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Dunstan Ward, poèmes

24 avril 2019

par Dunstan Ward

Silence

in memory of Hélène Péras

I could no longer bear, that day, her silence,
while she kept her analytic distance,
observed me meander, failing to find
the thread to guide me out of my inward maze.
I said, ‘There’s something more I need you to give,
some word I can hold, once alone, in my mind,
like that stone I picked up, worn by ancient waves,
and carried home, relic, memento mori.’

‘What has stopped you from saying this before ?
Is the silence mine, or is it your own ?
How telling that lapsus, your passive mistake :
instead of “I have lived”, “I have been lived” . . .’
We talked. At the door she smiled : ‘You have your stone.’
Now she has hers, silence no word can break.

Silence

à la mémoire d’Hélène Péras

Insoutenable, ce jour-là, son silence,
alors qu’elle gardait sa distance d’analyste,
observait mes errances, cherchant en vain
le fil pour m’évader de mon labyrinthe.
Je dis, ‘Je voudrais quelque chose de plus,
un mot à tenir, une fois seul, dans l’esprit,
comme cette pierre, usée par la mer antique
d’où je l’ai prise, relique, memento mori.’

‘Qui vous empêchait de dire cela avant ?
Est-ce le mien, le silence, ou est-ce le vôtre ?
Éloquent lapsus, votre faute de français :
pas « j’ai vécu » mais « j’ai été vécu » . . .’
Nous parlâmes. Elle sourit : ‘Vous avez votre pierre.’
Et elle la sienne, silence nul mot ne brise.

This Stone

I picked up this stone my first summer in Greece,
on a beach whose name reflects its shining pebbles.
It fits the palm like a still unshelled almond,
its colour the ripe kernel’s hidden within ;
one side’s almost caught in the ragged meshes
of a seine net, the other’s stained with ink
from a cuttlefish, or reed pen. That season,
alone for weeks on a chosen island, free,
I searched for words afresh.
An exile’s relic,
this fragment of Patmos the Aegean’s shaped
forty years on warms again in my hand,
reminding me I must return to ‘my’ island,
warning me not to wait until too late . . .
Yet why no green stone from my own island ?

Cette pierre

Cette pierre vient de mon premier été en Grèce,
d’une plage dont le nom reflète ses cailloux luisants.
Elle va à la paume comme une amande entière,
sa couleur celle de la graine mûre dedans,
une face presque prise dans les mailles déchirées
d’une seine, l’autre tachée d’encre de seiche,
ou d’un calame. Cette saison solitaire,
toutes ces semaines sur l’île élue, libéré,
je cherchai des mots à nouveau.
Relique d’exil,
ce fragment de Patmos sculpté par l’Égée
se réchauffe dans ma main après quarante ans,
me rappelant encore une fois à ‘mon’ île,
m’avertissant de ne pas trop tarder . . .
Mais pourquoi nulle pierre verte de ma propre île ?


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