Hommage à Alan Sillitoe
26 avril 2010
Au moment de publier le numéro 9 de Temporel, nous apprenons la disparition d’Alan Sillitoe, poète et célèbre romancier, époux de Ruth Fainlight, poète et nouvelliste. Nous avons rencontré Alan Sillitoe à Paris il y a quelques années lors d’une lecture organisée par la librairie Shakespeare and Company. Sa conversation était pleine d’humour. Il nous avait confié que lui ne connaissait pas ce que les écrivains anglo-saxons nomment « the writer’s block ». En d’autres termes, il travaillait sans problème.
Dans son autobiographie, Life without Armour, Alan Sillitoe évoque la figure de Robert Graves. Beryl Graves, lors d’un déjeuner à la cala de Deià, nous avait raconté comment Graves avait encouragé Alan Sillitoe à écrire sur son expérience, sur Nottingham, sur ce qu’il connaissait bien, et cela avait donné Saturday Night, Sunday Morning, qui a eu le succès que l’on sait, sans parler du film, très émouvant lui aussi.
En hommage à la mémoire d’Alan Sillitoe, je traduis ces quelques lignes de l’autobiographie concernant Robert Graves.
« En parlant de mes poèmes, il dit que certains étaient bons, en ce que, au moins, je les terminais bien, tandis que tant de poètes partaient du bon pied, mais se mettaient à mi-chemin à patauger. Plus tard, quand de jeunes écrivains commencèrent à venir me voir, je devais me rappeler combien Robert s’était toujours montré généreux dans ses remarques sur les débutants, ne décourageant jamais personne, partant du principe sain que même s’ils pouvaient à présent s’avérer incompétents, il était toujours possible qu’ils s’améliorent à l’avenir et écrivent une œuvre de valeur. »
Alan Sillitoe, Life without Armour : An Autobiography. London : Flamingo, 1996, p. 186.
C’est effectivement non seulement le privilège des grandes voix poétiques que de fonder leur art sur la générosité (Graves a d’ailleurs écrit un essai sur la notion latine de « génie », de même racine que « générosité »), mais c’est aussi l’apanage d’être humains dignes de ce nom. « Nul n’est une île », écrivit John Donne dans sa Méditation XVII, et encore moins celui qui engage, pour les autres, sa parole.
Je me souviens de cette conversation au café, en face de Notre-Dame, Alan s’écriant en riant, comme accablé sous l’idée de la besogne toujours présente : « Oh no, I know no writer’s block ! »
Vous pouvez retrouver des poèmes d’Alan Sillitoe dans
temporel n° 3 avec un cahier "tiré à part"
temporel n° 5
temporel n° 6