuse. De nouveau, il doit sacrifier une part de lui-même, celle concernant sa vie sentimentale, en abandonnant Didon. C’est une constante chez le héros ; sa volonté de persévérer l’incitera toujours à sacrifier. Plus tard, le sacrifice s’imposera de nouveau à lui en la personne de son pilote Palinure. Vaincu par le sommeil, celui-ci tombera à l’eau et Énée devra le remplacer. Si le bon pilote symbolise la meilleure façon de voir le monde, en changer consiste à définir son action sur de nouvelles bases.
Ces péripéties ont mis le trouble dans l’âme d’Énée et, pour rester endurant, force lui est d’aller plus avant en son âme. Là prend son sens son étape à Cumes, en Italie du sud, et sa rencontre avec la Sibylle, véritable guide spirituel. Celle-ci lui propose de le mener aux enfers pour interroger les morts sur le bien-fondé de son voyage. Avant cela, elle lui impose un rite essentiel, obtenir le rameau d’or, l’archétype du divin présent en chacun d’entre nous et vecteur de la suprême sagesse. « Il n’est pas donné d’approcher des mystères de la Terre avant d’avoir cueilli à cet arbre ses pousses aux cheveux d’or […] Du regard cherche le donc en hauteur et, selon le rite, après l’avoir trouvé cueille le de ta main ; car il suivra de lui-même, de bon gré et facilement, si les destins t’appellent ; mais autrement tu ne pourras le vaincre par aucune force ni l’arracher avec un fer dur. » [7] En chaque homme existe le sentiment d’une instance supérieure issue de l’âme du monde. Sans cesse, il doit chercher le rameau d’or, car la richesse à obtenir n’est jamais acquise une fois pour toutes. C’est ce que Maurice Maeterlinck a tenté d’exprimer dans sa pièce L’oiseau bleu. Dans tous les lieux où ils iront, ses jeunes héros chercheront l’oiseau bleu qui à chaque fois leur échappera. « Il faut croire qu’il n’existe pas, l’Oiseau bleu ; ou qu’il change de couleur lorsqu’on le met en cage… » [8], dit finalement aux enfants le personnage de la lumière.
Pénétré par ces valeurs, Énée se rend aux enfers pour être en contact avec les morts, l’image du savoir détenu par les anciens. Toujours le rôle de l’éducation a été de transmettre les valeurs des générations passées. Ces principes acquis et assimilés, le temps est venu de leur donner une nouvelle amplitude en tentant d’aller plus loin. Ainsi, Énée va de nouveau manifester sa piété en rencontrant son père Anchise. Ce dernier lui parle, non du passé, mais des âges à venir en citant les grands hommes destinés à marquer l’histoire de Rome. La prémonition de ce qui va arriver signifie pour le héros troyen l’acquisition d’une certaine sagesse, celle que ses aventures antérieures avec tous leurs aléas lui ont fait obtenir et qui lui redonne confiance en sa mission. « Tourne à présent tes prunelles jumelles, regarde ma famille et tes Romains. Ici César et toute la lignée d’Iule, qui va venir sous le grand axe du ciel. » [9]
Lorsqu’ils arrivent à l’embouchure du Tibre, en Italie, les Troyens vont être confrontés aux habitants de la péninsule aux yeux desquels ils sont des étrangers, même si Énée veut passer pour le descendant d’hommes issus du pays.
Ils rencontrent le roi Latinus, personnification de par son nom de l’identité du peuple latin, et lui proposent de s’allier avec lui. Image du bon roi, Latinus consent à donner au héros sa fille Lavinia, rendant possible le mariage entre deux peuples, celui indigène et celui « venu d’ailleurs ». « Que les dieux secondent nos entreprises et leur prédiction ! Il te sera donné, Troyen, ce que tu souhaites. Et je ne méprise pas vos présents : sous le règne de Latinus, il ne vous manquera ni la fécondité d’une terre riche ni l’opulence de Troie. » [10]
Mais le projet du Troyen va susciter dans la péninsule des oppositions et tous les indigènes ne vont pas accepter la présence de ceux qui demeurent pour eux des étrangers. Junon, la reine des dieux, crée la discorde chez les peuples italiens et suscite l’hostilité d’une partie d’entre eux contre les nouveaux arrivants. À cette fin, elle utilise les services d’une furie, Alecto, « l’implacable », et lui demande de lancer ses serpents sur les ennemis d’Enée. Ainsi, Turnus, le roi des Rutules promis au départ à Lavinia, va entrer en guerre contre ce dernier. Le destin du héros est décidément d’avancer et de reculer perpétuellement. Constamment, il est sujet à l’échec, mais chaque fois celui-ci génère chez lui un retour sur lui-même et constitue la base de ses choix futurs. C’est ainsi qu’Énée se rend auprès d’Évandre, personnage venu d’Arcadie, en Grèce, pour s’installer avec ses sujets en Italie. L’aide qu’il sollicite de sa part est la condition de l’unité entre son peuple et celui de la péninsule dont il espère l’accueil. Avec lui, il va aussi rechercher l’alliance des Étrusques, laissant seuls les Troyens face à leurs ennemis. Deux d’entre eux, Nysus et Euryale, alors qu’ils tentaient d’aller le prévenir, son massacrés par leurs ennemis.
Sa patience n’en est pas moins mise à l’épreuve et, n’étant qu’un homme, il cède à la fureur en massacrant de manière inconsidérée ses ennemis, notamment la guerrière Camille qui avait pris parti contre lui. Une fois encore est posé chez lui le problème du rapport avec la part féminine de sa personne. Finalement, dans un combat singulier, horrifié par la vision du baudrier de Pallas, le fils d’Évandre qu’il s’était donné pour mission de protéger, Énée tuera Turnus.
Virgile prend les dieux à témoin et la parole de Jupiter que nous transmets le poète exprime la vision future. « Les Ausoniens garderont leur langage et les mœurs de leurs pères, et leur nom tel qu’il est restera ; mêlés de corps seulement, les descendants de Teucer seront leur base ; j’ajouterai coutume et rites sacrés et je les ferai tous, d’une seule vois, Latins. Tu verras la race mêlée qui surgira du sang ausonien dépasser les hommes en piété, dépasser les dieux, et aucun peuple ne te rendra autant hommage » [11], répond le roi des dieux à Junon.
« Hâte toi lentement » [12], avait coutume de dire Auguste. De fait, Rome ne s’est pas faite en un seul jour et la patience sera toujours une vertu en honneur chez la future maîtresse du monde. Elle sera valorisée par la légende romaine. Bien après Énée, Romulus tuera Rémus, fondera l’Urbs, pensera avoir gagné avant de voir arriver les Sabins et d’être obligé de recommencer. La Fontaine ne disait-il pas « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » [13] ?
Bibliographie :
Carine Fabre, L’imaginaire alchimique dans l’Énéide, un miroir de la quête héroïque. Perpignan : université de Perpignan, 1997.
Xavier Darcos, Virgile, notre vigie. Paris : Fayard, 2017.
[1] Virgile, L’Énéide. Dans Virgile, Œuvres complètes. Traduit par Jeanne Dion, Philippe Heuzé et Alain Michel. Paris : Gallimard, collection Bibliothèque de La Pléiade, 2015, Livre V, p.485, v.588-595.
[2] Ibid., Livre I, p.251, v.88-93.
[3] Ibid., Livre I, p.259, v.229-239.
[4] Ibid., Livre VIII, p.655, v.440-444.
[5] Ibid., Livre III, p. 357, v. 62-65.
[6] Ibid., Livre IV, p. 429, v. 393-396.
[7] Ibid., Livre VI, p. 515, v. 140,145,148.
[8] Maurice Maeterlinck, L’Oiseau bleu. Fédération Wallonie-Bruxelles, 2012, Collection Espace Nord, Acte VI, Tableau 11, p. 157.
[9] Virgile, L’Enéide, dans op.cit., Livre VI, p. 559, v.787-790.
[10] Ibid., Livre VII, p. 587, v. 259-263.
[11] Ibid., Livre XII, p. 913, v. 834-840.
[12] Suétone, Vie des douze Césars, traduction par Henri Ailloud. Paris : Société d’éditions « Les Belles lettres », collection Livre de Poche, 1961, Livre II, Auguste, XXV, p. 95.
[13] Le lion et le rat, dans Jean de la Fontaine, Fables Livres I à VI. Paris : Pocket, Collection Classiques, 2018, Livre II, XI, p.94.