Guy Braun, par Nelly Carnet
26 avril 2014
Guy Braun, Anatomie d’un geste, poèmes d’Anne Mounic. Chalifert : Atelier GuyAnne.
La préface condensée d’Anne Mounic à ce catalogue poétique ne peut être plus explicite sur la création, l’évolution et la visée que Guy Braun poursuit depuis déjà plusieurs années. « Profondeur » et « mouvement » prennent les formes les plus variées qui soient, du figuratif aux approches plus abstraites, et sur divers supports. Cette production est reliée à « l’être » et à sa « quête » existentielle. La préfacière, compagne de route de Guy Braun, suit le rythme de la production plastique. Elle accompagne chaque représentation avec une production poétique.
Le travail du graveur mêle le geste artisanal tendu vers la précision à la création en tant que maîtrise de la matière et mise en forme de la matière. Le souci de la création et de la projection d’une part de soi-même, d’une vision du monde et des êtres traverse chaque représentation. « Discret, inquiet, joyeux », Guy Braun explore les « burin, eau-forte, aquatinte, pointe sèche, xylographie, carborundum, monotypes ». Certains sont appréciés pour leur rapidité d’exécution comme l’acide utilisé dans le cadre de l’aquatinte. L’artiste tente alors de saisir les mouvements des personnages de Métropolis de Fritz Lang « dans l’instant d’une fraction de seconde ». Guy Braun a pour maître Etienne Jules Marey pour sa recherche sur le mouvement, Dürer pour le travail au burin et Jacob Christoph Le Blon pour la quadrichromie.
Les textes poétiques d’Anne Mounic tendent de traduire les mouvements qui s’y inscrivent et échappent à toute prise. A propos des deux premières « Manières noires sur cuivre » représentant deux visages, elle écrit : « Le visage épouse sa propre fluidité de songe ». L’évanescence prend « chair ». L’artiste visite aussi bien ce qui semble le plus statique que ce qui est le plus ineffable : la fumée, une statue de pierre, des corps, des objets, l’intérieur de la maison de Mallarmé à Vulaines-sur-Seine, une anatomie mise en scène. Lumière et clair-obscur révèlent le mouvement.
Pour le poète, l’œuvre en rappelle une autre. L’art se démultiplie lorsqu’une nouvelle perception s’y attache. L’escalier de la maison de Mallarmé fait écho au philosophe de Rembrandt. Poète et peintre sont réunis en un seul texte comme les deux auteurs de ce catalogue poétique.
Face à la plus grande légèreté, on trouve le désespoir des nonnes à cornette : « Elles ressemblent à une volée de mouettes, / ces femmes qui, sous leur cornette, ont perdu le goût de l’être […] ». Lorsque les gravures prennent de la couleur, c’est encore dans un jeu d’obscurité et de clarté que les formes apparaissent comme ces poires devinées. « Le miracle de ces poires tient à ce qu’elles devraient, / mirages, disparaître, mais qu’elles demeurent, / et l’œil jouit / de ce picotis de jaune vif / au sein de notre nuit. » Dans ce qui semble le plus statique, le mouvement se laisse deviner. Un tronc d’arbre tracé au burin n’est pas aussi inerte qu’on peut le croire. C’est à sa surface que l’on capte sa vie, or la vie même est mouvement. Ses sinuosités expriment le mouvement du temps, son inscription en creux. « Le tronc de cet arbre vénérable / grommelle de ses protubérance ». L’artiste entre dans le détail, celui de l’extérieur pour mieux révéler celui de l’intérieur.