Anne Mounic, poème
22 septembre 2014
Boueuse, ocre rose, Garonne
reçoit dans ses plis, ses ondulations,
le ciel tout azur du premier hiver
surgissant au creux de l’automne,
fin octobre, dans le corps des métamorphoses,
bientôt la fête des saints et des défunts,
ainsi que, peut-être, les premières gelées.
L’azur sur la boue des eaux se transforme
en bleu cobalt et se disperse entre les rides
d’ombre et d’ocre. Quai du Médoc,
à Bordeaux, ou bien boulevard,
sur l’autre rive se dressent les usines.
De ce côté, on prépare la cuisine.
Nous déjeunerons sous le soleil,
nous, les passants, ou bien vous autres,
tous ces visages dont les vies se croisent ici.
Nous, ‒ nous deux ‒, nous repartons cet après-midi,
et de l’ailleurs regagnons le familier.
Comme l’ici, maintenant, Je et Tu,
ces notions sont une dans l’idée,
multiples sur les lèvres, à l’instant
où nous prononçons ces mots qui nous désignent.
C’est ainsi que les hommes vivent,
et croient s’entendre.
S’entendent un peu,
au sein de la vaste absence
de parfaite coïncidence.
Que l’on n’oublie jamais
de léger hiatus
de la liberté.
Ce poème est extrait de Bleu singulier : Nocturnes et autres résonances. Chalifert : Atelier GuyAnne, 2014.