Emilie Saqué, poèmes
20 avril 2013
I
Des hommes s’élèvent
Une voix dix voix
Vingt trente cent
Des voix par milliers
Par delà les continents
S’élèvent lentement
Des voix qui forcent les portes du ciel
Roulements de timbales
Peine capitale :
Famines
Maladies
Bombes
Tombes
Populations entières abandonnées
Grandeur et misère
De l’humaine condition
Des voix par milliers
Roulements de timbales
Peine capitale :
Des femmes en pleurs échevelées
Écrasent les corps meurtris des enfants affolés
Mais le regard des enfants refuse de mourir
C’est la beauté touchée par la grâce
Des voix et encore des voix par milliers
Brisons les chaînes
Pour l’amour de l’homme
Concertino
Organo di legno
Bassons Violons Violoncelles
Contre bassons Flûtes traversières
Et les voix traversent
Les roulements de timbales
Altos Hautbois & Hautbois d’amour
Traversent par milliers
Les continents
Les voix brisent les chaînes
C’est le cri d’amour des opprimés
Par milliers les voix se dressent
Comme un seul homme
Pour construire une tour enchantée
Où l’âme humaine tout entière est
Pleine conscience du monde
Les hommes apprendront
Le souffle de la lumière
Le toucher de l’amour
Le goût de la paix
L’homme contemplera l’homme
En face à face
Et les dieux descendront sur terre
Pour connaître le cœur et l’âme
De l’homme qu’ils ignorent
Des voix par centaines par milliers
Comme autant de constellations
Chantent le chant des chants
La beauté de l’âme humaine
Ce concert des nations
II
Ces voix qui s’élèvent parlent
Maintenant le même langage
Libres dans le ciel
Plus rien ne peut les arrêter
L’envol répare le vol
Elles défient les tyrans et les dieux
Au feu les lois divines
Au feu les fers et les sceptres
Feux de joie de leurs peines
Et les voix disent :
« Vos regards si hauts si lointains
S’abaisseront pour écouter les voix
(Et les dieux retirés dans leur silence se taisent)
Les voix s’élèveront
Pour reconquérir leur royaume »
(Et les dieux se taisent Interdits)
L’homme ne se condamnera pas à la violente indifférence des dieux
L’homme ne portera pas sa croix pour la moindre indulgence
Dans ce ciel désertique
Heureusement
Écoutez
Écoutez
Les voix impénétrables des hommes
Promesse d’une humanité nouvelle
Dans l’air indompté
Et Voici le royaume de l’Homme
Où la raison humaine
Et l’amour du semblable ont triomphé
De l’insoutenable indifférence des dieux
(Et les dieux à genoux lèvent les yeux vers la terre)
* Impressions notées sur la composition d’Arvo Pärt, Da Pacem Domine : « Da pacem Domine/in diebus nostris/quia non est alius/qui pugnet pro nobis/nisi tu Deus nostrem », in Pro Pacem de Jordi Savall. Cette pièce musicale a été composée en hommage aux victimes de l’attentat de Madrid en 2004.
L’œil absolu, 2012-2013
Lingot d’Oc
Un morceau de pizzaïolo à la place de Piazzola
Dans le transistor d’Astor
Les absents ont toujours la rue du Taur
Ils prennent en chemin le bourdon de Saturnin
Nouga-rêve cette pensée triste qui se danse
Les Minimes en Gardel sur leur trente et un
L’enfant du pays garde ailes et plume d’ange
Et s’élance vers le ciel du Pont Neuf
Le Duende frappe du pied le plancher
De l’âme flamenca
Ce chant profond
De gorges chaudes
Gargarisme de Garonne
Et de tripes vocales à la nougarock
Vie violence
Rouge et noir
Le pont d’Arcole est au Canal du Midi
Riquet sans sa houppe gagne son sobriquet d’empereur
Les défaites se transforment en victoires
Des capitouls à Saint Sernin
Les adversaires capitulent
Quand Brennus l’ovale brandit à Saint Raymond sa volée de bois vert
La violette a le parfum du scandale
Ostinato
Note de tête : provocation
Note de cœur : revendication
Note de fond : obstination
Vent d’indignation quand la violette se fait violence affirmation
Vent d’admiration quand la violette a un parfum de rébellion
1218
Brique rouge
Ville Rose
Simon de Montfort trébuchait entre les mains des femmes
Le boulet à terre au ciel le crâne
Occis temps
La capitale occitane restait entre les mains de Raymond VII
1539
Le Vent du Diable
S’emporte contre les écrits juridiques
La plume des capitouls orne la coiffe de François Ier
Occitan décapité au Capitole
Et les Arts floraux sèment l’Autan chez les poètes
L’Églantine s’effeuille en langaige maternel francois
Ce diable de Vent part en croisade
Cet hérétique épidermique lance sa charge contre Villers-Côtterets
Rebec de rock électrique
Notes doctes d’un flageolet pour folk-l’or populaire
Passée l’onde de choc
L’Autan prend l’air-bus Et joyeusement
S’encanaille hors de sa Cité de l’espace
Ordonnance sans prescription
Pied de nez d’Oc
« Moments », 2012