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Charles Tomlinson, traduit par Michèle Duclos

26 avril 2014


Japanese Notebook

The falling blossom
I saw drift back to the branch
was a butterfly
Moritake


for Takashi Tsujii

The circular window
(unglazed)
in the shrine at Kamakura
borrows the landscape and transforms it
into a roundel on the wall

The rice grains
in the porcelain
of the teacup
let through light

Bridge of a spider’s web
leaves resting on it
as on the telephone wires
above the bamboo grove

Legs of the spider
halfway between
the shambling of a crab
and the parrot’s claw
scaling the wires of its cage
in laborious methodical ascent

Immense wooden temples
that look like celestial barns
full of invisible grain

Fat ropes of straw
embrace and sanctify
the trunks of the ancient pines
that climb so high
before their foliage begins

A tree mummified in bandages
it has been there seven hundred years
and must be fortified
against the diseases of old age

A bamboo pipe drips
dropping condensation
from rocks into a well
already overflowing

The falling leaf
that turns out not to be
Moritake’s butterfly
has reached the ground

Basho’s cicada drills no rocks
but emerges from the dust
a tarnished link
in the foodchain of the ants
lifting it by its feelers

Clouds
that keep removing
the miniature mountains of Izu
have abolished Fuji

Charles Tomlinson, Skywriting. Manchester : Carcanet, 2003, repris dans New Collected Poems, 2009.

Carnet japonais

La fleur tombée
que j’ai vu dériver vers la branche
était un papillon
Moritake

pour Takashi Tsujii

La fenêtre circulaire
(sans verre)
dans le sanctuaire à Kamakura
emprunte le paysage et le transforme
en un rond sur le mur

Les grains de riz
dans la porcelaine
de la tasse
laissent passer la lumière

Le pont d’une toile d’araignée
des feuilles y sont posées
comme sur les fils du téléphone
au-dessus du bosquet de bambous

Pattes de l’araignée
à mi-chemin entre
la maladresse d’un crabe
et les griffes du perroquet
escaladant les barreaux de sa cage
dans une ascension méthodique laborieuse

Immenses temples en bois
Comme de célestes granges
pleines de grain invisible

D’épaisses cordes de paille
étreignent et sanctifient
les troncs des très vieux pins
qui montent si haut
avant que commence leur feuillage

Arbre momifié de bandages
il est là depuis sept cent ans
et doit être fortifié
contre les maladies du vieil âge

D’une conduite en bambou
s’échappe de la vapeur qui descend
des rochers dans un puits
qui déjà déborde

La feuille qui tombe
mais n’est pas
le papillon de Moritake
atteint le sol

La cigale de Basho ne perce pas les rocs
mais émerge de la poussière
lien terni
dans la chaine alimentaire des fourmis
qui la soulèvent par les antennes

Des nuages
qui s’obstinent à enlever
les montagnes miniatures d’Izu
ont aboli le Fuji

Traduction par Michèle Duclos

(Remerciements à Michael Edwards pour l’élucidation de certains passages du poème).

Né en 1927, poète, peintre, ayant accompli une longue carrière universitaire à Bristol, fidèle aux paysages du sud de l’Angleterre, Charles Tomlinson sait rendre dans ses poèmes la culture et les paysages des pays où il a voyagé , de l’Italie, du Portugal ou de la Grèce, du Mexique et du Nouveau Mexique au Japon. Les courts poèmes ci-dessus retrouvent l’évidence ontologique tranquille du haïku. Tomlinson est aussi l’auteur, avec Octavio Paz, Jacques Roubaud et Edoardo Sanguineti, d’une joute poétique publiée en 1971 dans les langues des quatre poètes par Gallimard sous le titre Renga, et cette même année traduit dans l’anglais seul par lui pour les éditions Braziller de New York sous le titre Renga, a Chain of Poems. Egalement : Charles Tomlinson, Makoto Ooka, James Lasdun, Hiroshi Kawasaki and Mikiro Sasaki, Departing Swallows, a renshi [renga de forme libre] 1998.


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