24 septembre 2020
Traduction italienne| Traduction anglaise
Pour Anne et pour Guy,
fidèlement,
car il trille aussi dans vos nuits,
l’oiseau à la plume de feu
Air à siffler tout seul dans le noir
Cette chanson est née de rien, sinon
d’un tonnerre lointain…
Le jour où chantera en nous le chardonneret
personne ne saura où je serai :
peut-être dans le pré,
ou bien dans la forêt,
au cœur d’une campagne,
aux flancs de la montagne –
là-bas, pris comme dans un rêve,
soudain je disparais !
« Personne alors ne sait (...)
MON JARDIN
C’est un petit jardin entouré d’un grand mur, Avec un vieux bassin et des parterres vides, Avec un vieux prunier dont le fruit n’est pas mûr, Car les hivers sont noirs, et les soirées humides !
Mais le soleil, par un beau matin de printemps, A ramené la vie dans cette cour obscure. Le myosotis fleurit, l’herbe drue brille, et tend Sa tige verte au dieu que le ciel clair azure...
Une abeille bourdonne autour du jardinet. Les fourmis courent le sentier plaqué de mousse. Roulé sur mes (...)
Voix, instant, individu
La voix est une expérience, expérience du silence tout d’abord, paradoxalement. Vous descendez en vous, sondant ce fourmillement de sensations sans nom, qui échappent à la lumière. Et puis vient une disposition, une ouverture, d’où peu à peu émanent les phrases, en une cohérence de rythme et de sens. Telle est la voix première, qui s’élève à la lumière et appelle d’autres voix, tout d’abord ce « tu », qui paraît n’être qu’écoute, mais qui, en fait, si vous creusez un peu plus (...)
Avant d’être Paul Celan, le poète que nous connaissons et dont nous célébrons cette année les cent ans de la naissance, le jeune Paul Antschel, était un élève et étudiant doué de Czernowitz, en Bucovine, entouré de jeunes filles qui l’admiraient et auxquelles il récitait, dans le Volksgarten (jardin municipal), des poèmes de Rilke et de Trakl ou d’autres auteurs allemands, ou encore de Verlaine. Czernowitz était une ville officiellement roumaine, nommée Cernauţi, rattachée au royaume de Roumanie depuis le (...)
III
Et moi aussi sourde clameur je passe sur Les milliers de morts enterrés ici Je suis chaque vieillard massacré, chaque enfant abattu, Aucun de moi n’oubliera.
Evgeni Evtouchenko : ‘Babi Yar’
…Tant de choses ont disparu
et la fin du monde se profile
en aileron de requin sur notre horizon stagnant.
Eleanor Wilner : ‘Ars Poetica’
Huitième et Treizième
La Huitième de Chostakovitch, Mise en musique du comble De l’horreur qu’offre l’histoire, A été rediffusée hier soir Sur les ondes nationales. (...)
Raison et raison encore
de rendre grâce :
pour les fruits de la terre,
pour les fruits de l’arbre,
pour la lumière du feu…
Charles Reznikoff,
‘Meditations on the Fall and Winter Holidays’.
J’ai vécu au premier siècle des guerres mondiales.
Muriel Rukeyser,
‘Poem’.
Becky et Benny à Far Rockaway
Près de l’Atlantique, après le terminus du métro,
Le sable tire des langues sur le trottoir,
Des armées de Juifs vieillissants s’imbibent de soleil
Comme d’autant de Talmud,
Blanche, branlante et (...)
Andrew Marvell, poète « métaphysique » selon T.S.Eliot, fut un puritain non sectaire, membre du Parlement et secrétaire de John.Milton pendant le Commonwealth. Sa poésie exprime avec bonheur un savant mélange de spiritualité et de sensualité. "To his coy mistress "est un des plus célèbres poèmes érotiques de la littérature anglaise.
To his coy mistress
Had we but world enough and time, This coyness, Lady, were no crime. We would sit down, and think which way To walk, and pass our long love’s day. Thou, (...)
La représentation d’« Ubu Roi, comédie guignolesque », par Monsieur Alfred Jarry, au Théâtre de l’Oeuvre, si elle a peu d’importance en soi, est d’un poids considérable comme symptôme des tendances qui agitent actuellement l’esprit de la jeune génération en France. La pièce est la première farce symboliste, elle manifeste la grossièreté d’un potache ou d’un sauvage ; ce q’il y a de plus remarquable à son sujet après tout, c’est l’insolence avec laquelle un jeune écrivain se moque de la civilisation elle-même, (...)
Japanese Notebook
The falling blossom
I saw drift back to the branch
was a butterfly
Moritake
for Takashi Tsujii
The circular window
(unglazed)
in the shrine at Kamakura
borrows the landscape and transforms it
into a roundel on the wall
The rice grains
in the porcelain
of the teacup
let through light
Bridge of a spider’s web
leaves resting on it
as on the telephone wires
above the bamboo grove
Legs of the spider
halfway between
the shambling of a (...)
Souviens-toi et autres poèmes
Traduction de Melody Enjoubault.
Remember
Remember me when I am gone away,
Gone far away into the silent land ;
When you can no more hold me by the hand,
Nor I half turn to go yet turning stay.
Remember me when no more day by day
You tell me of our future that you plann’d :
Only remember me ; you understand
It will be late to counsel then or pray.
Yet if you should forget me for a while
And afterwards remember, do not grieve :
For if the darkness and (...)
Lu dans le ciel après minuit
De la génération d’Adam à la dernière,
ainsi court la rumeur de l’humain dans la pierre :
De nos spermes chacun est un astre orphelin
qui se perd dans le noir sans y laisser de trace,
comme un vol de perdreaux dispersés par le vent
pour repeupler la nuit dans les lits de l’espace !
Dès qu’ils ont percé l’œuf niché
au creux du ventre obscur et chaud,
pour naître de nouveau frère et sœur s’y retrouvent,
enfants incestueux qu’emporte un même fleuve.
De nous deux (...)
Par là-bas, quelque part
i.m. Evy
Sous l’horizon glacé des bouleaux et des hêtres
chemin pierreux du jour
sentiers en velours de la nuit
te rejoignent peut-être
déjà nulle part, dans le vide :
perdus à l’autre bout du Ried,
dans ton noir infini.
Soir du 19 avril 2009, Hasensprung, en Alsace
***
La double voix
J’emprunte au destin, tour à tour,
chemins terreux du jour,
sentiers de velours dans la nuit,
pour me rapprocher de la source intime
qui luit au cœur du roc, où bruit
le fin (...)
« Que chacun patauge dans sa propre merde ! » vient de proclamer peu diplomatiquement la chancelière d’Allemagne Angela Merkel, avant de changer d’avis le surlendemain même. En condamnant à la faillite les financiers aveugles et insouciants qui dirigeaient la banque d’affaires Lehman Brothers, le secrétaire au Trésor américain a ouvert sans nulle précaution la boîte de Merd’or de la haute finance mondiale, de Hong-Kong jusqu’en Islande. C’est – piètre consolation –, la revanche de la poésie brute en (...)
Es ist ein Schnitter…
Es ist ein Schnitter, der heißt Tod,
Er mäht das Korn, wenn’s Gott gebot ;
Schon wetzt er die Sense,
Daß schneidend sie glänze,
Bald wird er dich schneiden,
Du mußt es nur leiden ;
Mußt in den Erntekranz hinein,
Hüte dich, schöns Blümelein !
Was heut noch frisch und blühend steht
Wird morgen schon hinweggemäht,
Ihr edlen Narzissen,
Ihr süßen Melissen,
Ihr sehnenden Winden,
Ihr Leid-Hyazinthen,
Müßt in den Erntekranz hinein,
Hüte dich, schöns Blümelein !
Viel (...)
Normandie, et autres poèmes par Cyril W. Crain
***
Nous présentons ci-dessous au lecteur sept poèmes d’un ancien combattant anglais, autodidacte, toujours de ce monde, qui a participé au débarquement. Ces textes ont été, tout récemment, découverts et recueillis par le [Centre canadien Juno Beach à Courseulles.] Ils y sont, avec les traductions, édités et vendus sous forme de cartes postales. Jean Migrenne, traducteur.
Normandie Venez saluer la mémoire
Des héros de Normandie.
Soyez fiers de (...)
L’anglais de race pure
Traduction de
The True-Born Englishman,
A Poem ;
By Mr. Daniel De Foe
Notes du traducteur en guise d’introduction
Daniel Defoe (1660-1731), citoyen britannique d’origine néerlandaise, connu du monde entier en tant qu’auteur d’un des tout premiers romans : Les aventures de Robinson Crusoé (1719), conte à vocation philosophique qui a fait le bonheur d’un lectorat juvénile pendant des générations aux siècles derniers, est aussi un polémiste prolifique célèbre pour son (...)
A propos de l’un des derniers poèmes de Dylan Thomas intitulé In Country Sleep, tiré du recueil éponyme, ainsi que d’un tout récent pèlerinage en terre de Galles.
Si deux lieux, New Quay, sur la côte ouest et Laugharne sur la côte sud revendiquent aujourd’hui l’honneur d’avoir été la source d’inspiration d’Under Milk Wood, et si je voterai personnellement pour New Quay, il n’en reste pas moins que c’est le paysage de Laugharne tel que vu depuis la remise annexe ou le balcon de la Boat House maintenant (...)
Couleurs du monde
La couleur du monde est chose miraculeuse Pierrre Jean Jouve
I Fleur sèche et collée sur la vallée L’allégresse à côté du pardon Et tous deux étrangers à nos yeux (...)
Dans deux tableaux de Chassériau au Louvre nous voyons l’origine de Gustave Moreau et de Puvis de Chavannes. La Chaste Suzanne réalise ce que Moreau tente de faire, avec une grâce artificielle mais charmante ; la conception est beaucoup plus imagée, le dessin plus sensible. Les couleurs sont un peu faibles, sèches même, mais la silhouette mince dans un paysage romantique constitue un tableau. La fresque accrochée dans l’escalier à côté des Botticelli suggère une belle décoration et annonce Puvis. Mais (...)
Beware
The man without a shadow even though a sun still tranquil sends rays from the east gives orders to who’ll act them lovingly unless they’ve trust again that’s lasting. Strange how people passing throw their flattened shape on paving while he stands immobile, smiles with lips not eyes, spreads fear. To comprehend the words for evil delve from childhood all those midnight terrors, ask what’s underneath the bed and see if you can reach the door unscathed. To know what monsters are (...)
Ivor Gurney : Trois poèmes d’après-guerre (1919-1925)
Poète de la nature exilé dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, Ivor Gurney est interné en asile psychiatrique quelques années après l’Armistice. Hanté par le souvenir de la guerre, l’amour des collines du Gloucester et la liberté perdue, c’est là qu’il écrit la plus grande partie de son œuvre. Gurney se distingue par son attachement tout édouardien (certains diraient Georgian) pour une nature présente et vivace, bien que sourde aux (...)
Extraits de "Pour une herméneutique du B-A BA" – 06.2011 -
(Suite de 275 poèmes en fer taillés sur place et rangés sur un fil tendu entre ma peau au frais).
Un tableau, un asciigramme, se compose de texte, prose ou phrasé poétique, associé à une image d’art ASCII servant de support ou de pendant graphique. Ainsi un texte peut-il s’inscrire en saprophyte intriqué dans les espaces vacants du graphisme, palisser une séquence esthétique, ou encore procéder d’une technique mixte. Chaque vue présente donc (...)
Verfliegender Nebel im Garten
Nebel, weisse Wolle, die kein Mädchen zupft an einem Spinnrad, hüllt den Garten ein und bewegt sich vorwärts, rückwärts und verfliegt. Und in Pracht (...)
Traduction de Franck Miroux
LA MOUCHE
Elle s’assit sur l’écorce d’un saule
observant
un moment la bataille de Crécy,
les hurlements,
les gémissements,
les plaintes,
les piétinements et le tumulte.
Lors de la quatorzième charge
de la cavalerie française
elle copula
avec une mouche mâle aux yeux marron
venue de Vadincourt.
Elle se frotta les pattes
montée sur un cheval démembré
méditant
sur l’immortalité des mouches.
Soulagée elle mit pied à terre
sur la langue bleue
du Duc de (...)
Olivier Greif est né en 1950 à Paris. Il y fait ses études musicales au Conservatoire National Supérieur de Musique avec Lucette Descaves pour le piano (2ème prix), Jean Hubeau pour la musique de chambre (1er prix), Tony Aubin pour la composition (1er prix) et Marius Constant pour l’orchestration.
En 1969 il perfectionne ses études de composition à New York auprès de Luciano Berio (à l’époque professeur à la Juilliard School) et devient son assistant pour la création de son opéra "Opéra", à l’Opéra de (...)
Traduction de S.Montin et R.Nguyen Van
Three Poems of the Atomic Age
I. Dirge for the New Sunrise
(Fifteen minutes past eight o’clock, on the morning of Monday the 6th of August 1945)
Bound to my heart as Ixion to the wheel, Nailed to my heart as the Thief upon the Cross, I hang between our Christ and the gap where the world was lost
(…)
There was a morning when the holy Light Was young…The beautiful First Creature came To our water-springs, and thought us without blame.
Our hearts (...)
Brisures (6)
Mère
Dans ton enfance, les filles pauvres n’apprenaient pas. Lorsqu’au puits tu portais le seau puiser de l’eau tu glanais
aussi quelques lettres. Ton nom était Buchewach
ou Buchwarg.
Je suis ignorante ma fille, tu disais, à cause
d’Hitler que son nom soit damné
et sa mémoire effacée.
J’ai appris. J’ai joué d’un instrument. J’ai essayé de danser.
Ignorante je suis
seul ton amour me lit et m’écrit
Père
Ses plans pour des caisses en bois compliquées, qu’il faisait pour (...)
Le ballet de printemps pour Anne Mounic
« Et la nuit,
où vont-elles,
les vives hirondelles ? »
demande Evy à sa chère Anne,
en suivant de son doigt
les cercles qu’elles tracent, –
élargissant leurs cris
au-dessus de nos toits
dans le ciel rose et brumeux de Paris.
Mon Evy siffle-t-elle aujourd’hui dans le noir,
dès que les belles hirondelles
dansent au ciel avec le soir ?
Claude Vigée
Paris, le 24 juin 2007
****
L’eau des sombres abysses
Evy, si tu m’entends encore là-bas, où tu n’es (...)
Claude Bauwens, gercé ou aoûté. Maison de la poésie d’Amay : L’arbre à paroles, 1998.
Ce recueil de textes en prose (à l’exception du poème intitulé « La lettre de Dunkerque), dont le titre évoque les deux pôles de l’année, hiver et été, conjugue paysage et mémoire. Claude Bauwens, au jardin et dans les environs de la maison natale, y est en quête des traces de son enfance :
« Ainsi en est-il du souvenir comme de l’écho. De nombreux emplacements répercutaient l’écho de ma voix d’enfant. Où sont ces (...)
Dans ce cahier de création, on trouvera, de Paul van Melle, un extrait d’un recueil encore inédit, « Le temps des mains », une suite d’aphorismes, puis des poèmes de Michel Cosem, « À l’orée du bois » et d’Annie Briet, qui nous parle des « Soirs d’été » et du « fenouil ». À l’occasion de la parution, en novembre 2005, de Passages, exercice de traduction mutuelle de textes en prose et de poèmes par Vivienne Vermes et moi-même, nous en publions ici un extrait. Enfin, nous terminerons par un essai de David Gascoyne (...)
Souvenirs de Deauville
Deauville,
La plus belle des villes,
Ses vents,
Venant,
Des fins fonds du Pôle Nord,
Nous obligeant à nous déplacer avec effort,
Sa neige,
Robe blanche, malheur des chasse-neiges,
Ses décors scintillants,
Bonheur des habitants,
Et sa plage,
Cimetière de coquillages,
Débris de pierres,
Et les bateaux,
Voguant au fil de l’eau,
Transportés par les remous,
Emportant,
Par le même temps,
Un petit bout de plage,
Comme un souvenir,
Trop vite emporté.
Raphaël Vigée Enregistrement (...)
Richard Aldington
Images of War/Images de la guerre, 1918
Proem
Out of this turmoil and passion
This implacable contest
This vast sea of effort
I would gather something of a repose,
Some intuition of the inalterable gods.
Each day I grow more restless,
See the austere shape elude me,
Gaze impotently upon a thousand miseries
And still am dumb.
Living Sepulchres
One frosty night when the guns were still
I leaned against the trench
Making for myself hokku
Of the moon and (...)
QUANT said :
Since the neighbors did, With a multitude I made the long Visitors’ voyage to Venus Island, Elated as they, landed upon The savage shore where old swains lay wrecked Unfit for her fable, followed up The basalt stairway bandying jokes with The thoughtless throng, but then, avoiding The great gate where she gives all pilgrims Her local wine, I legged it over A concrete wall, was cold sober as, Pushing through brambles, I peeked out at Her fascination. Frogs were shooting Craps in (...)
Recueilli
L’homme referme les bras de ses manches plissées Sur la profondeur d’un cœur plongé en lui-même La tête appuyée sur l’éventail de ses doigts veinés Penchée sur un sourire à peine esquissé Les paupières baissées entrouvertes Le front altier sous les mèches épaisses L’oreille ciselée à l’écoute Le poing fermé sur le ciseau L’épaule cachée sous le chapeau Dans le fragile équilibre des courbes Les creux vallonnés de la pierre Il puise en son for intérieur d’artiste La spirale jaillissante de sa force (...)
Fin avril 1945, Paul Antschel fuit sa ville natale Cernăuţi pour Bucarest, avec quelques livres, un tas de manuscrits et une poignée d’argent comme seul bagage. C’était passer de la « Petite-Vienne » au « Petit-Paris », comme ces deux villes étaient surnommées pendant l’entre-deux-guerres. Cernăuţi était la capitale de la Bucovine, une région attribuée à la Roumanie, quand la double monarchie austro-hongroise s’était désintégrée à la fin de la Première Guerre mondiale. Paul Antschel y est né le 23 novembre (...)
L’auteur
Gwendolyn Brooks (1917-2000) est l’une de figures marquantes de la poésie africaine-américaine, tant par la quantité, la qualité et l’impact de sa production : une trentaine de titres, tous abondamment repris en anthologies, commentés et cités. On ne compte plus le nombre de thèses de doctorat et d’études savantes qui lui sont consacrées. Son premier recueil, A Street in Bronzeville (1945) traite de l’impact de la guerre sur les Noirs américains. Elle fut le premier auteur de couleur à recevoir (...)
Still Falls the Rain
The Raids, 1940. Night and Dawn
Still falls the Rain — Dark as the world of man, black as our loss — Blind as the nineteen hundred and forty nails Upon the Cross.
Still falls the Rain With a sound like the pulse of the heart that is changed to the hammer-beat In the Potter’s Field, and the sound of the impious feet
On the Tomb : Still falls the Rain In the Field of Blood where the small hopes breed and the human brain Nurtures its greed, that worm with the brow of (...)
Le temps des mains
(Extrait du recueil inédit Satori)
On peut vivre dans le monde sans être du monde. Il importe de se sentir présent à tout ce qui nous entoure, mais sans en rester encombré.
◊
Il faut prendre plaisir à tout ce qui nous arrive. Le tragique est une idée fausse. Malheurs et deuils sont à retourner comme gants.
◊
Qu’est-ce que le chaud et le froid ? Nous sommes nous-mêmes le chaud et le froid, car rien ne peut nous atteindre si tout est en nous.
◊
Quoi que nous réalisions, c’est (...)
Beaucoup moins qu’avec Freud est connue la longue relation amicale d’admiration qui unit la chanteuse Yvette Guilbert et son mari Max Schiller avec le poète et essayiste Arthur Symons (1865-1945) également critique artistique pour plusieurs magazines britanniques importants. C’est à l’occasion d’un de ses premiers séjours à Paris, en 1994, que Symons eut l’occasion d’entendre la chanteuse au théâtre de music-hall Les Ambassadeurs. Une lettre de la diseuse, datée du 4 décembre 1894, remercie l’auteur qui (...)
Odilon Redon
Le nom d’Odilon Redon n’est connu que de peu de gens en France et de moins de gens encore en Angleterre. Le Paris artistique n’a jamais trouvé le temps de penser à l’artiste qui vit si tranquillement dans son sein, œuvrant patiemment à enregistrer ses visions, sans se laisser décourager par l’absence d’appréciation, mais probablement fatigué de l’attendre. Ici et là l’instinct délicat et en éveil d’un homme qui a lui-même apporté des dons neufs à son art – Huysmans, Mallarmé, Charles Morice, (...)
Translations
Glosses, interpretations, versions, adaptations, reversions – we
translate ourselves from one place to another, from one
thought to another, from one self to another. Furnishing
an equivalent of self, abbreviating, burnishing, augmenting or abandoning
its bawdy, to authenticate our selves as glosses on interpretations
or creative plagiarisms of self, versions and reversions of self.
Selves adapted to different companies, in different places to trip over
and different (...)
Cahier parisien (suite) – 2009.
Grave réflexion philosophique notée en rentrant de ma tournée à Seebach en Alsace, dans l’Outre-Forêt, le 19 avril : à leur retour de voyage, les morts, eux, ne sont pas obligés de laver leur linge sale. C’est là le grand avantage qu’ils ont sur les vivants. Tandis que moi, j’ai dû passer la moitié de ma matinée à faire la lessive : chaussettes, caleçons, sous-chemises et chemises… Les vieux veufs, au boulot !
22 avril 2009
***
Du temps où j’étais encore un être humain à (...)
Qui oserait parler de survie en poésie ? Au mieux, les livres d’un auteur défunt lui promettent fallacieusement un temps variable de surmort en bibliothèque, – tant que subsisteront des bibliothèques accessibles, dans le monde virtuel du Net. Voilà un grand sujet de réjouissance et de consolation.
*
Un photographe d’art de mes amis, excellent physionomiste de surcroît, me fait remarquer tout à coup, à mon grand effroi doublé d’amusement, que la plupart des gens ne possèdent pas vraiment de tête à (...)
Cahier parisien (suite)
Réflexion profonde, paradoxalement drolatique, cruelle et vive d’Anthony, qui m’annonce de Londres au téléphone, d’une voix légère, la mort d’un de ses amis, un peintre anglais renommé, décédé après une longue maladie d’Alzheimer :
« When there is death, there is hope ! »
Là où il y la mort, il y a de l’espoir : oui, dans ce cas-là, en effet…
23 octobre 2007
***
A good nothing is better than a bad something – like the one here.
(Un bon néant vaut mieux qu’un mauvais monde – (...)
Est-ce d’avoir tourné sur le même carrousel bischwillérois ? Est-ce d’avoir ressenti le même air mémorial trente années après Claude Vigée, qui rend Rémy Drago si sensible à la puissance et à la sonorité de la poésie d’Aux portes du labyrinthe ?
L’adéquation si parfaite entre ces vers et sa musique, la force et la sobriété de celle-ci montrent que Rémy Drago, au-delà de cette proximité native, a su convoquer son art au service de ce rythme quasi archétypal, pour nous offrir une création nouvelle. C’est une (...)
Insonnia et autres poèmes
traduits par Sabine Huynh
Insonnia
A volte muoio nel mezzo delle vite
a volte troppo silenzio m’inchioda.
Una parola scivola nel corpo.
Accanimento del pensiero buca il sonno.
Inadeguatezza alla cosa virtuale :
la mia scrittura è inchiostro puro.
Troppa carne a cena, troppe parole,
accumulo di grassi nel sangue
e via con le magagne notturne.
Sapendo che fino all’ultimo e sempre
ci sarà in ogni ambito il sonno,
si vergherà scrittura naturale. (...)
Sankt Meinrad poème original
de Clemens Brentano
Graf Berthold von Sulchen der fromme Mann,
Er führt sein Söhnlein an der Hand ;
Meinrad, mein Söhnlein von fünf Jahren,
Du mußt mit mir gen Reichenau fahren.
Hatto, Hatto, nimm hin das Kind,
Alle lieben Engelein mit ihm sind ;
Die geistlich Zucht mag er wohl lernen,
Und mag ein Spiegel der Münche werden.
Er ging zur Schul barfuß ohne Schuh,
Und legt die geistlich Kunst sich zu ;
Die Weisheit kam ihm vor der Zeit,
Da ward er zu einem (...)
Introduction
I found this draft of David Gascoyne’s unpublished poem, A White Rose, in his ‘Commonplace Notebook 1948’, which is in the Beinecke Library, Yale University. After transcription and a first reading, the name of the American poet, John Crowe Ransom, came immediately to mind together with the titles ‘The Rose’, ‘Roses’, ‘The Four Roses’ and, more particularly, the sonnet ‘Piazza Piece’.
Throughout the wartime period 1939-45 and after, Gascoyne collected work by American poets, (...)
Hommage à Apollinaire
Cette huile sur toile (1911-12) est aussi un hommage à Canudo, Cendrars et Walden, dont les noms figurent aux pieds d’Apollinaire, centre du tableau. (C’est la plus importante toile de Chagall en date.)
Son étalage de formes géométriques et son symbolisme biblique (Adam, Ève et la pomme) marquent une étape essentielle dans l’évolution de l’artiste. Le soleil dans lequel il inscrit son personnage clivé est aussi horloge cosmique. Voir les chiffres 9, 0 et (1)1 en périphérie. Le (...)
L’ANGLAIS DE RACE PURE
I
Là où Dieu érige une maison de prière,
Le Diable toujours bâtit chapelle derrière,
Qui immanquablement à l’examen révèle
Que ce dernier a davantage de fidèles.
Du jour où il a faussé notre entendement,
Le genre humain, conquis, le suit aveuglément.
Il s’attache à tous sans discrimination
Et règne en maître sur toutes les nations.
Aucune secte non-conformiste ne vient
Secouer son joug, rare est celui qui s’en plaint.
Il connaît le génie et le moindre penchant
De chacun (...)
Traduction de Michèle Duclos
Bee Fuchsia
At the first brief lull
in terrible weather
bees are back, each
entering headfirst
the upside-down open
nectar-heavy skirts
of wet fuchsia flowers
and seeming to say
quite still in that laden
inner space, only
the smallest shudder
of the two together
when the bee-tongue
unrolls and runs together
its tiny red carpet
into the heart
of what is no mystery
but the very vanishing
point and live centre
of the flowers’s instant (...)
À l’occasion de la parution des Petits châteaux de Bohême et des Chimères, recueils illustrés par Louis-Albert Demangeon, nous proposons ci-dessous un poème extrait des Odelettes et son accompagnement graphique.
Le point noir
Quiconque a regardé le soleil fixement
Croit voir devant ses yeux voler obstinément
Autour de lui, dans l’air, une tache livide.
Ainsi, tout jeune encore et plus audacieux,
Sur la gloire un instant j’osai fixer les yeux :
Un point noir est resté dans mon regard avide. (...)
French Windows
(Extraits)traduction française
par Jane Augustine
VI.
Stone Water-Trough al a Crossroads in Provence
Between Venasque and Saint-Didier
fresh water drips continually into a basin that overflows into a lavoire beyond the pillar.
Off of rough slopes, breezes
from vineyards with ripening grapes ruffle the plane trees’ leaves. Cool of oncoming autumn.
Rocks are loosening in the slopes
ready to fall into crumbling gullies weeds and live oak.
It is 1950 in the Napa (...)
John Wilmot, Earl Of Rochester Anglais original
Nothing thou Elder Brother even to Shade Thou hadst a being ere the world was made And (well fixt) art alone of ending not afraid.
Ere Time and Place were, Time and Place were not When Primitive Nothing, somthing straight begott Then all proceeded from the great united what---
Somthing, the Generall Attribute of all Severed from thee its sole Originall Into thy boundless selfe must undistinguisht fall.
Yet Somthing did thy mighty (...)
Le jardin piétiné
La fleur de pomme de terre dans l’allée craquelée La tige rougissante de la grasse rhubarbe L’épine luisante du rosier de velours Le clapotis de la tonne mousseuse L’arrosoir en fer-blanc dégorgeant l’eau de pluie Le buis odoriférant au coin du parterre de pierre La fraise sauvage tapie à l’ombre du groseiller Le chat tigré aux yeux de braise jouant entre les jambes L’oreille chatouillée par les bourdonnements d’insectes La paille piquante pour la caresse du lapin au clapier Le (...)
Mask
I am here It’s me and it’s not me I smile It’s me and it’s not me I’m beside you It’s me and it’s not me I feel something uneasy with your words It is me I feel something dubious in your attitude Which makes me stop, shudder and withdraw It is me I shake my head and say Good-bye to you all You say this is justice here You said that was justice there I am not with you It is me I am a traitor Masque
Me voici C’est moi, ce n’est pas moi Je souris C’est moi, ce n’est pas moi Me voici à vos (...)
Lettre à Olivier, (en guise de portrait, à mon tour !) 26 juillet, 2001
Olivier, rappelle- toi… c’était Noël ! Nous étions invités, mes enfants et moi en Sologne chez nos chers amis communs. Ils nous avaient averti que nous devions y rencontrer "un grand compositeur". Je ne connaissais rien de toi, et pour cause : tu avais disparu de la société et du monde musical pendant plus de 20 ans poussé par le besoin impérieux d’atteindre à un autre niveau de conscience par la méditation. Ton retour à la (...)
SECTION 2
Uncollected translations
From SUEUR DE SANG (1933 ; 1934)
Les Masques
Le désespoir a des ailes
Despair has wings
Love has despair
For shimmering wing
Societies can change
***
From SUEUR DE SANG (1933 ; 1934)
Crachats
Spittle on the asphalt has always made me think
Of the face painted on the veil of holy women.
First appearance in the Encrages article, op. cit.
***
From MATIERE CELESTE (1937 )
Hélène
Mozart
The sky the vast sky of wind breaths and stone
Stone of (...)
Illusions
Edmund Blunden
Trenches in the moonlight, allayed with lulling moonlight
Have had their loveliness ; when dancing dewy grasses
Caressed us stumping along their earthy lanes ;
When the crucifix hanging over was strangely illumined,
And one imagined music, one eve heard the brave bird
In the sighing orchards flute above the weedy well.
There are such moments ; forgive me that I throne them
Nor gloze that there comes soon the nemesis of beauty,
In the fluttering relics that (...)
Robe grise
Pareille à la roche grise, Je touche des bouts d’éternité Du bout de mes ongles brillants. Le sable est ma seule défense, La roche ma seule confidente Muette mais tellement solide, Silencieuse mais digne de confiance. Je suis changeante Elle ne l’est pas Sauf quand l’océan s’en mêle Et là nous nous ressemblons tant.
La forêt comme abri
Quand la lumière du matin s’alourdit de givre Tu marches vers la montagne de souvenirs Lourds à porter, longs à déporter. Et tu deviens l’homme des bois (...)
Poètes des temps de guerre
Qui dit Poètes des temps de guerre ne dit pas nécessairement poèmes sur la guerre.
Poètes des temps de guerre n’est pas une anthologie exhaustive.
Poètes des temps de guerre ne se limite ni à la Première
Guerre Mondiale, ni aux seuls combattants
britanniques.
Autant que possible, les notices originales ont été étoffées de façon à offrir au lecteur
francophone des profils socioculturels susceptibles de l’éclairer
sur ce phénomène littéraire unique en son genre. (...)
Poèmes d’amour et de guerre
Née en 1924 à Czernowitz (en Bucovine, province longtemps autrichienne, devenue roumaine en 1920, aujourd’hui en Ukraine), Selma Meerbaum-Eisinger, lointaine cousine de Paul Celan, a composé un unique recueil de 57 poèmes avant d’être déportée et exterminée à l’âge de 18 ans dans le camp de Mikhaïlovka, en Ukraine occupée par les Allemands, en 1942, le même camp où furent déportés les parents de Celan. Son recueil, dédié à son amoureux, a été découvert et publié 40 ans après sa (...)
In Country Sleep
The poem In Country Sleep by Dylan Thomas Part 1, read by Andrew Tatham.
I
Never and never, my girl riding far and near In the land of the hearthstone tales, and spelled asleep, Fear or believe that the wolf in a sheepwhite hood Loping and bleating roughly and blithely shall leap, My dear, my dear, Out of a lair in the flocked leaves in the dew dipped year To eat your heart in the house of the rosy wood.
Sleep, good, for ever, slow and (...)
Au La Mecque Ainsi en advint-il au La Mecque
Pose sous un faux jour qui te défigure.
Le salut perdu de Mies Van der Rohe.
Et la faillite des contes de fée.
S. Smith, c’est Mme Sallie. Mme Sallie,
se presse vers la Mecque, son prodigieux havre de grâce ; 5
gravit les degrés dégradés de ce haut lieu.
L’œil sali encore, la bouche sidérée
des rances relents du Régal patronal.
Résolue
à laisser la rigueur au rencart, (...)
Hamlet I, ii
O that this too too sullied flesh would melt Thaw and resolve itself into a dew, Or that the Everlasting had not fix’d His canon ‘gainst self-slaughter ! O God ! God ! How weary,stale, flat and unprofitable Seem to me all the uses of this world ! Fie on’t, ah fie ! ‘tis an unweeded garden That grows to seed ; things rank and gross in nature Possess it merely. That it should come thus ! But two months dead, nay, not so much, not two ; So excellent a king, that was to this Hyperion (...)
Actualité de Wilhelm Müller
Wilhelm Müller
Die Winterreise Le voyage d’hiver
Traduction de Nicolas Class
1. Gute Nacht
Fremd bin ich eingezogen,
Fremd zieh ich wieder aus.
Der Mai war mir gewogen
Mit manchem Blumenstrauß.
Das Mädchen sprach von Liebe,
Die Mutter gar von Eh —
Nun ist die Welt so trübe,
Der Weg gehüllt in Schnee.
Ich kann zu meiner Reisen
Nicht wählen mit der Zeit :
Muß selbst den Weg mir weisen
In dieser Dunkelheit.
Es zieht ein Mondenschatten
Als mein Gefährte (...)
Rodin
L’art de Rodin rivalise avec la nature plutôt qu’avec l’art des autres sculpteurs. Les autres sculpteurs transforment la vie en sculpture, lui transforme la sculpture en vie. Sa glaise fait partie de la substance de la terre, et la terre continue de s’y accrocher alors qu’elle prend forme et se met à vivre. Sa sculpture est à la fois fleurs et racines ; celle des autres n’est que la fleur, la fleur coupée. Ce lien avec la terre, que nous trouvons dans les masses brutes de rocher dont ses plus (...)
LA PAROLE DE SIVA
Basavanna
« Si chaque idiome suit (…) son propre cours, il existe néanmoins des moments privilégiés où les interférences demeurent possibles, où une même inquiétude vient battre au-delà des frontières ».
Claude Esteban
Ces textes ont été écrits au milieu du XII° siècle, en Inde et en langue Kanara, par le saint-poète-ministre-philosophe Basaveswara (ou Basavanna). Ils sont ici traduits de l’anglais.
Le grand mouvement de protestation religieuse Bhakti (dévotion) trouve ses (...)
Le pâtre des papillons
« Au poète mexicain Homero Aridjis [...] qui parle des fleuves orangés des papillons monarques coulant dans les rues de son village, à Contepec. » J.M.G. Le Clézio, Dans la forêt des paradoxes, discours devant le jury du Prix Nobel, 7 décembre 2008.
« Dès lors, comprendre, c’est se comprendre devant le texte. Non point imposer au texte sa propre capacité finie de comprendre, mais s’exposer au texte et recevoir de lui un soi plus vaste, qui serait la proposition d’existence (...)
Part II
Décrite la race, l’habit faisant le moine,
Satire, brosse-nous d’elle un portrait idoine :
Cruauté bretonne, bravoure à la romaine,
Le maintien, plutôt que la conquête la mène ;
Ces teigneux ne craignent pas de verser leur sang,
Ils avancent sans peur, sans penser plus avant,
Aigres comme Pictes, chagrins comme Danois,
Fourbes comme Écossais, en bons Normands faux poids.
Ils tiennent des Saxons leur grain d’honnêteté,
Lequel, avec le temps, commence à les quitter.
Le climat les (...)
truth
I have walked very long on the rocky bed of Time. In my effort to excavate truth many times, I have fallen into the pit where truth sits complacent refusing to be rescued, Since for truth, earth is trivial.
Many times, I have fallen into bottomless depth. And defying death I have risen on my own. Aeons have passed I still carry on.
This is just once more that I would look for my origin Before I get up and walk again, only, a few questions to be triggered at random. (...)
At the Fishhouses Elizabeth Bishop
Although it is a cold evening, down by one of the fishhouses an old man sits netting, his net, in the gloaming almost invisible, a dark purple-brown, and his shuttle worn and polished. The air smells so strong of codfish it makes one’s nose run and one’s eyes water. The five fishhouses have steeply peaked roofs and narrow, cleated gangplanks slant up to storerooms in the gables for the wheelbarrows to be pushed up and down on. All is silver : the heavy (...)
La poésie comme unité d’être :
Rencontre avec Claude Vigée.
Cet entretien et cette lecture ont eu lieu le mercredi 21 février 2007 à l’University of London Institute in Paris, sur l’aimable invitation de son directeur, David Shepheard, et de Dunstan Ward, professeur.
Anne Mounic : Claude Vigée, né en Alsace dans une famille juive peu pratiquante, a connu une existence géographiquement multiple, sinon divisée. Ce périple, qui évoque celui de l’Ulysse de Benjamin Fondane, commence avec l’exode, en (...)
je doute qu’ aucun chant
ne vaille à l’instant
ma mémoire vacille
sans souvenir du temps
et ce miroir où se reflète
mon lieu brille
de sa lueur rose
derrière cette porte
naîtra un jour sans horizon
si au creux de mes mots
se dit ma joie
le ciel suffira
***
loin de moi
quel vent m’étourdira et
ivre d’un rien
dans une autre saison que
j’appelle l’été
sans pays
mais mon lieu sans ma peur
dans mes mots
je ne sens plus pas après pas
la chaleur des rues et
me remplis de nuit (...)
Dans l’aleph des jours
Poèmes 2007-2008, extraits
Qu’on se lève
Et que l’on dise
Le poème
Tout haut
Qu’on le murmure
Dans son cœur
Comme une prière
Qu’on l’offre
A ceux qui n’ont plus
De parole
A manger
*
Sous les visages
Ce qu’il y a
D’une vie
Qui se dit
*
Une pensée s’en va
Elle rejoint les oubliettes
Trou noir de l’esprit
Une pensée s’en vient
Pareille à une bougie
Dans la cave
*
Rythme des mots
*
Jolie terrasse
Avec (...)
Faust. Der Tragödie zweiter Teil
Schlußszene
Johann Wolfgang Gœthe
Bergschluchten, Wald, Fels, Einöde
HEILIGE ANACHORETEN (Gebirg auf verteilt, gelagert zwischen Klüften)
CHOR und ECHO Waldung, sie schwankt heran, Felsen, sie lasten dran, Wurzeln, sie klammern an, Stamm dicht am Stamm hinan. Woge nach Woge spritzt, Höhle, die Tiefste, schützt. Löwen, sie schleichen stumm- Freundlich um uns herum, Ehren geweihten Ort, Heiligen Liebeshort.
PATER EXTATICUS (auf- und abschweifend) Ewiger (...)
Inventory : Homage to Jacques Prévert
Two Elizabethan miniatures, one Jacobean tragedy, one Caroline succession, one Regency terrace, one Victorian horror, one Edwardian afternoon.
Five finger exercises, four quartets, three blind mice, two lilywhite boys, one pair of hands.
One gaudy night.
Twelve honest men and true, three months without the option, twenty-two yards.
One chain.
First light, second sight, third time luckv, fourth dimension, fifth avenue, sixth sense, seventh seal, (...)
Claude Vigée, professeur-poète de littérature
La venue de Claude Vigée au début des années soixante au département de français fut une vraie révolution. Nous, les étudiants, le ressentions sans pouvoir vraiment l’expliciter.
Pour certains d’entre nous, nous entendions parler pour la première fois d’un Mallarmé ou d’un Camus. Le vingtième siècle n’était pas au programme. La littérature s’arrêtait au dix-neuvième siècle. Mais voilà, avec Vigée nous découvrions non seulement le vingtième siècle, mais aussi la (...)
In memoriam Richard Wilbur
I
Ce poète, aussi grand pour les uns que décrié par les autres, nous a quittés le 15 octobre 2017. Il avait quatre-vingt-seize ans. Maintenant que l’on sait qu’Einstein avait raison et que les ondes gravitationnelles existent dans un continuum espace-temps déformé, j’émets le vœu que le délai qui se sera écoulé entre ces derniers jours d’octobre et la date de parution de ces lignes dans Temporel, intègrera cette matière noire dans laquelle nous, béotiens, ne voyons que du (...)
Ici-bas
Le coquelicot en feston des coteaux,
le talus en friche et l’odeur de terre,
la pluie et la mésange,
ont scellé notre union.
Le peuple des bois et celui des airs,
les arbres en dentelle noire,
même le grand lac étal
où les corbeaux lapent l’hiver,
m’ont mariée au bel ici-bas.
Je suis la bienheureuse la toujours bien-aimée,
mon amant m’escorte autant que rivière avant la source,
je périrais de soif il m’abreuverait de feu,
il ajoure de nuit les heures de trop d’éclat,
je (...)
Lecteur
Une brèche se fait
dans la distance
l’espace perd soudain
son immensité.
Un autre au loin fait signe
je sais qu’une âme approche
Nous sommes deux peut-être plus.
Que serions-nous sans le regard
sans le souci de prendre et d’emmener
celui qui vient et de l’aimer.
Voici qu’un autre a dit
peut-être à haute voix
peut-être en basse mélodie
les mots qui furent fibre de ma voix
et s’en furent dans la nuit
Il y a des gens que l’on connaît
et que pourtant l’on ne rencontre (...)
Saisons
Saisons du corps, de l’âme, saisons dans l’éternel.
Saisons de n’être pas et de ne pas saisir la pente de l’eau vive dans nos cœurs.
Gloire aux saisons sans nom des arbres millénaires
quand la sagesse prend couleur de feuille et de printemps,
quand l’automne est de fête et de feu et de vent,
quand l’hiver médite l’été
hors du temps.
Saisons plurielles de notre unicité,
grains pollen sur nos bouches aux rêves rapportés,
saisons de plus profond que le filet de nos querelles.
Nos émois (...)
Lions de l’Atlas
Vers Alger
La route
Une planche
La mer
Une jatte lisse
Les goémons
Des grappes de raisin
Nous étions libres
Et nous venions
De vivre
Une nuit ensoleillée
Le soleil au milieu de l’âme
Et la vie entière visible
J’aimai toujours
À écouter ma mère
À demi vaincue
Me nourrir
Des récits
De ses longues luttes
Et sur ses genoux
Je trouvais mon père
Assis à côté de moi
Me raconter
L’histoire dans ses blessures
L’errance des Berbères
Le blason de ses ancêtres
En Afrique du (...)
Deux poèmes
La muse de Brancusi
Le masque de bronze
Incliné comme la lune
Sous l’arcade de l’œil
A la fois clos et ouvert
La douceur souriante
D’un paysage coquillage
Galet étiré au poli infini
Le front ratissé jusqu’au nœud de la nuque
Les fines narines humant l’air de la mer
Sirène assoupie au visage vénusien
Au vague sourire esquissé de doutes
Sereine jusqu’à l’avènement du temps
La joue tournée vers un nouveau souffle
L’accueil d’un baiser de rosée au réveil
Les caresses d’une nuit d’été (...)
C. D. Friedrich
Une massive montagne de pics glacés
Un arbre tortueux étranglé par la neige
Déraciné
Calciné
Dans une sombre forêt mousseuse
Des croix forgées autour d’une ruine
Le mât croisé d’une caravelle
Sous un ciel balayé par l’adversité
Un moine face à l’océan
Écoute dans le roulement de la houle
L’écho du vallonnement des collines
L’appel au-delà de la solitude et du temps.
Hamburger Bahnhof
Une gare aux néons colorés
Aux graffitis de toile dans les couloirs
Où les drapeaux sèchent sur la corde à linge (...)
Nous écoutons ici deux morceaux d’Olivier Greif, extraits des Chants de l’âme, pour voix de femme et piano.
Jennifer Smith : soprano
Olivier Greif : piano.
The Tyger – Le tigre, William Blake – 3’ 03. Death be not proud – Ne va pas t’enorgueillir, ô Mort – John Donne – 1’ 58
Olivier Greif, Lettres de Westerbrook, pour voix de femme et deux violons, sur des textes d’Etty Hillesum et des extraits des Psaumes de l’Ancien Testament.
Doris Lamprecht mezzo-soprano ; Alexis Galpérine et Eric Crambes (...)
Le roi d’Is
L’entendez-vous en vos séjours, La plainte des cloches sonnant ? Cette chanson, triste toujours, Dans l’air du soir un soupir lancinant ?
Ne diriez-vous, à vos fuseaux, Quelque frisson hors de saison ? Le bruit du vent dans les roseaux Quand sur la route on songe à sa maison ?
Voudriez-vous au loin partir S’il s’élevait la nuit aux bois, Lorsque la lune allant sortir On croit ouïr un grand cerf aux abois ?
N’est-ce pas comme un cri dolent Dont le sanglot vous investit ? Un mauvais (...)
Love Letter
I told you my apartment number ; I gave you a description of the way water comes out of my kitchen faucet, crippled sluicing thing. There is no incidence to speak of. Few reasons I could give for all give for all this lonesome paperwork. When I need you don’t come running. When my head bends its soft web to the ground, when the ground appears ready to listen. My name is twenty-four letters long plus seventy-two words for snow. On the top left-hand corner of every sheet of paper (...)
À l’orée du jour
Attente de l’instant, oui attente avec des mots qui tremblent des souvenirs qui brûlent attente de ce retour sur la pierre du seuil en même temps qu’une respiration et l’ultime odeur de l’hiver C’est le printemps, c’est le retour et j’attends le premier grincement du volet l’éclat d’une flamme dans la cheminée la lampe au cœur de la pièce qui caresse la nappe aux carreaux rouges
Et tout rapidement s’enchaîne
◊
Le goût de l’oiseau le soleil puis la pluie qui pique le tonnerre qui roule (...)
Poèmes
J’ai rêvé de maman, Elle disait : « Je viens d’accoucher, ici, d’un petit frère pour toi, A la place de Chaioun, mort en quarante-deux » ; Elle disait : « Comme ça, tu n’auras pas peur de mourir là-bas, Ici t’attend un petit frère » ; Elle disait : « Il grandit, selon mon bon vouloir - Parfois plus vite, parfois plus lentement, Lorsque tu viendras nous voir, Il aura juste vingt ans, Toi tu seras vieux, et lui il sera jeune » ; Elle disait : « Je lui ai raconté tout ce dont je me souviens de toi ; (...)
TESTAMENT D’AVRIL
Dans le hameau le seul bruit de ma pioche comme un bouquet d’étincelles dans le jeu des feuilles avec la brise Tout respire par bourrasques d’ailes par lumières de bourgeons par averses de printemps il faut préparer la terre il faut préparer l’été le coucou s’en occupe qui gravement berce le monde entre ses deux notes
*
LA TREILLE
Des mains de feuilles qui inventent l’ombre pour l’été une ruche de grains d’ambre où tourne le soleil pour l’antique collier suspendu au cou (...)
À l’occasion de la parution des Sonnets romains et autres poèmes, présentés et traduits par Gérard Abensour, nous proposons ci-dessous l’un des sonnets et son accompagnement graphique et photographique.
La Fontana delle Tartarughe
Rejetant par dessus leur épaule la flasque
Tortue - captive bossue - au fond de la vasque
Où s’éclaboussent sans relâche les baigneurs,
Dépourvus de grâce, mais retenant leur peur,
Ils dansent, les éphèbes, sautant sur le dos
De monstres au nez cassé. Fameux acrobates,
Sous (...)
Aux bois dormant
I
Jamais non jamais, ma petite si loin emportée, si proche pourtant, Au pays des contes de coin du feu, par le charme des mots endormie, Ne crains ni ne crois que le loup au chaperon de blanc mouton De sept lieues botté, rogomme bêlant, cœur léger, va fondre sur toi, Mon trésor, mon trésor, D’une tanière dans les feuillages floqués du serein de l’année Pour te dévorer le cœur dans la maison du bois aux rêves jolis.
Dors d’un lent, d’un bon, toujours profond sommeil, magique et rare (...)
Si tu reviens jamais danser… On m’a souvent demandé ce qu’il y avait de vrai dans ma chanson Bal chez Temporel ; presque tout, sauf le nom, que j’ai inventé (le Temps, encore une fois !)…
André Hardellet,
Donnez-moi le temps.
Intitulé Les Archivistes, le dernier texte du dernier recueil publié de son vivant, sous le titre Les Chasseurs (...)
Midi, pleine lune
Extrait du recueil paru en septembre aux éditions Encres Vives,
Dans un monde où l’être a abdiqué cette part de lui-même qui hurle à la vie
Mille neuf cent cinquante-sept. J’avais deux ans. Le martyre
de Maurice Audin*, mort sous la torture
et de la main – sans pitié – d’êtres comme lui, comme nous,
simplement réfugiés sous l’uniforme, devenu terreur, des parachutistes,
et abritant en leur for intérieur, au lieu d’eux-mêmes,
de leur inquiète singularité et de leur défensive et (...)
Il pleut
Il pleut ?
Il pleut !
La pluie, la vraie pluie
En rideau, en éventail, en écharpe,
Pas un petit soupir, pas un pétale de pluie,
Une bonne grosse pluie de campagne,
Hardie, sans gêne,
Une pluie qui ose, une pluie qui dit,
Qui tourne dans le vent, bouscule les arbres,
Une pluie franche et qui bruit,
Sur les carreaux, sur le toit de la serre,
Sur les feuilles des paulownias.
Qui fait chanter les gouttières.
Qui danse.
Pas une pluie timide et languissante,
Une pluie (...)
Couleurs du jardin
Blanc de gris et gris de craie,
Sol et ciel,
Dans le matin naissant.
Sombre bronze et rouille claire
Des vaisseaux marronniers,
En partance de la nuit.
Marron rose et rose poudré
Des feuilles amassées
Sous la main du vent.
Vert amande et gris de vert
Des voutes déployées
Sous le pas de l’aube.
Argent et or
Des fruits et feuilles de ginko
Sous l’œil de l’oiseau.
Jaune de la flamme
Des lueurs de la ville,
Sous l’aile du temps.
Bleu du gris et de l’acier
Des (...)
Le Sommeil
Je m’éveille d’un sommeil d’or.
Là, une rose vient d’éclore,
Et me voit chanter sur la treille.
J’existe, je vis, c’est merveille.
La douleur s’est tue dans le clair
Obscur d’une vallée. Je repose
Dans un intervalle du temps.
J’avance au-delà des frontières.
La Loire s’étire entre bleu et vert.
Les silures et les algues
Ne barbotent plus dans mon sang.
Les lézards à la peau noire
Perdent leur peau. Viens, je t’en prie,
Dans un intervalle du temps.
Éveille-toi, vis avec moi, (...)
David Gascoyne
Letter To An Adopted Godfather
Edited and introduced by
Roger Scott
Henry Miller takes his place among the literary figures who influenced Gascoyne to a marked extent, in company with Rimbaud, Pascal, Marx and Freud, Breton, Pierre Jean Jouve and his wife Blanche, and Benjamin Fondane. Like many Americans Miller first made the journey to Paris in the 1920s, and he would live there throughout the next decade. David Gascoyne’s first visit to Paris was in 1933.
When Cyril (...)
Chanteloup-en-Brie, 19 novembre 2006
Nous offrons ici à nos lecture un extrait de la lecture de prose et poésie donnée à Chanteloup-en-Brie dans le cadre du Salon du livre de cette commune de Seine-et-Marne par Vincent O’Sullivan et Anne Mounic, invités de Cécile Benattar et Martine Bernadat. Vincent O’Sullivan se trouvait en France, invité à l’occasion des Belles Etrangères 2006, manifestation consacrée cette fois-là à la Nouvelle-Zélande. Plusieurs ouvrages de ce poète, romancier, auteur de théâtre, (...)
Britannia
Je chante un hymne à la vertu et à ses gloires,
Aux héros couronnés d’immortelles victoires.
D’une vertu sans faille le nom, pourtant, passe
Plus vite qu’au levant une aurore fugace ;
Les échos rassemblés le reprennent en chœur,
Le tonnerre redondant s’en fait le vecteur ;
Répercuté par les grands fonds de l’océan,
Il se propage en songe dans la nuit des temps.
Des temps qui le rendent à son urne présente
Où à tout jamais il faudra qu’il patiente.
Rien ne porte plus loin, ne dure (...)
Deux poèmes de Charles Tomlinson autour de Mai 68
Siena in Sixty-Eight
The town band, swaying dreamily on its feet, Under the portraits of Gramsci and Ho, Play « Selections from Norma », and the moon, Casta diva, mounts up to show How high the sky is over harvested Tuscany, Over this communist conviviality within the wall Of a fortress that defends nothing at all.
History turns to statues, to fancy dress And the stylishness of Guevara in his bonnet. Here, Red-bloused, forgetful sales (...)
The tragedy of Macbeth
Enter Macbeth’s wife with a letter
Lady Macbeth :
They met me in the day of success : and I have learn’d by the perfect’st report, they have more in them than mortal knowledge. When I burn’d in desire to question them further, they made themselves air, into which they vanish’d. Whiles I stood rapt in the wonder of it, came missives from the King, who all hail’d me Thane of Cawdor, by which title, before, these weird sisters saluted me, and referr’d me to the coming on of (...)
AFIN DE TOUT Des légendes lovées
dans leur houppelande de brume
s’éveillent et nous escortent
Des pierres crissent de joie sous nos pas
Les cyprès vibrionnent en sourdine
Nous avançons ivres de prodiges ordinaires
Pulsations de sources secrètes
Ravissement du bleu intérieur
Dans la liesse des moissons
un incurable se donne la mort
seul présent qu’il reçut
avec la vie
Tragique espoir du sans espoir
dans l’adoration de l’instant
ACCALMIE
Clapotis amoureux de la ville en rut
sous le vent (...)
Menons Klagen um Diotima***traduction
1.
Täglich geh ich heraus, und such ein Anderes immer,
Habe längst sie befragt, alle die Pfade des Lands ;
Droben die kühlenden Höhn, die Schatten alle besuch ich,
Und die Quellen ; hinauf irret der Geist und hinab,
Ruh erbittend ; so flieht das getroffene Wild in die Wälder,
Wo es um Mittag sonst sicher im Dunkel geruht ;
Aber nimmer erquickt sein grünes Lager das Herz ihm,
Jammernd und schlummerlos treibt es der Stachel umher.
Nicht die Wärme des (...)
Pourtant un jour d’hiver, sur la jetée, je lui demandai simplement, en regardant bouillonner la mer houleuse à nos pieds par l’interstice des planches : « Alors, qu’est-ce que tu en penses ? » La réponse fut une longue poignée de main, et une pression de son genou contre le mien, comme deux jeunes chevaux qui se frottent l’un à l’autre, et l’un pose son cou sur la nuque de son ami.
La Lune d’hiver
À travers l’autre chair ils éveillent en eux-mêmes
Le feu de l’origine qui rayonne et les lie…
…
Pour (...)
BLATTES BROYEUSES
ET
AUTRES POUX DINGUES
Voici la perte dont l’insecte dessine le lieu. Le scarabée tout comme la puce différencient le travail du deuil de celui de la mélancolie. Les deux permettent de reconnaître l’endroit où la vie se creuse, se mange du dehors et du de dedans.
Ecrire le bestiaire invertébré qui nous habite de tant de larves revient à tatouer ce qu’on prend pour notre vide grenier et qui est aussi plein qu’une sous-pente ou un garde-manger.
Je n’ai jamais voulu le comprendre (...)
Personnelle sidérurgie
et autres poèmes
Personnelle sidérurgie
En parcourant mes estrans
J’y ramasse les laisses traînantes échouées de nuit
Accrochées à des pébroques
Emmêlées dans de grossiers nylons
Les plus fines
Collées de bulles d’écume
Sèchent ici sur la percale
Elles germeront
Emergeront des lentes et des calcites
Pour renouer de couleurs
Et faire mes encres et teintes
Rien n’est plus insistant qu’une marée revancharde
Qui reprend d’une vague ce qu’elle a poussé à nos pieds
Je (...)
Musing / Rêveries
I.
The boughs lay withered beyond the brow The village hung in the hollow, unseen As your hand that night, the moon A reflection of that lapse, the copse And bower hidden down the lane, now Your flesh, the blush of a plum Caught the sun as it slipped, the yard In bloom as dusk hushed the orchard And the search of darkness was almost Upon us : it leaves an old man breathless To feel all that again, even as a distant Aftermath, the harvest already done. The marrow simmers (...)
Métaphores vives
Comme une âme en peine seule une lézarde cherche abri sous le fragon pour mettre bas sa nouvelle portée à l’abri de tout regard.
Comme une fratrie de taoïstes se prélasse au soleil en oraison de quiétude une fratrie de lézards sur un mur parsemé de lichens.
Comme une réincarnation seul un lézard surgit de la natte de bambou suspendu au plafond du marù avant de s’élancer dans le vide m’ayant vu œuvrer de son œil ancestral.
Immersion
Entre ce dragon de roc et cette tortue de roc (...)
À l’occasion de la parution de Pétropolis, diaphane... : Sonnets et autres poèmes (2008-2018) de Marc Sagnol, nous proposons ci-dessous un sonnet russe, accompagné d’un dessin de Liliane Klapisch et d’une photographie prise par l’auteur durant ses voyages.
Saint-Pétersbourg, Ermitage
Incomparable ville, havre de l’Ermitage,
Madones de Vinci, Giorgione, Raphaël,
Danaé de Titien, Grâces défiant les âges,
Vierge suivant des lèvres l’ange Gabriel.
Paysages romains au géant Polyphème,
Dus à la perfection (...)
Pour une version respectant la mise en page, téléchargez le fichier word
coquelicots
Sous ma peau coule un vivant paysage
de prairies de rivières d’étangs
Fines nervures de racines
entre souvenirs et présent
tissant la douce tapisserie
ma doublure mon double
Mon front contre la vitre blême
s’épanche au long des rails
sur les remblais
dans l’aube du voyage
mon reflet inversé l’image de mon âme
Dans le matin engourdi qui somnole
au rythme des traverses je sème
de (...)
Popa
Hisse-toi jusqu’au sommet du piton volcanique
Entre les criaillements des singes affamés
Les sanctuaires éclairés de génies sur leur monture
Dans le parfum de la fleur jaune
Les sourires d’enfants derrière les miroirs colorés
Entre les paniers de bambou tapissés de bétel
Les bancs de pierre gravés de lettres rondes
Sur le dallage des pieds déchaussés.
Bamar
Petit écolier en longyi vert
Aux lèvres gonflées de riz
Né sous la bonne étoile de l’astrologue
N’oublie pas le sourire de ta (...)
Madurai
Nandi veille sous les piliers granitiques La cendre de bouse blanche promet la bénédiction de la tête d’éléphant Les prêtres au torse nu se prosternent au son strident de la trompette de bois Le trident agite sa flamme dans le sanctuaire L’encens s’évente près du palanquin de rose et de jasmin Shiva rejoint secrètement son épouse En laissant les fidèles à la fête autour du bassin aux hautes tours Les pas se perdent dans la pénombre labyrinthique du temple.
Kochi
Sous l’arbre de pluie La place (...)
venaient de l’Est
venaient de l’est
s’arrangeaient pour ne pas trembler
bruns coques flétries des marrons tombés
dans l’herbe roussie
avaient soif car l’eau se paye
venaient de l’est par tous les moyens
avaient toujours des jambes
tenaient à tenir
c’était à cheval avec la roulotte l’édredon rose
de plumes gonflé
les casseroles étamées trop usées mais d’usage
le chien suivait gondolant la pierraille était le frère des suées
que l’eau de la rivière
trop de poissons le ventre à l’air
trop de ricochets
et le (...)
Bestiaire personnel
les canards de barbarie
les canards de barbarie en petite troupe calme
pétille le champagne
vivent à côté de la vieille mare
requiem bancal
battent des ailes mais ne s’envolent pas
prient du bout du bec dans la vase
plumes au vent pour le nouvel an
de sang mariné
avec le vin renversé sur la nappe
si blanche
canard au sang
détachée chaque aile
le lézard
le lézard a fui vif dans l’escarre du mur
mais soudain le revoilà frétillant la tête tout d’abord puis les pattes si (...)
Deux poèmes
Hiver
les chevreuils à travers la vallée opaque brumeuse
l’hiver le brouillard encens masque enveloppe
jusqu’à la rivière
qu’ils longent
soyez dissimulés
le trottinement graphique
des animaux sur le ciel qui se noie derrière la colline
le soleil rougeâtre hostie coeur blessé
n’en finit pas de disparaître
Brenne
Etang débondé
Les carpes ondoient d’air le mucus qui les protège
en peine les branchies se chargent
d’épaisseur
Le filet trop grand tiré vers la berge
Sépulcre troué (...)
la pierre lissée par les genoux
il faisait froid dans l’église aux sacerdotales cloches
un fil de la dernière fête du village celui des lampions du 14 juillet
reliait le clocher à la charcuterie voisine
je me rappelle on égorgeait les porcs très loin pour ne pas entendre
le ciel huître son eau fielleuse sur le cochon outragé par notre arrogance
dégorgeait noire une eau de baptême
dont nous nous aspergions ***
une corneille lessivée la pluie noire l’a eue entame la pomme jetée
Orly ouest tournez à (...)
EVEIL DE FEUILLES ET DE RACINES L’aube les flammes de l’aube par brassées de fleurs lancées sur le bûcher de la nuit une croix de cendre sur le front du jour les perles de rosée à l’infini roulent tout tremble, tout bruit, à peine c’est l’heure des jardins enclos derrière leurs portes rouillées elles couinent apprivoisées comme les bêtes une fumée monte par bouffées de plaisir c’est le songe de l’arbre qui brûle c’est le chant du verger les papillons se posent sur les lèvres des fleurs et la lumière (...)
Poèmes traduits de l’allemand par Claude Vigée, l’auteur et Anne Mounic.
Zugabe Im Denken zerstört, im Schreien ungehört.
Das Verstehen ermüdet in menschheitlichem Verzehren.
Abwesend im Stein, im Herz ewig draußen.
Im Munde quälen sich unwürdige Worte, geschickloser Schmerz, Töne des Nimmer.
Es klopft und klopft ellenlang weiter : jedes Leben ist wertvoll - es wertet dein Eigenes.
Freiburg, April 2005
Donné de surcroît Fribourg, avril 2005
Dans la pensée détruit, inouï (...)
Sous le velum de la grande tente installée au pied de la cathédrale de Strasbourg, les écrans vidéo renvoyaient les visages de Claude Vigée et de Yvon le Men. La matinée s’achevait en poésie. Elle portait témoignages d’un travail partagé entre deux hommes que reliait la poésie, et sans doute un même amour de la vie, un même déni du malheur.
Je regardais les visages, et j’écoutais les voix. Claude Vigée parlait d’Evy, son épouse qui l’avait laissé, Orphée blessé, sur le carreau de la vie. L’un et l’autre (...)
For some time I have been working on a project entitled MANUAL. The collection will initially consist of 100 poems in celebration of hands. Each poem is divided into ten lines (fingers) and two stanzas (for obvious reasons). Some of the poems explore : iconography and painting ; the histories and symbolisms of gestures ; the chakras, energy medicine and pranic healing ; myth, dream and legend ; and (most recently) some cross-overs between biology and archaeology (origins of culture in (...)
La femme de mon ami
Personne ne souffre
autant que moi
dit
la femme
aux cheveux gris
aux yeux bleus
couleur de la mer
grise
personne ne souffre
autant que moi
pas même Munch
quand il crie
Giacometti quand il marche
Van Gogh quand il se coupe l’oreille
personne ne souffre
autant que moi
ni les Juifs
au centre du vingtième siècle et de l’Europe
ni les Palestiniens au pied de l’autre mur
des lamentations
ni les pauvres de longue durée
ni les malades du même nom
personne
dit la femme (...)
SNAIL This snail demands you see it This spiral holds secrets That require time As a friend takes time As a flower takes time
You who scurry past
A shadow of yourself The thin, long grey one That cannot see the sun You streak along a tarmac track Trailing the shroud you never notice Till it trips you up Winds you in its white spiral Whispers in the coil of your ear Mysteries which, in the rattle of (...)
Je vous laisse absolument libre, dit-il. Je vous souris.
Le temps se saisit de nous, tout chaud – l’escargot de la comptine – de notre chair,
et nous pétrit, feu follet sur la plaine à l’heure où la nuit tombe.
Nous ne le rendrons palpable que par images, car il ne s’empare que très lentement de tout ce que, au fin fond de nos dédales, nous visons à lui dissimuler, rusés que nous sommes – dès le cri premier nous luttons.
D’ailleurs, en sa clémence, feinte peut-être, il nous laisse le loisir de (...)
Les contes du froid
« La transcendance est une convention basée sur la réification arbitraire du néant »
…ô ! le métaphysicien est devenu fou et le prophète a perdu
ses mots fauves tels des cristaux reflétés dans les dunes du désert,
la solitude m’a agrippé violemment par la main
et seul avec personne j’ai commencé à courir
à travers les lambeaux de l’illusion,
je tâchais de traverser les débris de la nuit
en me dissolvant, impondérable, dans une aube intime –
l’évanescence est un seuil permanent (...)
Chagall
Un croissant de lune,
Chemin de neige,
Le violon et le châle,
Ailes rouges, bleues,
A la fenêtre du songe
Une âme résiste.
S’embrase le buisson,
Chemin de liberté,
L’échelle du temps,
La rencontre secrète,
Dans l’arc d’alliance
Un homme médite,
Le chandelier demeure
Auprès du blanc silence.
(extrait de Refrain)
***
Landes et roseaux,
Printemps du regard,
Souffle le vent fidèle.
Clôture, brûlure,
J’existe, je pense,
Entre terre et nuages.
L’accueil des mots,
Des pas (...)
Blanc
Il fait blanc....
Blanc de froid,
Blanc sans brume et blanc sans neige,
Blanc de mouettes en vol au bruissement d’ailes étouffé,
Blanc de la plume unique, happée par le vent dans une éphémère envolée ; elle pourrait être flocon ou pétale,
Blanc de lait du ciel muet,
Blanc crémeux et ocellé des platanes,
Blanc d’os du petit bouleau solitaire,
Blanc des gouttières pleurant les flocons à grandes eaux glacées,
Blanc de la neige soulignant d’un fin trait les branches noires dont elle lève le deuil, (...)
Les mots sont en cage,
Comme les feuilles mortes,
Matin, sans parole...
*
Ciel noir,
Que ne ranime pas
L’énergie d’or du ginko.
*
Au jardin de novembre,
Un poignard au cœur,
Et l’âme égarée.
*
Aux arbres décharnés,
Apparaissent, les nids
Regrets ou promesses ?
*
Sur un air de mouette,
Au pas des petits chevaux,
Le jardin s’ébroue.
*
La lune était présente,
A cet au revoir,
Détail qui sauve...
*
Même le chuchotement des feuilles,
Avec le vent,
N’éloigne la tristesse.
*
Le soleil (...)
À l’occasion de la parution de Conscience nomade, et le conte pérégrine en invisible farandole. Carnets de voyage narratif et poétique, nous reproduisons ci-dessous le début du recueil.
Allevard, mardi 8 août 2017.
Nomade – c’est une sorte de cure que le voyage. Partir revient à se dévêtir, à ôter chaque pelure une à une de chagrin et d’habitude, de responsabilité et de temps compté.
Quitter la demeure, c’est se ménager un seuil sur l’ouvert, se frayer un avenir sans la butée de l’horizon, creuser un (...)
David Gascoyne
Lettre à un Parrain adopté
Publié et présenté par Roger Scott ; traduit par Michèle Duclos
Introduction : David Gascoyne et Henry Miller
Henry Miller figure parmi les écrivains qui ont influencé considérablement David Gascoyne, de concert avec Rimbaud, Pascal, Marx et Freud, Breton, Pierre Jean-Jouve et sa femme Blanche, et Benjamin Fondane. Comme de nombreux Américains, Miller fit son premier voyage à Paris dans les années vingt et y vécut toute la décennie suivante. David (...)
Today
‘Today’ he starts to write in his diary for yesterday, but gets up instead, opens both wings of a tall window and leans out to the early morning. The Indian summer is still ending. A breeze is testing the reddening leaves on a courtyard tree, effacing the timeline a plane is chalking across the sky. From the cathedral no bell’s yet ringing, whether in mourning or celebration. Soon that rook or crow will take flight, though he’ll no longer be there to observe it, having returned to (...)
je veux être celui qui cherche et qui oublie livres fermés mais yeux ouverts
l’arbre que je vois indique la voie et je regarde le ciel rose du soir
soyez je vous prie les premiers auxquels je me livre à chœur la joie
attente de soupirs et de rires quand celle-ci contamine c’est demain
qui chante autant que le présent au son du concerto il jaillit de leurs mains
comme un peu de cristal je me réconcilie avec mes images
qui dit que j’ai eu peur une seule fois dans ma vie je regarde le bleu
au (...)
Mots dits dans le noir
poèmes
(mai-juin 2012)
« Au fond de toi tu heurteras le roc originel Et, frappant ses parois de nuit, peut-être feras-tu Sourdre l’eau de la délivrance Ou de la guérison. » Claude Vigée, « Solitude d’Ariel »
* Sur le grand lit du temps Nous dormirons un jour Blanc comme un linceul tout neuf Une feuille (...)
Der Wanderer
Erste Fassung
Friedrich Hölderlin
Einsam stand ich und sah in die Afrikanischen dürren
Ebnen hinaus ; vom Olymp regnete Feuer herab. Fernhin schlich das hagre Gebirg, wie ein wandelnd Gerippe,
Hohl und einsam und kahl blickt aus der Höhe sein Haupt.
Ach ! nicht sprang, mit erfrischendem Grün, der schattende Wald hier
In die säuselnde Luft üppig und herrlich empor,
Bäche stürzten hier nicht in melodischem Fall vom Gebirge,
Durch das blühende Tal schlingend den silbernen Strom, (...)
Les paysages sont grands et n´ont point de limites ; ils défient la terre et le temps, s´enracinent dans les siècles et dansent avec le vent. Ils vivent d´ombre et de lumière, voyagent en couleurs dans la main des saisons. Ils sont de sève dans le souvenir, sur leurs pages les dieux tracent le signe d´une passion ; sur les lignes de l´arbre le geste des rivières ou celui du chagrin dans la main d´un buisson. L´or et le cuivre aux verdures cachés frappent l´automne et la raison de modestes (...)
Abandon
Des insectes à cornes gris jaune se mettent
à quitter pour le coin des rues puis les clairières
sans les aulnes alentour d’elles à quitter
par n’importe quel entrebâillement forcé
les maisons ovales en éponge figée
comme si un bâtisseur avait empli de ponces
des carapaces de calappes étonnantes
avec des larmiers doubles aux points cardinaux
depuis le hululement des trous de serrures
dans le faux grenier et les sous-sols au premier
point du jour et de la nuit du haut de chaque angle (...)
à Nicolas de Staël, Antibes
(premier poème)
ciel bleu tenu en laisse
l’océan
si présente lévitation
avec l’oiseau
la pierre du quai
avec les amphores de l’épave grecque
les étoiles un long moment défaillirent
ne reste que poussière et sédiments à gratter au couteau
(deuxième poème)
en cale sèche le navire
les mouettes l’ignorent
il n’y a pas de poissons dans les filets
le quai résonne
un marteau de charpentier cloue les nuages au ciel
il pleut sur l’océan
il y avait paraît-il un âne à l’innocence (...)
À Liszt
À celle qui sera la dernière prostituée en ce monde
Rêve d’amour
Hier encore le tarif des charmes tournait sur un compteur.
Les trottoirs martelaient tous les pas vers le désir,
Les pavés ruisselaient d’abandons dans la douleur.
Les coups distillaient les larmes féminines
dans une étrange rosée nocturne sur les draps.
Mais le dernier proxénète est mort cette nuit !
Un flot de tendresse vient de s’abattre sur le monde.
Les coins de rue témoignent pour les tournants de la vie
Les femmes (...)
Poème d’enfance
Maya Béjérano
Traduction : Esther Orner
1
Par l’image ou le son j’essaierai de toucher à mon nombril j’ai neuf ans
à la chaleur du soleil appuyer légèrement écouter le clapotis de l’eau dans la cuvette en tôle
et dans la cour ses parois réchauffées.
Vraiment je souriais alors et ne pensais qu’à moi,
au grenadier et ses coupures délicieuses d’ombre et de lumière
qui inscrivent en moi les commencements de l’histoire de mon enfance.
Quelle (...)
Hans-Georg Renner, musicien et poète : Gaudeamus omnes.
Dans un article pour l’annuaire 2006 de la Bibliothèque humaniste de Sélestat, ville dont il fut fait citoyen d’honneur en 1997, Hans-Georg Renner remarque, dans une gravure illustrant la Nef des fous de Sebastian Brant, ce Gaudeamus omnes, sous la portée et les notes du chant. Nous avons choisi ce sous-titre pour faire dans notre revue sa place à ce musicien, chef d’orchestre et hautboïste, qui est aussi poète, car c’est la joie qui (...)
Pour un autre monde
En offrande aux photographies de Michelangelo Bulgarelli
(Note de l’éditeur : nous publions ici la première partie de ces poèmes et la seconde, en octobre prochain.)
Solitude
Solitude du paysage
Solitude du tracteur d’un autre siècle Solitude de la barque à marée basse Solitude de l’immeuble abandonné dans la ville Solitude de l’atelier de travail Solitude de la rue désertée Disparition dans la pensée
Le vide creuse le regard A la dérive L’absence Porte close, carreaux brisés. (...)
Pour un autre monde
En offrande aux photographies de Michelangelo Bulgarelli
Entre terre et mer
Entre terre et mer,
à l’horizon,
une pyramide s’élève.
C’est un Mont
au milieu d’un paysage
nu et solitaire.
Ce mont est ta crypte
où tu es venu déposer
il y a vingt années
ton profond secret.
Les herbes folles le réveillent de sa torpeur.
L’œil, qui regarde le monde de si près,
est dans l’attente d’une prochaine ascension.
Un voile de lumière tente de percer
les ténèbres du ciel.
Ton (...)
La Baie
« Faire l’expérience du poème, c’est trouver l’essence même d’une relation au monde à l’intérieur d’une forme. »
Louise Warren
La baie : une voix qui parle pour elle seule et qui s’adresse…
1.
La baie : un lieu où l’on peut disparaître, où l’on peut s’évaporer. Un lieu de vie très légère. Le lieu du rêve et de l’intimité. Le lieu qui sait accueillir les livres, où les phrases cherchent l’indistinct de la vie ou de l’amour. On y est moins corps que mouvance, passage, silhouette sur fond gris et (...)
La main qui caresse la langue caresse un visage.
Pour Mireille,
Pour Paul,
ceux qui donnent forme à la terre…
L’enfant allait recueillir avec une pelle la terre argileuse dans le talus du chemin. Il disposait un tas d’argile sur la table et plongeait les mains imbibées d’eau dans cette terre à laquelle il tentait de donner une forme. Quelle forme ? On ne se souvient plus. La forme d’un pur désir. La forme de l’informe logé dans un coin de la tête auquel on pense plus que de raison, parce qu’il (...)
Poèmes et traductions
Opus magnum
ou Le grand-œuvre
Vous dire en peu de mots un mystère ineffable,
Porter à la parole un sanglot ou un pleur,
Distiller par notre âme une essence de fleur,
Et de ce monde vrai deviser une fable ;
Puis vous rendre vivant, sensible, indubitable,
Ce qui passe en nos cœurs, passions et douleurs,
Et le parer tantôt des plus pures couleurs,
C’est faire œuvre pour sûr, et œuvre véritable :
Dès lors que nous saurons polir tel diamant,
Signifier sans fard les (...)
Lost Tale from the Apocrypha
After Man Carrying a Child, 1956, Francis Bacon
‘Being by Calvary’s turbulence unsatisfied, The uncontrollable mystery on the bestial floor.’
W. B. Yeats
-- A child who, kidnapped at birth, is then carried off in secret to a rib-ruined town
(to invoke and make fly the unbiblical, the talon-blunted amputees in paradise)
whilst in Bethlehem, in haste, a few hours after, the miscarriage of Mary is confirmed.
*
The Birth of the Third Reich
after Triptych, (...)
du semblant à la Semblance
Au lever de l’aurore,
l’inharmonie des traits se détache
à contre-jour.
Silhouettes étiques aux tracés obscurs,
le disgracié s’évanouit
dans l’irréel
à l’
infini.
Les nuits s’oublient quand
l’éclair du souvenir
illumine le profil sombre.
Vision éblouissante.
La Face rayonnante
paraît
dans le pur éclat
de Soi.
***
La Parole obscurcie
le jeune Poète s’éclaire à la lumière vacillante des mots
***
Le poème est la voix de l’Être intérieur
qui exprime sa fusion en (...)
Say this city has ten million souls, Some are living in mansions, some are living in holes : Yet there’s no place for us, my dear, yet there’s no place for us.
Once we had a country and we thought it fair, Look in the atlas and you’ll find it there : We cannot go there now, my dear, we cannot go there now.
In the village churchyard there grows an old yew, Every spring it blossoms anew : Old passports can’t do that, my dear, old passports can’t do that.
The consul banged the table and said, (...)
A Touch of the Goddess
Crouched low in oven sand dunes, hiding dry as desert waves I find the goddess again baking in beige. I now she’s there as the grains blow. Moving methodically underneath changing geography while ants march over prickly grass boring in and biting.
She has pale sea-green eyes and hair burned white. Her consort of the hour parades fine wicked bones and a flashing smile spins and shocks. She outwaits his power.
He’s a boy dazed by the deafening bell of the sun. A lump (...)
Untergang einer Landschaft
Moosworte, im Schatten, ruhend.
Verschlagene, verhämmerte, ver-
schlammte Steine, mir gleich.
Gelber Sandstein, rauhe Mauer,
ein einsamer Trauerbaum
wacht, und wacht, und wacht.
Unterirdisches Wasser auch
in dem ihr euch selbst gewaschen habt, einst
nach dem Leben, vor der Liebe,
vor dem Leben, nach der Liebe.
Der hallende Fluss, breit umarmend,
rollt Kieselsteine, nimmt Tränen auf,
lässt Inseln sich bilden
in der Mitte, golden und grün,
Arche oder (...)
Ces poèmes de Michel Cosem sont extraits de son dernier recueil : Gorgées de braises. La Chevallerais : Sac à mots éditions, 2006. (Voir la rubrique « à l’écoute » pour la note de lecture.)
25
Il y avait l’éclat l’écluse et le nuage cette vérité tout en parfum à mi-chemin des derniers jours
telle l’étoile de nulle part celle qui tient comme l’absolu le soleil de novembre
L’oiseau persiste et perfore la transparence Il s’est peut-être ensanglanté au givre il partage des arcs-en-ciel et de lourdes (...)
Les gouttes d’eau (extraits)
Promesse
Je t’avais promis
une caresse chaque soir.
Désormais
ce sera un poème.
Pour ceux qui restent
I
Tu aurais refusé
que l’ombre s’abatte et nous foudroie
alors écrire
pour ceux qui restent
"Nous vaincrons la mort."
des mots jetés pour conjurer,
juste avant ton départ.
Une erreur ?
S’approcher du vide
pour mieux reprendre pied. Pour comprendre.
V
Que transmettre ?
Quel mystère révéler ?
L’apaisement possible.
La force du temps,
la saveur de (...)
"BURNING BRIGHT"
Je ne veux pas écrire à nouveau de Rilke la panthère, le jaguar de Hughes, mais il est certain que le tigre du zoo de Budapest s’ennuie dans sa vitrine.
Les enfants frappent au carreau pour l’avoir tout à eux, cette puissance au bord de l’abîme qui se retourne et pisse, chat de gouttière, le jet plus fourni, abîme ouvert par l’humiliation, castration, vie perdue au nom du regard, la sienne, la nôtre, notre regard.
Ses pattes sont énormes, son corps filiforme. Voici l’idéogramme de (...)
La musique même était noire
La musique même était noire
c’est la nuit qui par elle criait
si longue et sans étoiles
semblable aux entrailles d’une bête qui nous aurait mangés.
Et le jour serait de la même soie s’il revenait
et maille à maille de la même soie serait la vie.
Maille à maille de la même soie
une seule longue vie noire
avec dans l’air l’aile de la chauve-souris
dont le grand vent de sage espoir
est l’unique fraîcheur pour nos fronts.
Les marionnettes tombent des mains mortes
mortes (...)
En 1979 Alan Sillitoe publie aux éditions W.H.Allen une suite de 36 poèmes intitulée Snow on the North Side of Lucifer, suivie de quelques notes explicatives ou référentielles qui renvoient à la Bible, mais aussi à d’autres livres saints et à des manuels historiques ou scientifiques qui n’ont pas plus de relation directe avec l’Histoire Sainte que la majorité des poèmes. Dans ses Collected Poems qui ont connu huit éditions entre 1960 et 1993, il reprend 24 de ces poèmes avec des modifications (...)
l’œil ouvert d’une motte de terre
Chaque arbre qui fleurit,
chaque corolle singulière,
offre une épiphanie du devenir,
une éclosion de l’instant sur la durée et
la façon dont celle-ci
en vient à se connaître en ses multiples manifestations.
Je sème à tout vent ‒
à la façon
des fleurs de pissenlit qui finissent,
tous cheveux dressés, comme éparpillements médusés
dans un orifice terrestre, l’œil ouvert
d’une motte de terre.
Méduse
s’extasie de chaque accomplissement,
crie à chaque (...)
1
Le poème est chose
Si délicate
Qu’on ne saurait
Trop
Modestement
L’aborder
Il faut beaucoup
De simplicité et de candeur
Pour écrire un vers
2
Cette modestie est singulière
Où sont les rimes
Que j’aimais tant
Où se trouve la pompe
Qui ravissait mon âme
J’ai quitté tout orgueil
Je veux que mes vers
Soient sans apprêts et sans fards
Comme un fruit
Comme une peau nue
3
Ô mon âme pourquoi te déguises-tu
Combien de masques
De dominos
Ô mon âme
Possèdes-tu
Je n’ai ni loups
Ni fards
Je suis (...)
Une fleur de laurier rose,
Une feuille de bananier,
Dans le vent du soir.
Six moineaux sur la pelouse
Et là-bas,
Le cheval, sous les poiriers.
Un prélude à Leipzig,
La mer, entendue, devinée,
Le vent d’est sur les moissons,
Le chant du merle sur les frênes,
A la nuit, le cri de la chouette.
Un effluve de seringa,
Un parfum de magnolia,
L’odeur des vielles roses,
Et le sang de l’herbe fauchée,
Aux portes de l’été.
****
Chanson pour les bois morts
Les rivières dominicales flottent les (...)
Aller
Aller à l’eau qui me pénètre de son âme déliée
à son écoulement autant qu’à sa durée
à sa présence dans l’espace sans frontière
Aller à la lumière qui enfante les reflets
et l’en-dessus et l’en-dessous de nos mouvantes destinées.
Aller aux eaux qui plongent au plus profond de l’ombre
pour y trouver l’œil et le cœur du monde.
Aller à la terre les mains grand-ouvert
et la prendre à mourir comme on fauche le blé.
Aller aller toujours traverser les saisons
qui nous prêtent l’haleine incomparable
des (...)
Cher Joseph Conrad,
Cette lettre va sans doute vous irriter par sa frivolité, ou vous rappeler quelques heureux souvenirs de jeunesse, je ne sais pas. Je n’ai pas bien su non plus dans quelle langue vous l’adresser d’ailleurs. Écrivain anglais, d’origine polonaise (mais né dans l’Empire russe, aujourd’hui en Ukraine, on s’y perd, un peu comme dans les intrigues de vos romans à caissons étanches, ne m’en veuillez pas), vous parlez très bien le français, et si j’en crois Paul Valéry « avec un bon accent (...)
Poèmes
Le beau navire Colorado
La Mort au col gris conduit à la table
Sous le cordage des lustres oubliés
Une odeur de poix étreint la gorge
La moquette respire la poussière
Dans le clignotement infatigable des machines à sous
Un cornet de frites sans ketchup s’offre une croisière
En chaise roulante entre les tuyaux chirurgicaux
Une dernière partie de poker au jackpot improbable
Jusqu’à l’aube du réveil
Au bout du couloir du motel
La vieille femme permanentée veut encore croire
A la fortune (...)
Lui m’évite soudain
guette la soudaineté
papillon plume musaraigne
bondit arc de lune
chat noir dans la nuit
luit
Chat des contrées incertaines Où meurt ce qui pousse droit La flèche d’airain L’arbre centenaire
Fuirait-il si je m’approchais du miroir de ses yeux jaunes comme l’or des saisons révolues
Du marronnier les giboulées ont brisé la floraison
Ce printemps de cristal
Pour lui. il vit l’été traverser l’ unique le faucon pèlerin lui signifia que le ciel était parti pour lui à sa rencontre avec le bleu de ses dessins le bleu qu’on ne voit qu’en passant le bleu déposé sur une surface pour faire montagne étang ciel
La pluie qui demeure
tu ne gagneras rien à savoir
les gagnants
le cercle les retient
leurs ongles poussés à vif la terre dessus
tu as perdu
quoi
l’origine
elle est dans le vent qui te sème
la pluie qui demeure
l’horizon un feu de paille pour les animaux des abattoirs
que peux tu faire
tu es de l’ordre du baptême
tu es de cette dignité
quoiqu’en dise l’abstraction signifiante
quoiqu’en dise celui qui sait
cette bénédiction tu l’as reçue
ne sachant rien
elle t’engage par ta faiblesse
le chemin (...)
A tout lecteur
Chaque poème est une étole
Un tissu de mots que l’on tend
Comme un petit ciel protégeant
Du grand nos fragiles épaules
Une cabane en quelques joncs
Chaque poème est un abri
Où l’on est sûr de ce qu’on dit
Même s’il reste des questions
Chaque poème est un reposoir
Un bénitier de cathédrale
Où l’on ne sait pas quel dieu parle
Et contredit le désespoir
Eté 2017.
Ecrire être au monde
Ecrire être au monde
comme un carré de terre
semé d’orchidées mauves
et de plumes d’oiseaux
Etre dans la sève
pour revenir chaque saison
dans les lumières dans les mémoires
Ecrire les soleils et les océans
écrire sous l’écorce
l’histoire et l’imaginaire
les voyages dans les hautes dunes d’or
et les crépuscules du cœur
*
A la limite
presque bleue presque blanche
l’eau parle des lointains
Elle a la couleur des pailles
des briques et du sang
Elle a le charme des brumes
et (...)
La Mort et le Puceron
Ce puceron avait conscience que depuis quelque temps
Il vieillissait beaucoup et déclinait sérieusement.
Il fut cependant un peu surpris
Quand un jour une voix lui dit :
« Désolée, Puceron, il faut que je t’emmène,
Que je t’emporte dans un autre domaine,
Où tu ne seras plus considéré comme un parasite,
Et où tu auras pour l’éternité le meilleur des gîtes ».
Bien qu’il sût depuis qu’il était au monde
Qu’il devrait un jour quitter la machine ronde,
Le puceron eut le réflexe de (...)
Ce monde inventé,
et autres poèmes
par Mikhail Iasnov
Ce monde inventé, dans lequel vit une partie de moi,
et pas la plus mauvaise, se maudissant
à cause de ses lubies, de ses échecs, de sa passion pour de vains élans,
cette boule dans la gorge, boule des absurdes échecs,
rire qui n’a pas pris naissance, larmes qui n’ont pas été assez versées,
cette lumière mise au monde, mais qui ne vous est pas visible jusqu’à nos jours,
ne laisse pas franchir le côté secret
et se charge de la régulation du (...)
Ces deux pièces font partie du cycle intitulé Quatre ballades, composé en 1956 par Noël Lee, sur des poèmes de Catherine Pozzi. Il comprend « Ave », « Maya », « Nova » et « Vale ». Nous écouterons « Ave » et « Vale ». « Ave » parut en 1929 dans la Nouvelle revue Française. Ce fut le seul poème qui parut du vivant de son auteur. AVE
Très haut amour, s’il se peut que je meure
Sans avoir su d’où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle heure
Je vous (...)
La barque de l’Idéal
Enfant déjà je venais à la rive
Où terre et ciel avaient su se mêler ;
Là je songeais, mon âme était pensive
Et je cherchais le port d’où m’envoler.
Car, pour songer de cette amour rêvée,
L’aimable luth résonnait dans ma main,
On m’indiqua la barque rénovée,
Et l’on me dit nous partons dès demain.
Maints compagnons ont tenté l’aventure ;
Fort bien armés, de leur gloire portés,
Ils s’efforçaient d’abolir la Nature
Et se perdaient sur les flots démontés.
Ou revenaient, étrangers sur (...)
Socrate
I
Les platanes clos de l’Ilissus et les rives d’or du Céphise !
Dès longtemps j’ai suivi leur cours et songé sous leur ombrage :
Un vent de printemps les effleurait d’un souffle nouveau fraîchissant,
Diffusait dans l’air embaumant leur parfum céruléen,
Quand le beau soleil réapparaît et que ce jour d’hui se prolonge,
Qu’un chacun ressort de chez soi pour vaquer à ses affaires. —
Le calme profond qui y régnait ! Tel silence enjoint au repos :
Tu entends à peine les eaux murmurer dans le (...)
Le Neckar
Ton nom, tes flots déjà sonnaient à mon oreille
Du temps de l’enfance où
Je ne balbutiais que quelques mots à peine,
Peu capable d’en dire ;
Mais on m’avait appris que pour sûr tu décris,
A l’Est, en Allemagne,
Le pays et qu’au Rhin tes ondes tu mêlais,
Ce pour quoi je t’aimai.
Si, entre Forêt-Noire et Jura de Souabe,
Plus austères pouvaient
Tes rives nous paraître, et les gens, et les villes,
Par toi baignés, que ceux
Qui sont en notre Alsace, il te fut fait présent
De la vigne en (...)
Prédelles
(Extraits)
10
… dans la kyrielle exilée des nuages
comme dans infini silence de l’ombre
qui se donne à l’oubli
… dans le vent
comme on naît au désir
Souffle qui butine
Essaim qui bourgeonne
telle Parole cesse son errance
fléchit
dans le miroir trouble de l’instant
Etre
dans l’ivresse sans foyer des nuages
comme dans l’infini silence de l’ombre
qui se donne à l’oubli
Être aussi dans le vent comme on naît au désir
Souffle qui butine, Souffle qui essaime
Essaim qui (...)
MDK 1
Le peuple du centre marche
Au son des tambours de la nuit
Sombre rythmique hallucinée
Des torrents de fer pulsent
Les incantations forgées par le chaos
Les voix des femmes luisent sur le velours
Des aciéries qui pilonnent le jour
Des chœurs antégrégoriens sillonnent
L’air ambré de la poussière
Les gémissements abondent
Dans cette fièvre d’un au-delà des fleuves
Les orgues ombrent un champ de particules
Dans l’ocre mauve des possibles
Une strie rouge développe des aigus
Les voix s’extasient de (...)
LE CHAOTIDIEN un jour de plus passé à tuer le temps dans l’éparpillement de tous les instants voués à l’oubli au point de se demander si on l’a défait exprès
L’IMPASSE D’UN INSTANT
une intuition fugace éventée à la décharge d’une saute d’humeur dans les lignes fuyantes d’une occasion passée sans se représenter
LA MUSE DES COURANTS D’AIR
la semeuse de doute ma complice adorée des nuits feutrées aux silences en cavale sur les terrains vagues des regards sans tain perdus dans le flux de la passagèreté en (...)
Grandfather, 1944
Clumps of dried peppers, onions, corn dangle from rafters blackened by smoke. In one corner stands a hand-carved chest. Against the wall a double bed twitches with fleas. Remains of pigmeat, crackers, red wine mix with maps in light from a can of burning gasoline.
Outside the farmhouse, burnt, golden fields of Tunisia, dry, starry nights in Sicily, vanish into November in Italy, into a cold of flooded roads and fields emerald green with winter wheat.
Does Ohio give a (...)
Je suis petit, très petit, je dors encore à moitié, on m’habille, me porte dehors où il pleut, il fait nuit et froid. On s’engouffre dans un taxi pour rentrer à la maison. Je suis bien, à l’abri et au chaud entre de mon père et ma mère.
Une odeur agréable se mêle au parfum de ma mère. Le moteur ronronne, les essuie- glaces battent la mesure du bruit sourd que fait la pluie sur le toit. De temps en temps le profil de mon père et la casquette du chauffeur sortent de l’ombre pour y retourner aussitôt. Les (...)
Toujours à l’initiative de Cliona Ní Riordaín, nous traduisons ici quelques poèmes de Vona Groarke, née en Irlande en 1964, et qui est l’auteur de plusieurs recueils :
Shale. Oldcastle : The Gallery Press, 1994. Other People’s Houses. Oldcastle : The Gallery Press, 1999. Flight. Oldcastle : The Gallery Press, 2002. Flight and Earlier Poems. Winston-Salem : Wake Forest Unversity Press, 2004. Juniper Street. Oldcastle : The Gallery Press, 2006.
*
Isabelle Génin ; Yves Lefèvre ; Anne Mounic
Que (...)
Les poèmes qui suivent sont extraits du recueil Nel Viaggio (Au cours du voyage) d’Angelo Ciccullo (Castel Maggiore (Bo) : Book Editore, 2005).
Il viaggio
fu nel giardino
che s’incominciò
ed era diafana
l’aria del mattino
poi vennero
il delirio dell’estate
le luci dei paesi
all’imbrunire
lo smarrimento
del nostro lento
umano divenire
Le voyage
ce fut dans le jardin
que tout commença
diaphane était
l’air du matin
puis vinrent
le délire de l’été
les lumières des villages
au (...)
Tout n’est que paradoxe, dans ce monde comme dans l’autre. Si, une fois trépassées, tant de silhouettes familières, tant de vieilles connaissances jadis croisées dans le cours de la vie, nous manquent tout à coup, c’est à force de ne pas nous manquer, – comme avant déjà.
***
Relu de près, le texte hébreu de l’Ecclésiaste ne nous apprend pas qu’il est un temps fixe, une époque pour toute chose, comme l’affirment les traductions courantes. Plutôt que le temps dans sa généralité abstraite (Zemane), il est (...)
Ensongement
L’amour des lettres et le désir de Dieu…
Jean Dom Leclercq
*
Epistre IX
Or rescript la saige Helouys et dist a Pierres Abaelart* :
Je t’écris du fond de moi-même
Moi la petite sœur des couvents d’air et des songes
En ces temps-là
J’étais encore brillante et belle
Il y a près de neuf siècles déjà
On dirait que dix ans à peine se sont écoulés
Laisse-moi te parler maintenant
De ces deux femmes sans visage
L’une blonde l’autre aux blanches mains
Laquelle des deux as-tu aimée
L’une (...)
On Friday 17th November 2006, in the context of Les Belles Etrangères, Professor Dunstan Ward invited Vincent O’Sullivan to speak of his work and read some of his poems. The following is a written transcription of the session, which was introduced by David Shepheard, Director of the University of London Institute in Paris. This written version of the talk has been revised for improved coherence and readability.
David Shepheard : I would like to welcome you all, and particularly to welcome (...)
« Qui voudra suivre Chestov ? »
David Gascoyne
Autant qu’il est possible d’en juger, à ce jour le public cultivé en Grande-Bretagne ne s’est fait qu’une idée imprécise et confuse de ce que signifie la philosophie existentielle ainsi que de sa relation avec les autres aspects de la pensée contemporaine. Pourtant il est impossible que la confusion qui règne ici dans l’esprit des gens concernant ce mouvement égale en rien la confusion intense, inextricable qui semble être générale en France aujourd’hui. (...)
Vacance du rêve (extraits)
I
J’écris à l’aventure
« Soit de bien, soit de mal, j’écris à l’aventure » J. Du Bellay
Des genêts
En fleurs
S’endorment
Dans les branches
De l’enfance
*
Le cœur
Dans le noir
Du petit matin
Bat encore
D’un psaume
D’amour
*
Dans cette lutte
Où personne ne crie
Victoire (...)
Epopée du Déchant
I.
Il y a ceux que hante
Infiniment Verlaine.
Il y a eux et ceux
Que caresse une mère,
Nous marchions comme eux
(Un pas peut-être l’autre)
D’une démarche lente
Aboutissant au rêve
Sur les bords de la Saône
Et le livre à la main
Nous récitions des vers
Ne devisant de rien
Le cœur à son malaise
On songeait sans y croire
Aux faibles de génie,
Nous faibles sans mémoire
Alors déblatérant
Nos ébauches de rien
On aurait dû nous voir
S’éprenant d’un refrain…
II.
Etonnamment (...)
Adam Drives Away
and other poems Adam Drives Away
Bone bound, self celled, crucified, crucifiers,
we will never be gods now.
We walk beside the serpent.
We sleep under gluttonous stars.
Tempted by fast tales of resurrection,
we carry our flesh like a crooked cross,
the currents of time a mere illusion,
poems just words with noises happening between.
She feathers her hands over my body
as though she’s cleansing one or the other,
trembles to think of discrete existence.
I lie (...)
Ce qui est
On s’est assis,
une chaise de jardin est restée, oubliée,
près du cerisier jauni.
L’air est doux, le ciel gris,
la saison encore un peu indécise,
et négligée : des feuilles au sol sont froissées,
que la terre n’a pas encore amalgamées.
Rien n’a semble-t-il de nécessité : ni
le râteau dans l’herbe abandonné,
ni la pie, l’ancien désir
dont la mémoire soudain nous est redonnée,
la rose intacte dans la cage
que forment les branches du rosier, ni la pensée
depuis longtemps qu’on n’avait (...)
Litanies
Les somptueuses roulottes
De mistral blanc
Suivent la clameur
Aux senteurs vieillottes
Fade haleine du Temps.
Les gens se jettent sous
Les roues de bois verni
Que ronge le ver saoul
Des vapeurs rafraîchies.
Le cocher, brigand des Mers du Sud
Ce vague épouvantail aux cheveux de misère
Fait monter les jeunes filles, jolies, et un peu prudes.
Ses yeux ont déjà fait mille tours de la Terre.
Ils regardent tous au loin, insultent les alizés ;
Une Croix brûle là-bas et ils (...)
Malika Booker est une écrivaine britannique d’origines guyanaise et grenadienne. Elle a écrit pour le théâtre et la radio et fût la première poétesse résidente à la Royal Shakespeare Company. Elle est actuellement associée avec l’Université de Leeds.
Si j’ai choisi ce poème, c’est qu’il traite de plusieurs sujets ardus, comme l’avortement. Je m’intéresse beaucoup, dans la poésie contemporaine, au choix de sujets moins nobles ou esthétique que ceux traités traditionnellement en poésie. La femme et le corps de (...)
Croire
A l’ambre qui emprisonne l’insecte
Au ruban bleu tressé dans les nattes
Aux bracelets de laine et pompons multicolores
A la bougie fixée sur le marbre entre les branches d’épicéa
A l’ardeur du piment
A l’or des autels aux colonnes vrillées
A l’ex-voto sur le bois de la croix
Au chant à la Vierge dans le reflet des vitrines de saints
Au corps supplicié du Christ qui se relève
A ceux qui se tordent dans l’abandon
Ne laissant que les rides de leur sourire édenté
Dans le sillon de leur (...)
Lève le pied au-dessus de la marche oblique
Accroche ta main à la rampe rongée
Chasse l’insecte autour de tes tempes
Ecoute ton souffle saccadé
Baisse la tête sous le clou rouillé
Et pose ton œil moite sur le bouddha allongé
Au milieu des fleurs peintes
Au creux de la grotte
A flanc de rocher.
Trois poèmes
pour Christian David psychanalyste poète en plein vol saisi tu ne pensais pas à ton vol la montagne aux corneilles ne brillait pas dans le crépuscule la lumière était sémaphore grenade vive acérée la plume de l’aigle prend feu dans la zébrure d’un éclair noir le blé occiput d’un cheval piétinant ses âges la caillasse sous ses sabots la poussière d’étoiles ces particules l’odyssée des marguerites sur les talus la blancheur des mains du guide qui étouffe sa peine sous un (...)
Créer sa patrie
C’est l’automne. Les arbres sont dénudés jusqu’à l’os. Elle caresse de sa main ce qu’il leur reste de vie. Quelques excroissances lui font croire que leurs régénérescences n’est pas pensée morte.
Immobile, le froid remonte jusqu’au cœur. C’est l’hiver qui prend entre ses linges blancs tout le paysage dévêtu. Son grand manteau noir la préserve de toute tentative de dissolution extérieure. Face à la mer, elle ne regarde rien de précis. Elle se perd dans le vague de la mer. Elle l’écoute lui (...)
Poèmes
pensif
dans
ses cervelles
d’oiseau
le matin
demande
aux mésanges
d’ouvrir
les ailes bleues
du
ciel
grésillement
de
la chaleur
contre
la vitre
aux ailes rayées
il
suffit
pourtant
d’ouvrir
aux anges
la fenêtre
de lumière
nuit
de
craie
noire
où
me saluent
en passant
les ailes
de
l’ange
de
Juillet
j’ai cessé
de rêver
j’appartiens
aux volées
d’oiseaux
et
à
ton doigt
de
silence
posé
sur ma bouche
vie
durant
va
son chemin
telle
file
la quenouille
noire (...)
Le cimetière de Prague
et autres poèmes
Le cimetière de Prague
Résonances d’un coin de rue, de tous les âges Entre ville haute et ville basse Les fleurs écloses de colchique, mauves de leurs trépas,
pensent encore au sein du soleil — Que d’images s’empressent pour creuser leurs pas, joncher les pavées de parchemins silencieux
Pierres Pierres, ce sont des visages Visages Ce sont des pierres PierresVisages gris jaunes
Effritées Face au soleil, face aux pluies La (...)
Ecrire à Poindimié
J’étais invité en Nouvelle-Calédonie, au Salon du livre océanien qui se déroulait dans le village kanak de Poindimié, et ce matin-là, alors que je prenais mon petit-déjeuner à la terrasse du superbe hôtel face à la mer, un des organisateurs est venu me parler d’une urgence. Un car d’élèves âgés de treize et quatorze ans allait arriver d’un village situé à deux heures de distance, et ces gamins, presque tous kanaks, s’étaient levés très tôt pour rencontrer au Salon une de leurs idoles, un (...)
UN CHUINTEMENT D’AIR (extraits)
De septembre 1997 à mai 1999, le mercredi matin, à 8h.30, j’entrais dans la Maison d’Arrêt de Grasse pour animer un double atelier d’écriture poétique : l’un avec les adultes, l’autre avec les mineurs. J’en ressortais à 11h.30.
Quelques années plus tard des moments, des visages, flottent encore et toujours dans ma mémoire, icebergs étincelants ; ces quinze poèmes en constituent comme les parties émergées...
1 Au nord l’adret du doublier altitude
Au sud la Méditerranée (...)
SOIT TU EN PASSANT
tu m’en vas
sur les vagues à vau-l’instant
du présent déferlant
au fur et à démesure
que d’absence en silence
l’humanimal s’ignore
au gré de l’oubli
en souvenir d’un avenir
aux lendemains qui déchantent
Les écureuils de Chalifert
Les écureuils de Chalifert,
Gros dormeurs en hiver,
Gros mangeurs en été,
Dormaient paisiblement dans leur nid douillet,
Quand soudain Charlie le hérisson,
Sortit de sa longue hibernation,
Vint avertir les ronfleurs,
D’un grand malheur.
Il leur apprit que Jérémie le chat
Avait été mangé par Nicolas,
Le vieux chien
Du voisin.
Tous les animaux des alentours
Accoururent sauf Nicolas qui était un peu sourd.
L’assemblée se rassembla dans la villa Du Bonheur,
Et (...)
L’établi
Un trait de lumière
Transperce le noir de l’atelier.
L’établi est toujours là,
A sa place.
Rien n’a changé
Juste un peu de poussière
Par là.
Je te vois debout
Et moi, si petite à tes côtés.
C’était il y a longtemps.
Trop longtemps
Et en même temps
C’est comme si c’était hier.
…
Un trait de lumière
Caresse ma joue.
Je suis là, seule devant l’établi
Et ton image qui me sourit.
Two Poems
Capuchin Crypts
Eaten away, the leftover
cheeks turn a scowl.
Monsignor Giovanni droops
into eternity sinking
amid the grisly rococo.
What are we to do –
bend the knee
in quick obeisance ?
Pay lip service
to the dismembering hate ?
Water these florid
shell patterns with tears ?
Give alms in the name
of the needy idols ?
Hereafter may the bones
be beaten to a powder
traceless and silent
beneath the pagan
soles of living Rome.
Rome Cryptes des Capucins (...)
Apollo and Marsyas Zbigniew Herbert
The real duel of Apollo with Marsyas (perfect ear versus immense range) takes place in the evening when as we already know the judges have awarded victory to the god
bound tight to a tree meticulously stripped of his skin Marsyas howls before the howl reaches his tall ears he reposes in the shadow of that howl
shaken by a shudder of disgust Apollo is cleaning his instrument
only seemingly is the voice of Marsyas monotonous and composed of a single (...)
Moires
Allant sur le trottoir du boulevard, hâtivement, elle porte une robe rouge, de fée. Rouge d’une étoffe de satin, rouge coquelicot, non trop glacé, rien que moire du destin. Où sa hâte la mène-t-elle donc, si elle est une fée ?
Il faut y croire, en plein Paris, en pleine vie quotidienne, aux fées.
N’est-elle là que pour vite marcher et émerveiller, en sa robe rouge, chaque passant, au triomphe du regard ?
Elle est l’instant et ne va nulle part. Il ne lui arrivera rien. Telle est la (...)
« Si tu savais combien je t’ai aimée », vous a dit votre époux
quelque temps avant de mourir.
C’est bien qu’il vous l’ait dit,
c’est bien qu’il ait pu vous le dire,
malgré tout.
Notre instant par la parole prend vie de son rehaut,
et s’attelle à l’infini.
Vous regrettez votre grand-mère maternelle,
que vous aimiez tant,
quand vous étiez enfant.
Eût-elle vécu, elle vous aurait consolée
des mauvais moments,
du malheur de votre mère avec votre père,
qui ne s’était jamais remis
du traumatisme de la (...)
Le grand soleil et les menues hirondelles,
l’eau bleue du ciel et la stridulation des cigales,
tout cela… à nous offert… Voici
notre au-delà et l’instant présent tout à la fois ;
nous-mêmes et notre absence, le souvenir et l’oubli,
la clôture poignante, étreignante,
de l’ici et du maintenant
(Albert Camus, sous le vent, à Djemila, s’y sentait captif)
et l’infini ouvert sous nos pas
par la puissante et adéquate conscience
de la voix singulière.
Il ne tient qu’à nous.
A chacun la liberté du (...)
Autour de Cézanne, deux poètes du regard : Charles Tomlinson et Eamon Grennan
Qu’ils aient été tous les deux inspirés par la peinture de Cézanne serait une faible excuse pour rapprocher le Britannique Charles Tomlinson et l’Irlandais Eamon Grennan si leurs poésies respectives n’avaient en commun d’avoir subi tôt dans leur carrière l’influence de la poésie américaine, chacun d’eux y puisant une vitalité stylistique qui leur a permis de renouveler la tradition prosodique dans leurs pays respectifs. Surtout (...)
Au-delà du pas bleu de la nuit
Neige de printemps
Brûle, pétales d’ajoncs
Et ailes de papillons.
Tous ces petits cailloux
Sur le chemin
Sont les étoiles d’en -bas.
Pétales de seringas
Soufflent la mémoire
De l’enfance et sa nostalgie
Vide du ciel
Lune au cœur et nuit profonde
Font un haiku.
Un lichen est
Une algue qui a rêvé
De quitter la mer.
Petite lune posée
Au creux de l’aube tiède
Pèlerin de la nuit.
Ne pas penser
Que tout a été dit :
Plonger dans l’océan des mots.
L’enfant court (...)
Hiéronymus
Combien semblables les voix du plaisir et de la mort !
Yukio Mishima, Le Temple de l’aube.
A la façon d’un peintre qui ajoute des touches de plus en plus précises à son tableau, je reprends lors d’une remontée du Nil en bateau, les notes de mon voyage à Vienne en octobre 2003, un second voyage, après la grande odyssée accomplie en 1985, grâce à Hiéronymus. Ces feuillets par lesquels il faut bien commencer ont requis l’art du musicien, qui sait capter les rythmes vitaux, en (...)
L’ultime attache *
Sogar niemand ist noch jemand : im Worte.
Dans quel port échouer, voguant au creux des heures naufragées ?
A près de quatre-vingt dix ans, mon avenir est sûr :
ici, ne chancelle aujourd’hui qu’une ombre de moi-même.
Mais, demain, je ne serai plus que l’ombre de personne :
le sentier de velours d’un doux minuit futur
s’entrouvre tout à coup sur l’abîme sans voix.
(3 avril 2010,
cinquième jour de Pesach 5770.)
* Ce petit poème – un sizain – m’est venu ce matin, en voyant les (...)
Trees, Birds, River
Above the river, the tall trees,
grey with evening, are still :
yet in the water’s light,
more harsh, pure, than the fading sky’s,
their darker selves stir, sway.
A bird swoops, within the river
its other soars more swiftly to meet it :
they touch : for an instant
the glass shivers –
intact as they curve apart,
their flight opposing arcs,
fragments of a broken circle.
Gift of Venice
The gift of Venice : always to surprise
with the same present she makes you (...)
Les ateliers de l’enfance
Á mes grands-parents pour cette belle histoire…
Quand je viens dans ce pays, pensai-je, quelque chose
se délie en moi, mon inquiétude intérieure prend fin :
comme si l’on posait une main ferme et douce sur
une blessure qui commencerait à se fermer.
C’est une sensation de fraîcheur.
Jean Grenier
C’est un drap chiffonné et crasseux qui jonche le sol
Un craquement de plancher soulève la poussière
Á la fenêtre
Face à la maison de l’homme de la terre
Le peintre une (...)
Wie wenn der Landmann…
[Feiertagshymnus, Entwurf]
Johann Christian Friedrich Hölderlin
Wie wenn der Landmann am Feiertage das Feld zu betrachten hinaus-geht, des Abends, wenn es aus heißer Luft die kühlenden Blitze fielen den ganzen Tag, und fern noch hallet der Donner, und wieder in sein Ufer der Strom sinkt, aber frischer grünet die Wiese und der Kornhalm richtet sich auf, vom erquickenden Regen des Himmels und glänzend stehn in stiller Sonne die Bäume des Hains,
So stehen jetzt unter (...)
Ta main
Ta main traça un visage face à moi
Plongé dans la réflexion
Où tu pris la place de tant d’autres
Que tu effaças d’un revers
Ta main me présenta à la face
Du monde des hommes perplexes
Je devins ce visage là devant mes yeux
Quand tu en reconnus les contours
Ta main réfléchit ma présence
D’un revers tu me fis une place
Face à moi et au monde différent
Pour que j’y devienne ce que je dois (...)
Le Jour Passé
et autres poèmes
Le Jour Passé
Il y a
la maison vide de toute trace
on a si peur
mais le vent souffle
le jour se lève à peine
la fenêtre peinte en noir
quelque chose qui remue
on ne voit plus les mains
qui cherchent à tâtons
le chemin renversé
ou un nouveau visage
des gouttes de sueur qui perlent sur la vitre
et
derrière le rideau
la silhouette esquissée d’un enfant qui se cache
le cœur dans la cage
où (...)
L’ÂGE
À mi-côte je me retourne et regarde les monts lointains :
fins comme des cheveux, vibrant
au rythme de ma respiration.
L’un d’entre eux est un oiseau, tiède.
Monter une dizaine de marches et me tourner de nouveau :
tout devient plus long et me rappelle
que je suis seulement Su Dongpo, grimpant vers une tristesse
hors de portée du peigne et des ciseaux.
Encore une dizaine de marches, la main sur une pierre brune, pourrie,
je lance un autre regard, involontaire, en arrière :
déjà (...)
Le ciel entièrement
dansaient les lièvres
bondissaient se rejoignaient s’écartaient
sur le champ en lisière des bois jaunes
le ciel entièrement
le ruisseau illumine l’air
la martre file se planquer dans le coulis de lumière
les grands conifères laissent le jour aller
le vent enlevé par l’ange dans la garrigue absurdité des herbes rases
jument à la robe pie
gonflée par l’armure des caresses
l’âne piétine le pré d’argile noire
il y a dans l’air ses longues oreilles à nuages
l’hommage des feuilles mortes (...)
Ce cheval
ce cheval piaffe
il veut sortir de l’écurie
et s’il pouvait sortir
où irait-il
de ses sabots levés pétrir la pâte sans levain
cheval crois-tu obtenir un passeport
pour l’ailleurs glorieux dans sa nudité lasse
ce ciel mouvant est-ce le tien
l’air arasé par la faux
tu as la couleur des écureuils des mulots des feuilles pourrissantes
et des saisons qui allument des bougies aux fenêtres
Eternité
légères d’air et de pesanteur les grues
aux arbres joignant le ciel à leurs racines leurs (...)
NOTES D’ÎLE
DECOUVERTE LE MATIN
Nouveau premier matin du monde sur l’île. Le soleil né tout jaune du cœur du continent dore l’espace du vent. La musique siffle sur la lande et les arbres, tels des rochers, attendent patiemment.
Les mouettes naissent des vagues blanches des embruns impitoyables. Elles quêtent leur pitance entre deux eaux, entre deux ombres, entre deux vies.
Matin évanescent, lumière intérieure. L’ouest est toujours improbable. Pays et continents se chevauchent dans les musiques au (...)
The Sea Miroslav Holub
Someone just climbed on the top of the cliffs and began to curse the sea. Dumb water, stupid pregnant water, slow, slimy copy of the sky, you peddler between sun and moon, pettifogging, pawnbroker of shells, soluble, loud-mouthed bull, fertilizing the rocks with your blood, suicidal sword dashed to bits on the headland, hydra, hydrolysing the night, breathing salty clouds of silence, spreading jelly wings in vain, in vain, gorgon, devouring its own body,
water, (...)
Saisons : poèmes
Un hiver, une disparition, le commencement d’écrire…
Elle s’est mise à écrire, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, jusqu’à épuisement de l’amour. Ses mots et ses pensées ne sont plus dirigés que vers lui, lui seul, ses nuits et jours pris dans l’amour comme l’aile du cygne paralysée dans l’eau gelée du lac. Elle a oublié le quotidien. Le monde autour d’elle s’est effacé indistinctement. Elle a sombré dans la folie douce du rêve et l’espace pictural. Tout son corps (...)
Patience des nuages
dans la nuit
Brouillard des mots Et des pensées Dans la nuit Juste une lampe Qui éclaire De son sourire Comme un lendemain Qui s’ouvre A nouveau
*
Paysage cendré Arbres d’hiver Décor glacé
Ne pas geler sa main
*
La page est tournée Sur le poème écrit Comme s’il gênait (...)
Marcher ou raconter la marche
Il fait beau.
Mais qui
fait quoi ?
Qui a commencé
lui
ou la journée ?
Ce matin, quand le ciel traversa la rue, je me retournai : il faisait beau ! Les mouettes avaient l’air contentes ; la température et les pulls se laissaient aller, s’ouvraient autour du cou comme une échancrure dans le printemps.
La peau, sur les corps, était fatiguée de pluie et de grêle. Et j’eus l’appel du large, comme un coup de main sur l’épaule, par le chemin douanier. Mais, aussi, le (...)
Les arbres ne perdent pas leurs feuilles ; ils les donnent. Pour que la terre ait une âme, pour que les hommes ne renoncent pas à la vie.
Ils s’endorment dans l’attente d’une nouvelle jeunesse pendant que certains hommes offrent leur corps à l’éternité. Passage de noirs nuages au-dessus du fleuve jaune. Nuits emportées par le souffle d’un enfant ramassant des branches mortes le long de la rive et qui brûleront dans le cœur glacé de l’hiver.
*
Dans le jardin, de vieux objets fissurés. Exhumés, la (...)
André et Antoinette
Ils ont tout perdu
dans l’incendie
de leur appartement
où ils vécurent
où ils vivaient
ils méritent l’imparfait
le long temps passé
simplement
à vivre
ensemble
avec l’autre
et avec le temps.
Ils ont tout perdu
dans l’incendie de leur appartement
une première lettre
il a bien fallu qu’ils s’écrivent
une première fois
il a bien fallu
que l’amour se déclare
comme la guerre de 14-18
qu’on appela la der des ders
comme si, après celle-ci
ce serait le paradis
celle de (...)
Texte-matriochka en langue mythique
(poésie russe en prose française ou prose française en poésie russe)
A Laure de Guy Goffette
Je pense qu’il ne faut pas prévenir que le français n’est pas ma langue maternelle : pas besoin parce que ce sera évident pour l’instant (ô, rime ! c’est bon ! ou non ?) pour ceux qui risqueront (en russe à peu près le même verbe : risknout’ ; ce verbe très important pour les Russes je serai obligé de l’utiliser plusieurs fois dans mon texte en des modes et temps (...)
On pourra ci-dessous lire des extraits de deux recueils à paraître à l’automne, La houle sous la langue, illustrations de l’auteur, aux éditions Encres Vives, par les soins de Michel Cosem, et Masque de nuit, Préface de Claude Vigée, Gravures et monotypes de Guy Braun, aux éditions Caractères, par les soins de Nicole Gdalia.
Que ces deux éditeurs, et poètes, soient ici vivement remerciés.
au cœur d’une éblouissante perle d’eau
On se demande sans cesse ce qu’a vu le vent,
en passant sur toute chose, en (...)
mercredi 23 juillet 2014,
Capranica
Ce matin, à la piscine, tu as fait deux conquêtes, la petite fille à la grande bouée rose et le chaton tigré, ‒ gris, ocre et blanc. L’enfant s’est approchée, car tu jouais avec l’animal et savais le caresser. Tu lui as servi de truchement auprès de cette petite bête qui l’attirait tant, mais dont elle avait peur.
Dans un monde paisible, se pliant pour l’instant aux normes du bonheur, une telle rencontre fait figure d’événement.
Hier, dis, aux Musei Capitolini, (...)
Printemps
Buissons chantants,
Terre en attente,
Et la lumière en approche lente.
Pollens en échappée,
Nous entrainent
Dans leurs filets d’or.
Le jardin ouvre
Ses pages de lecture
Des arbres, du ciel, des signes.
Oracle d’un soleil
Laiteux et furtif
Dans un ciel opaque.
Les arbres fleurissent
De chants d’oiseaux, et la prairie
De plumes de mouettes.
La reine des jonquilles
Veille sur les infantes
Encore endormies.
Une percée de soleil
Deux ondées,
Et viennent les tulipes
Ce (...)
Loire et Loires au fil du temps et vues du train.....
Loire
Retour de Nantes.... La Loire.... le blanc des remous à la retenue des eaux, le glacis léger gris bleuté laquant la surface du fleuve, la franche lumière verte des berges d’herbe fraiche, la nappe des prairies aussi étale que la rivière dans un espace d’accolade généreuse, quelques animaux paissant paisiblement. Le temps n’est pas d’hiver, de printemps plutôt, sous un soleil tiède, un ciel tantôt net tantôt inondé. Seule l’absence de (...)
Concert des nations*
Au peuple syrien qui se bat dans
« la tendre indifférence du monde »,
Aux victimes de Port-Saïd et du Caire,
Aux révolutionnaires de la place Tahrir,
Aux tunisiens qui réclament aussi justice,
Au silence assourdissant du peuple iranien…
I
Des hommes s’élèvent
Une voix dix voix
Vingt trente cent
Des voix par milliers
Par delà les continents
S’élèvent lentement
Des voix qui forcent les portes du ciel
Roulements de timbales
Peine capitale :
Famines
Maladies (...)
L’Ange du hasard (extraits)
« Ange : la bougie qui se penche au nord du cœur. »
René Char
I
Feuilles vives
« (...)
Amergin et autres poèmes
Traduction d’Anne Mounic
Essai de Cliona Ni Riordain
Traduisant ces quelques poèmes de Greg Delanty, rencontré à Paris à l’automne 2008 par l’entremise de Cliona Ni Riordain, avec laquelle je travaille à Paris 3 et qui nous donne ici quelques précieuses clefs pour apprécier l’œuvre de ce poète, je me suis plu aux détails du monde, proche ou lointain, cette gare indienne, les échos de Tchernobyl ou la précision des essences dans le comté de Kerry. J’ai aimé ce lien que (...)
Ozu suite
Beau temps filigrané de soleil gris rose. Pas de vent. D’un piqué photographique, l’azur à l’ancre et sans un pli. Seul un nuage pirate, à l’est, ferme la passe de la prochaine aurore. Dans cette lumière immobile, drapeau noir planté au coin du soleil levant, les feuilles, seules, par couples ou familles entières, se jettent des branches et tombent dans les yeux, qui accueillent leur doré pourrissant et ne saisissent rien de la vie courante.
Kohi Ji Ko (...)
Partout Thésée dans les Soleils
Est-il Il est des pays de craie où chaque vapeur se suspend
… Des pays des paysages dont on est dont le visage
Tend sa peau et ses alpages, des pays étranglés dans il est
Est-il vrai des rives bleues et des rivages des griefs
D’ardoise… où chaque remous à sa page, des mais on est
Des grisantes et des cendrées, des toits de chaume et…
Les amantes des sages. Est il, il est des pays de craie
Qui toisent - les Crétoises.
***
Dans le Corps de Vénus
Tout (...)
Dans l’ombre (extraits 2004)
1
On ouvre les portes à l’amour.
On le rapatrie en lieu sûr, là où l’on entend les mélodies des oiseaux, tôt le matin quand le jour est levé. La phrase cherche ces chants d’amour inconscients. Une parade amoureuse suffit pour que l’émerveillement éveille une nature offerte. Nul autre lieu que celui-ci, si ce n’est Parnham House logé dans la verdure, ne saurait délivrer le monde de sa barbarie.
Depuis le génocide, on ne se fait guère d’illusion. Pourtant, on résiste. En ce (...)
Elan
Posez cette étoile trop chargée
qui écorche vos mains, là,
à nos pieds nus, en bas dumonde.
Posez-la et venez rire, acrobates, funambules,
rêveurs, jongleurs, poètes ruisselants, enchanteurs et robinsons…
Venez avec vos légèretés exquises soulager
les fardeaux qui creusent nos matins.
Venez avec la poudre fine des sentiers
lointains, venez scintiller dans notre
labeur quotidien…
Et même si s’élever signifie perdre,
la douleur reconnaîtra ses rides,
son vieux visage de cendre.
Mesure (...)
Les ombres sont en nous (extrait)
Les ombres sont en nous dans tous les interstices entre nuit et lumière
reflets d’un univers intérieur jumeau de l’infini
échos des peurs des meurtres des passions
échos des peurs de ces passions de la violence des mouvements de vie
miroitement saisi du coin de l’oeil jamais de front
éclat de l’ombre et de l’obscurité que nous ne voyons pas que nous sentons que nous n’admettons pas mais comprenons
passage autre point de passage dans l’inconnu l’autre moitié de (...)
Henry Braun et Claude Vigée, sur le campus de Brandeis University en mai 1953. Photo prise par Evy.
Henry Braun Weight
for my teacher Claude Vigée in his time of mourning
We are given weight separate from the earth as the first miracle,
a certain leave to rise like the stones in a thawing road.
There are directions pointed to by growing in the flowering branch
or the equal root for those who have tried and tired who disbelieve the sunlight.
Because it is lonely, teachers wait (...)
La Lumière du chemin
J’ai ce rêve pour aller de l’avant.
Je ne sens pas la douleur, ni ne veux sentir,
le soleil ni la neige, dans l’horizon brumeux.
Les uns fortifient leurs bras, pas leur cœur,
d’autres enrichissent leurs mains, pas leur cœur.
J’ai cette Lumière pour aller de l’avant.
Je ne sens ni la faim ni la soif sur le chemin,
ni le vent ni la pluie ne frappent mon corps fatigué.
Entre oliviers et rochers je m’assieds.
Je regarde l’univers, le ciel et les (...)
Nos éclaboussements de fleurs
je danse avec nos fugues nos tremblements
tout en tournoiements je dis vrai en rythme
tu me répètes vertigineusement me répètes
encore encore tu danses dans ta robe coquelicot
je fugue une litanie de vers lignes survoltées
un violon sur tous les toits il court au galop
derrière la mélodie du ciel ses étoiles filent
toujours plus vite
au plus près dans nos lointains
tout rouge en fugue
ma gorge pour un cri enroulé à
tes seins je danse
la fleur n’est pas une (...)
The Song of Moses and other poems, Seymour Mayne
Le chant de Moïse,
traduction de l’anglais (Canada) Caroline Lavoie
Préface
Dès mon plus jeune âge, j’ai été initié aux légendes qui peuplent la Bible hébraïque. À mon premier jour à la maternelle de l’Académie hébraïque, sur le boulevard Saint-Joseph, à Montréal, j’ai réalisé un coloriage où étaient représentées plusieurs formes géométriques. Par erreur, j’ai pris le triangle pour une représentation de Dieu, n’apprenant que bien plus tard qu’il s’agissait en (...)
Crépuscule
Flottant comme un ballon sur le flot pélagique
À l’heure où tout s’enflamme, à l’heure où tout s’emplit,
Brûlant en nappes d’or le temps qui s’accomplit,
L’œil du monde s’épand, radieux et magique.
De nimbes sertissant l’œuvre cosmologique
Rouge comme un beau sang que l’azur anoblit,
Les nuages au ciel, où s’irise leur lit,
Réverbèrent au vent un écho liturgique.
Lissant le sable blond, la danse des clapots
Aux teints d’agate brune et très riches dépôts,
Sous le feu ruisselant des ardents (...)
Descartes outre-France
Il s’agit ici de présenter succinctement trois grands poètes anglophones contemporains, encore très peu connus en francophonie et réunis ici fugitivement à travers un thème susceptible d’intéresser un lectorat universitaire : Descartes, vu ou entrevu par ces trois poètes ; pour les deux premiers, une réaction à la mise en doute métaphysique de ce monde de la matière, « res extensa », que le philosophe français soumet à la réalité ontologique de la pensée ; le troisième poète, très (...)
à Paul Veyne
ROME REVOIR
Revoir Rome
Réentendre son langage de Ville.
Stazione Termini où débute aventure
Tangente au ciel feint l’idée de « grandeur ».
Circuit de cirques -
Amphithéâtres de collines -
Coupoles demi-sphères
En droite mire d’impérieuses voies –
Minauderies serpentines du Tibre -
Cintres romans - voûtes et arcs –
Arches de ponts et d’aqueducs -
Escaliers ondoyants et parcours
Sinueux - statues galbées – colonnes torses –
Fontaines aux tritons – jets d’eaux dessinés courbes – (...)
Ces poèmes sont extraits du recueil qui paraît ce mois-ci à Nîmes chez Lucie-Editions : Enfant nu comme l’instant sur les ruines de la durée
* effarante liberté, sur ce seuil de la vision
Pourquoi l’œil cherche-t-il à se frayer, sans trêve,
cette voie vers l’horizon nu ?
Pourquoi cherche-t-il à se rendre, sans se lasser,
au seuil même où il ne voit plus ?
Pourquoi désire-t-il avec tant d’ardeur qu’aucune forme hostile
à la courbe des arbres, à l’élan moelleux des collines, à la rondeur des nuées
ne (...)
Reconciled and Saved
Traduction d’Anne Mounic
Reconciled
Both believe
it could be
and this time
this loose time
it could be right
this time
she’ll greet him with a radioactive smile
and he’ll be fair
there’ll be food on the floor of the cave
they’ll hold their love on the edge of its grave
safe on the brink
glasses will clink
never break
till time ends
Réconciliés
Tous deux croient
que ce pourrait être
et cette fois-ci
sans précision
cela pourrait aller (...)
Silence
in memory of Hélène Péras
I could no longer bear, that day, her silence, while she kept her analytic distance, observed me meander, failing to find the thread to guide me out of my inward maze. I said, ‘There’s something more I need you to give, some word I can hold, once alone, in my mind, like that stone I picked up, worn by ancient waves, and carried home, relic, memento mori.’
‘What has stopped you from saying this before ? Is the silence mine, or is it your own ? How telling that (...)
Winter *
The clock’s gone back. The shop lights spill
over the wet street, these broken streaks
of traffic signals and white headlights fill
the afternoon. My thoughts are bleak.
I drive imagining you still at my side,
wanting to share the film I saw last night,
– of wartime separations, and the end
when an old married couple reunite –
You never did learn to talk and find the way
at the same time, your voice teases me.
Well, you’re right, I’ve missed my turning,
and smile a moment at (...)
La tulipe* est la fleur du jasmin
Au printemps des peuples
Á Hafita, toi qui es presque
née dans cette lumière
[L’homme] est cette force qui finit toujours par balancer
les tyrans et les dieux. Il est la force de l’évidence.
Albert Camus
Les fleurs d’Iran
renaîtront de leurs blessures
Les tulipes fanées ne refleuriront jamais.
Omar Khayyam
Le vent dépose des graminées d’impatience
Dans la terre de Téhéran
Un monde nouveau
Gronde pousse et crie
Sur un monde ancien
De (...)
Fille
Peut-être vais-je révéler ton nom
le crier, le crier lentement
le respirer
peut-être vais-je le taire
l’unir à l’ivresse du raisin pressé
le siroter et grogner, imbibée de vent
murmurer un hymne aux herbes marines
le dégorger de rochers suant dans la lumière, pieds dans l’eau
peut-être vais-je y déchirer le silence
le déposer dans le ventre d’une cigale et dans les éboulis de sa voix,
ton nom s’élèvera si pleinement humain, comblant de douceur la vie.
Peut-être…
peut-être vais-je livrer (...)
Vivre sa vie
Vivre sa vie
de Jean-Luc Godard
Il n’y a pas à proprement parler de profondeur de champ.
Il y a un décollement de la lumière enregistrée de son support matériel.
Lumière elle-même stratifiée, composée d’une superposition de couches. Aucune n’est posée sur l’autre, mais flotte au-dessus d’elle. L’air qui circule entre ne se respire. Tout est de l’ordre de l’imperceptible.
Une superposition sans contact de (...)
Vol en V
et autres poèmes
Vol en V
Poésie
Tragique embellie
Ballet calme des corps équipés de loquets
Chutant sans merci
Impavides
Ralentis
Couloir à s’y méprendre
Passe de Ripolin
A lustre d’apparat
Brillantine de toutes coulisses
Gomina raffinée pour plaire
Poésie
Pastilles de pentacles adhésifs
Pinceau de miel sur les murs insipides
Escorte bras dessus bras dessous vers un jour élégant
Et aussitôt dite
L’hélium est en boule au sol
Les parpaings vont en vol en V
*
L’automne en (...)
Extrait de mohair, la mort phonétique (mot+R)
découverte
ruelle écartée détournée
impasse entre les jambes d’une nuit papier bible
pommeau ouvert de vague dague à lame
main sur une la chair tendre encore émue au point
de froisser devant soi la lumière bénite
paralysie faciale rejet de la baignoire
crispe dent dent contre lèvre et tête le bavoir
aspire cul sec dans les gerçures
les songes abrutis des lignes repêchées d’entre les lignes
ce premier réservoir d’un stylo encre noire avec barrette (...)
Ces poèmes qui suivent, de Michèle Finck, sont extraits de son recueil, L’ouïe éblouie. Montélimar : Voix d’encre, 2007.
On se reportera, dans à l’écoute, à l’article de Claude Vigée.
Conte de l’ouïe éblouie
Toujours le même film, muet puis peu à peu murmuré, dans la visionneuse du crâne.
Près d’un piano, il y a un enfant qui ouvre la volière de nos vies. Elles sont plus déchirées et multiformes que nuages.
Certaines, détritus de détresse, ont perdu musique et se taisent. Les autres, tordues d’absolu, se (...)
Frédéric Le Dain | Pascal Truchet
En songeant aux hirondelles…
Dans un petit livre de Sylvie Germain intitulé Songes du temps, paru en 2003 dans la collection « Littérature ouverte » et qui est une méditation personnelle sur la liturgie, le temps liturgique, l’auteur écrit, au début d’un fragment intitulé « Ardeur à vivre » : « Comme si un coup de vent s’était engouffré dans un livre, troussant les pages, secouant les phrases, sifflant entre les mots, et finalement arrachant les lettres pour les jeter en (...)
France Burghelle Rey| Martine Callu | Jaquette Reboul
La guerre
par France Burghelle Rey
J’étais sur le départ étrange voyage qui commence par les larmes la guerre m’a laissé le souvenir de façades abattues
Cris et déchirements que je t’ai racontés ta voix m’apaise quand mes syllabes sont des débris de mots
Je n’ose plus parler
*
La foudre heureusement est tombée je me sens léger et rien ne m’empêche
De grandir comme l’arbre dont le tronc avoue l’âge
Je puise dans les plis de ma terre le sel qui (...)
Jules Masson Mourey, poèmes
Le deuil des jours
-"Hier est mort, demain n’est plus Quel mauvais sort... Tout est perdu. Hier est mort, demain n’est plus."
-"Hier encore tu n’avais plus aucun remords !"
"Mais il a plu... Hier, dehors, je n’avais lu, dans un ciel d’or, que l’Absolu !"
"Non, tu as tort... Les dieux t’adorent !"
"C’est révolu. Piteux décor. Va, je m’endors... Hier est mort, demain n’est plus."
St-Tropez à Pâques
Des odeurs de feu froid se dispersent depuis les jardins des villas (...)
Je n’ai pas compté tes apparitions
Au détour d’une rue
Ou au milieu des foules
Ombre des ombres
Évanescente
Dans la gent anonyme
Ton visage disparaissant
Là, instantanément
Au moment précis
Où je croyais approcher,
Toucher ce qui n’était plus
Qu’un mirage du passé disloqué
C’est au nombre incessant
De tes disparitions
Que je dois d’avoir lentement
Accepté ton départ :
Tu as gagné peu à peu
Sur le fil tendu des jours
Entre chutes et fêlures
Ta place irréversible
*
Et quand la nuit sera (...)
Mue de la cigale, solitude du chrysanthème et fin de l’été.
****
Vol mou de la chouette à ses chasses nocturnes sous le vent de minuit.
**** Chauve-souris solitaire, froissement de feuilles, passage de corbeaux. **** Tulipes sous les pins, glycine sur un vieux mur, enfants dans les pissenlits.
**** Un soir de brume, biches et cerfs surpris, dans la nuit.
**** Troncs raides et noirs d’arbres morts retiennent le cerf à l’étang.
**** Trace de lune, fin chemin blanc dans le (...)
Il fut un temps où tous les possibles semblaient réalisables La nature était offerte dans une tension inextricable Il aurait suffi à ma volonté de se bander pour que tout advienne
Au lieu de cela je me complaisais dans une patiente attente, Laissant se décanter dans la cornue de l’univers les essences du Grand Œuvre : Les couleurs étaient plus vives, les odeurs plus prégnantes et la joie plus profonde.
Les choses devaient advenir d’elles-mêmes ou ne seraient pas, Tel un fruit mûr qui monte au ciel, (...)
Un vent venu du large.
Dans la mémoire s’entrechoquent les paroles emportées par le tourbillon. Ce temps d’années parsemées, pour dire, dessiner sur le fil, le point, l’origine du vacillement. Un sillon se creuse lentement. Survint l’image du sentier et le souvenir qu’ici encore il faudrait marcher, avancer à vue. Marcher sans fin, marcher sans relâche. Au-delà de l’horizon. Pénétrer les herbes hautes et se griffer aux ronces inévitables. S’endurcir aux morsures du froid sur la peau ouverte par endroits. (...)
Equinoxe d’automne
et autres poèmes
Traduction d’Anne Mounic
Fall Equinox
The bees are slowly dying,
foragers now in full retreat.
The sweet condominia
will freeze and all birds
but the duck and inland gull
will soon head southwards
on their seasonal pilgrimage.
September is the crueler month.
Equinoxe d’automne
Lentement meurent les abeilles,
les butineuses désormais en pleine retraite.
Le suave complexe
va geler et tous les oiseaux
à l’exception du canard et de la mouette des (...)
Mise à plat
Comme tout va bien ! Tout baigne. Tout s’arrange comme il faut et se combine pile poil. Et s’articule, se manipule. Et s’agence, se manigance. Et avance. Et se boucle rondement et tourne en rond et en boucle. Et cela se fait dans les règles même si ça coûte bonbon. La publicité est bonne. Les profits sont bons. Le pourcentage est bon. Les placements sont bons. Les nouvelles sont bonnes. Les perspectives sont bonnes. Et le soutien. Et l’entretien. Et les tenues. Et les retenues. La (...)
tous ces visages dont les vies se croisent ici
Boueuse, ocre rose, Garonne
reçoit dans ses plis, ses ondulations,
le ciel tout azur du premier hiver
surgissant au creux de l’automne,
fin octobre, dans le corps des métamorphoses,
bientôt la fête des saints et des défunts,
ainsi que, peut-être, les premières gelées.
L’azur sur la boue des eaux se transforme
en bleu cobalt et se disperse entre les rides
d’ombre et d’ocre. Quai du Médoc,
à Bordeaux, ou bien boulevard,
sur l’autre rive se (...)
Poèmes
Lenabẹ́t, leha’azīn,
‘Arāvāh wesīmān,
Dimemat-’ōr.
Mada‘ nikhmār,
̣Hīdat-hayāmīm,
’Oūlam-tiqwāh.
Regarder, écouter,
Saule et signe,
Murmure de lumière.
Pensée ardente,
Enigme des jours,
Voûte d’espérance (extrait de Poèmes bilingues 2)
***
Linsoa‘, lāshoūv,
Beroūạh–hamistār.
Mabạt–meyoudāh,
‘Atsāmīm wā‘āphār.
Lizkor, liqrov,
’Īlān wạ̄halōn. Partir, revenir,
Au souffle du mystère.
Regard d’un ami,
Os et poussière.
Se souvenir, approcher,
Arbre et fenêtre. (...)
rouge
le bar est ouvert
les gens rentrent, sortent, parlent à voix haute
si on était chez soi on dirait : ils me gênent
mais ici c’est l’inverse
l’agitation des autres devient comme un support
on prend appui dessus pour former son silence
souvent des gens écrivent, philosophent
ou traitent d’affaires compliquées
peut-être qu’il n’y a pas mieux
pour se donner du grain à moudre
que ces agitations croisées
un jour d’octobre
les syndicats avaient appelé à manifester
et j’étais en pensée
avec (...)
The French Defence
En effet : the Athenians,
they chose not to submit –
abandoned their city,
leaving the Persians
to burn their houses, wreck the temples
on the Acropolis.
They watched them
from Salamis . . .
Whereas we, the French,
we surrendered,
and Paris –
le voilà, intact !
A contrast, my friend ? C’est exact.
They had the future to defend :
we had only the past.
La Défense française
En effet : eux, les Athéniens,
ont (...)
Song : Grace
‘We’re crushing the flowers’
the young girl protests
yet smiling she makes
her way down the meadow
stepping lightly amid
tall bright-headed stems
and lifting the hem
of her white summer dress
with grace that seems ageless
as though in a painting
on a broken Greek vase
or a Pompeian frieze.
Grâce
’Nous écrasons les fleurs’
proteste la jeune fille
qui souriant prend
son chemin dans le pré
à pas légers entre
les têtes colorées
et soulève le bord
de sa blanche robe (...)
Ecoute parler l’ardoise
Des mondes vont surgir
Qui n’ont pas la parole
La goutte d’eau comme une larme
Rageusement creuse la faille
Dans les replis bleus du basalte
La plante est à naître qui portera la fleur
Aux carrefours des hasards
L’ardoise importe peu
Sans siècles jours ni craie
Pour griffer sa surface lisse
Inscrire la patience écolière
Du b.a.-ba de notre histoire
Ecoute dans l’ardoise le triomphe d’un cri
Etouffé sous la cendre qui promet l’infini
De mondes multiples l’ardent (...)
Hugo Cabret
de Martin Scorsese
Contrairement au verre qui a une structure physique proche de celle des liquides, le cristallin ou l’humeur vitrée de l’œil ont des molécules stables comme la plupart des solides. Ce qui range les images qui s’y forment non du côté de la sorcellerie spéculaire, mais de la matière sans illusion.
Matérielles, les images le sont, toutes les images le sont, parce que l’automate est leur secret. Même les images rupestres, (...)
Les premiers n’étaient pas bien méchants.
Ils posaient quelques questions, suggéraient un problème simple. Parfois même, il se laissaient aller, m’accordaient une petite promenade. Aujourd’hui, leur mission m’apparaît clairement : me faire aimer à tout prix cette salle nue et d’une blancheur aveuglante. Ce lieu étrange, où ils m’ont jeté et dans lequel peu à peu, ils ont introduit d’autres prisonniers qui, chaque jour, à heure fixe, sortent de leur abrutissement pour faire avec moi quelques pas dans la (...)
From The Apocalypse Tapestries
I. Chosen Chosen,
yet abject.
Chosen
because abject ?
Self-chosen ?
*
II. Digging for Martyrs
The burning blisters on the palms of your hands.
The sweat on your face.
The ever-blunter
blade of your shovel.
Your ever-wearier
thrust
into the rock-studded
clay.
Now and then, bones.
A broken skull.
A trinket.
A talisman.
But none of these relics
is of yourself.
*
III. Immobile Escapes
Immobile escapes
freeing you
to linger.
(Yet when (...)
Comme on parle aux étoiles
Gefühle lassen sich nicht einfach beenden
1.
la blessure ne se referme pas
tu l’amènes à la parole
au cœur de ta langue
et de ses invisibles transactions
tu entres en toi-même
si tu trouves une étoile
dans les lointains tu habiteras
si tu continues à vivre
tu t’engageras en silence
dans un dialogue sans fin
avec l’étoile qui se cache en toi
loin de toi, très loin de toi
juste au dessus de ton (...)
Quelques poèmes d’errance
Tübingen, octobre
Quel silence sera trop pesant
pour saisir une parcelle
de l’étincelle
du maître relégué
dans la nuit
de la tour ?
dix années d’errance
suffiront-elles
pour retrouver
les mots du poète
dispersés
comme au fond de l’abîme
dans la tour
de Hölderlin ?
grave atteinte de l’esprit
fracassé
dans la tempête
salutaire accueil de l’ami
enfermement panoptique
écriture carcérale au sommet de la Tour
doch niemand
kann von der Stirne mir nehmen
den (...)
On a Phrase of Milosz’s *
He is not disinherited,
for he has not found a home
He has found vertiginous life again, the words
on the way to language dangling possibility,
but also, like the sound of a riff on a riff,
it cannot be resolved. History has mucked this up.
He has no textbook, and must overcompensate,
digging into the memory bank if not for the tune
then for something vibratory on the lower end of the harmonics.
He’s bound to be off by at least a half-note-here comes (...)
POEMES AU FIL DU TEMPS
Ephémère, la beauté furtive s’efface. Un visage, un geste, Offrent un instant le vrai de l’être. Ferme les yeux, clos ton regard, La douleur est trop forte de l’éphémère entrevu. Fleurs de saule au printemps, graines, l’été, des ombres futures. Nul ne sait les couleurs du soir Sur l’arbre aux portes de la nuit.
Jessé à Beryl Mémoire pour un bouquet 4 Mars 2006
****
Novembre a démembré l’automne, Toutes feuilles éparpillées. Ré sous le vent se consume à (...)
LE LIVRE DES METEORES
1.
« Blanc comme neige »
Etalon chromatique
Fraîche présence réfléchissante.
La totalité des couleurs
Tombent avec légèreté
Des hautes régions.
La neige concentre en elle
Toutes les fréquences du spectre.
2.
Marche automnale
Au départ
Le sol semble recouvert de minuscules champignons
Puis apparaissent des insectes microscopiques
Qui grimpent le long d’une herbe gigantesque
Atteignant au moins deux centimètres,
Dominée par une gouttelette d’eau à peine visible
Dans (...)
Le vent emporte
la lettre de la paume de la main.
Le vent cache
ce qui reste du soir ;
le soir m’a fait ses adieux
sur le quai de la gare :
une manche s’est frottée contre mes épaules gelées.
Langueur enfumée
éclaboussée d’angoisse ,
une odeur de rails
m’enivre la cervelle,
et moi, insupportable,
je ne pourrais me retenir,
mais arrête-toi donc, fais une halte
au moins pour la vie,
mais l’emporta.
Les lettres se font plus rares,
elles ne sont pas devenues des fêtes,
une blanche falaise (...)
Version française
Traduction d’Anne Mounic
Ariadne
My brother the monster. You’ll recall.
My mother, Queen Pasiphae, being no better than she should have been, fell for the white bull. He was a most attractive creature, but even so.
The cunning old courtier Daedalus is called in. She wants the white bull inside her.
So he builds her a cow from wood, big enough for her to climb inside, as though she were a Greek soldier and this were Troy. And there’s an aperture on the underside large (...)
Berceuse pour l’enfant qui naîtra à l’aube
Je t’offrirai
Mon cœur scindé
Dans une coquille de noix.
Aube, Aube
Peins tes lèvres béantes
De la vive couleur amarante !
Vent, Vent
Glisse à sa cuisse cuivrée
Une couronne de fleurs d’oranger !
Mer, Mer
Couvre ses épaules dorées
D’une mantille d’écume nacrée !
Quand le crépuscule à ton doigt
Passera son anneau de lilas
Je t’offrirai
Mon cœur scindé
Dans une coquille de noix…
La edad perdida de Chile
A Richard et (...)
BÉNÉDICTION Une carafe sur une table impeccable, plein de l’eau plein d’une lumière brillante - ta main sur mon front, plein de charme, plein de grâce salutaire - un petit pruneau dans les doigts d’un enfant innocent – un arlequin de la guerre et la moquerie.
Abécédaire du Nom, Vacance du rêve (2009), extraits
Etre ou devenir
Un passeur du nom
*
Nous venons de la nuit
Pour aller vers la lumière
*
Admirable tremblement
Des mots qui boitent
Qui achoppent
A dire
L’exacte et imprécise
Vivante vérité
Du jouir
*
Les rameaux pousseront
En terre de nos vies
*
L’heure où nous rendrons
Les mots au néant
Sans oublier le verbe
* Comme un ciel du matin
Dans les nuages bleus
L’arbre en fleurs
Est dans la main invisible
De l’ange de beauté
* (...)
Oui ou non, oui et non
Il neigeait. Dans cette étendue blanche où la neige s’effondrait à chaque pas, j’attendais mon amie. Je l’attendais dans le parc. Les flocons glaçaient mon visage et brouillaient ma vue. Le voile de neige tissait des fantômes blancs où je croyais deviner tantôt d’étranges floraisons, tantôt un visage. J’allais à pas lents dans les allées recouvertes d’une épaisse couche glacée où j’enfonçais jusqu’aux chevilles. Le silence n’était rompu que par de rares craquements qui (...)
A travers la fenêtre, Laurent laisse errer son regard, au-delà du grand frêne, jusqu’aux caisses en cartons moisis, extirpées des locaux de l’ancien Internat, et placées au milieu du parc en attendant leur incinération.
Au coeur de la bibliothèque, Laurent est seul ; une solitude absolue où il se sent bien, et qui lui rappelle ses premières années d’enfant unique, au coeur de la haute maison, posée en clair-obscur sur une petite ville grise.
Il se détourne, fait pivoter son grand fauteuil en Skaï et (...)
un arbre cédé pour presque rien
à qui montera ces marches le premier
pas une affaire de mendiant
une crinière de race
ses racines ont traversé la terre tout entière
pour voir même le jour la nuit
il est calme et vaste
jamais vents ne l’accablent
on le sait absorbé à nourrir voiles et saxophones
mille nids treillés l’animent
nulle mousse ne s’y risque
que de frelons le gardent
on le visite de loin
car personne ne peut l’approcher
à moins de milliards de mètres
d’ailleurs qui l’a déjà vu ? (...)
Élu
Élu,
mais abject.
Élu
parce qu’abject ?
Élu par moi-même ?
*
Restes de martyrs
Les cloques brûlantes sur les paumes de tes mains.
La sueur sur ton visage.
Ta pelle
toujours moins tranchante.
Ton coup de pelle
toujours plus las
coupant la glaise
truffée de pierres.
Des ossements
de temps en temps.
Un crâne brisé.
Un bibelot.
Un talisman.
Pas une de ces reliques
n’est cependant de toi.
*
D’immobiles échappées
D’immobiles échappées
te délivrant
pour que tu t’attardes. (...)
Jean Briat
Ce que j’aime
J’écris pour ce que j’aime,
pour l’éclat irisé du caillou au matin
sous l’ombre oblique des noyers,
pour les cris des moineaux
dans les verts chemins de la treille,
pour les soupirs du soir étendu sur les prés,
pour l’eau bavarde du ruisseau
qui jette ses éclairs sous les branches des aulnes,
pour les sentiers des bois mystérieux d’errance,
profonds comme des lits des feuilles qui ont chu ;
pour les voix du matin du midi et du soir
brillantes de rosée, (...)
Nicole Gdalia a sélectionné pour Temporel un certain nombre de poèmes importants. On se reportera également à l’entretien qu’elle nous a accordé début janvier et à la présentation de son anthologie, Alphabet de l’éclat, dont les poèmes qui suivent sont extraits.
Que s’installe le zéro de moi-même
et me délivre
des images inutiles
position zen de l’écriture
psaume de l’étincelle
silencev subordination et coordination ne se perçoivent plus
une nue duveteuse
moelleuse s’étire
dans le ciel de mes veux
la (...)
Letter to My Mother
You never wanted to disturb, upset anyone, so you left
just before Christmas, having baked the pies, wrapped the gifts
said things to us each we needed to hear, a long warm shadow
reaching into the cars that night from where you stood waving
good-bye. How celebratory it was with you glowing
among dishes and smiles, your head, an aromatic hovering
halo, the shimmering generations all beaming
at this last family feast, hours after which, a little gasp
sat you (...)
J’embrasse des espaces infinis.
Marchant à la fortune du cœur
Dans des forêts profondes, où
Les sentiers se frayaient des passages
Dans le sous bois touffu,
Je vis à ma dextre un rocher
Hissé sur un promontoire.
Je m’engageais sur la pente ardue
Afin de voir ce qu’elle recelait
Par derrière. Au travers des arbres
Le ciel commençait à se dessiner.
Arrivé au sommet une ouverture
Se découpa : à mes pieds un aven
A marée basse coulait.
Soulagé je respirais l’air
Qui remontait des méandres, (...)
Sentiers de lueurs
Assis
dans le mouvement métropolitain
je traverse des banlieues
réflexives je quitte la ville
son déracinement visuel
déjà
les grandes largeurs
maritimes
éclairent une fatigue
intérieure
premier signe
d’un dénuement
lent façonné
devant l’origine
* *
Survient l’instant où
chaque geste
devient de sable où
la conscience
s’enlise dans sa
nudité murale
le souffle
dans son enfouissement
terreux
Survient l’instant où
il faut se lever et
partir
dans le vent la mer (...)
Trois poètes latino-américains,
traduits et présentés par Yvan Avena
Aidenor Aires
Né en 1946 dans l’état de Bahia, Aidenor Aires vit à Goiâna (Goias). Il est juriste de profession.
Enfance
Par enfance
comprenons ce parcours bleu, ce modèle tissé.
Et les choses innommables, sans ligne d’arrivée,
tout juste à l’horizon
les oiseaux pressentis. Comprenons, l’amour
couteau à trancher, cet autre nom
que porte la mort.
Poissons
Ils arrivaient dégoulinants
du profond de l’eau, où la nature
gardait (...)
ARTHUR HAULOT
D’extraction modeste, journaliste, dès 1938 il est inspecteur à l’Office national des Vacances ouvrières. Président des jeunes socialistes dans la clandestinité, il fait partie des quarante otages que la Gestapo bruxelloise envoie au camp d’extermination de Mauthausen le 27 décembre 1941 puis à partir de novembre 1942 à Dachau. Peu avant la libération du camp le 29 avril 1945 il crée un comité clandestin qui veille sur le rapatriement des 32000 rescapés dans quelque trente pays (...)
La pelle
Moellons de guingois
Entassés pêle-mêle
Lamelles de pierre
Dormant au soleil
Une pelle solitaire
Semble à elle seule
Porter tout le poids
De ce mur précaire.
The Spade
Rubble askew
Higgledy-piggledy
Slabs of stone
Sleeping in the sun
A solitary spade
Appears alone
To carry all the weight
Of this precarious wall of stone.
Les moines
En cadence les moines
Égrènent et scandent
En une lente procession
Répons et antiennes
Litanie hors du temps.
Sous les majestueuses (...)
Les quatre saisons
Mon amour au printemps est l’oiseau des chansons
Sur la plus haute branche a perdu la raison
Eclosion d’avenir en airs de vocalise
Et nuée de désirs soulevés par la brise
Mon amour au printemps a fait ses premiers pas
Les miens dans l’herbe fraîche recouvriront tes pas.
Mon amour en été est un brasier ardent
feu brûlant d’insomnies aux caresses des vents
Orage de ma passion aux foudres de douceur
Moisson d’étreintes folles écrasée de torpeur
Mon amour en été grandira dans (...)
Beyond Puketapu
The wind, hissing through dry stalks,
small, thorny bushes that from a distance
might have been manuka, matagouri,
persisted, chill as the easterly tearing
over the tussocked Back Block ridges,
the farm’s highest, farthest from the house,
that we climbed till we could just make out,
in a gap between the hills, beyond Puketapu,
a deeper blue : the sea
and though there was also sage, wild thyme, in the wind,
the sprinkle of small bells,
and the sea below me glowed (...)
Dans l’aleph des jours
Poèmes 2007-2008, extraits (II)
Dans l’espace du jour
Un mot se met à vibrer
Au centre de la page
Un mot qui énonce
Le chant du monde
Où se situe le poème
Dans le mot
Dans le rythme du mot
Dans le verbe du mot
Où vit-il
Dans l’esprit
*
Dans le rythme
Du vivant qui va et vient
Vivant
Du rythme
Qui atteint le cœur
*
Dans la coquille vide
Tu as mis quelques pensées
Que tu glisses amoureusement
Sur ta feuille blanche
Comment avancer
Dans cette situation
Tu (...)
Pourquoi diable un jour où sa femme et lui traversaient la ville de T*** en voiture, Lucien avait-il brutalement arrêté son véhicule devant la petite maison blanche sur la haute fenêtre de laquelle un vieil écriteau, « A vendre », achevait de moisir ? Geste d’autant plus inexplicable que Lise et Lucien, locataires jusqu’ici d’une maison bourgeoise, venaient à peine d’achever l’aménagement de leur nouvelle résidence, une superbe propriété mosane ?
Au coup de sonnette de Lucien, une très vieille dame (...)
Le succès fulgurant en 1958 de Saturday Night Sunday Morning (Samedi Soir dimanche matin), suivi quelques mois plus tard par celui de The Solitude of the Long Distance Runner (La Solitude du coureur de fond), a inscrit aux yeux du public et de la critique l’inspiration d’Alan Sillitoe dans une veine ouvriériste qu’il récusait pourtant dès le départ ; même si, fils d’un père ouvrier endémiquement au chômage pendant les années trente, ayant lui-même travaillé deux ans dans une petite usine de cycles après (...)
L’AME DE LA GRANDE OURSE
L’âme de la grande ourse
est au rendez-vous
Elle rit et danse et c’est le songe
la vraie rencontre
l’horizon est là
habitable
avec sa maison dorée
On chante les points cardinaux
et les fruits précèdent le printemps
L’âme de la grande ourse
est bien au rendez-vous
*
Il faut endormir la chouette
lui donner la mémoire
satisfaire son ventre gris
sinon elle viendra dans le cœur de la nuit
nettoyer les os des songes
et il ne restera rien
Elle viendra nicher au plus (...)
Psaume 40
Au maître des chantres. De David. Cantique.
O comme j’ai espéré le Seigneur !
Et Il s’est penché vers moi, et Il a écouté ma plainte,
Il m’a fait remonter de la fosse rugissante,
Des fonds pleins de bourbe,
Il a dressé mes pieds sur un rocher,
Rendant sûr mon pas,
Et Il m’a inspiré un chant nouveau,
Un psaume pour notre Dieu.
Beaucoup regarderont avec crainte
Et ils croiront dans le Seigneur.
Heureux l’être humain
Qui dans le Seigneur a mis sa confiance
Et ne s’est pas tourné (...)
Five Word Sonnets, by Seymour Mayne
Traduction française : Sabine Huynh
Ricochet
Go
find
something
in
the
dark :
snow
reflected
off
itself,
a
ricochet
of
illumination.
Le ricochet
Pars
à
sa
recherche
dans
l’obscurité :
la
neige
se
renvoyant
sa
blancheur,
ricochet
d’illumination.
Dust
The
dust
of
afternoon
fragrance
settles
on
your
skin
and
limbs
grainy
with
touch.
La poussière
La
poussière
des
senteurs
poméridiennes
descend
sur (...)
Oradour , mon amour
Je suis d’un pays où l’horizon
est à petites gorgées.
Mais quand Oradour somnole
où serpente la Glane,
lente, dans la langueur de l’été.
Mais quand les tambours lourds, sourds. Tambours et cris,
tambours de mort sur le bourg engourdi.
Mais quand Oradour se tord
de griffes et d’effroi :
ça crie, ça flambe, ça s’écroule, ça déchire
de flammes, femmes en flammes
dans l’église, enfants carbonisés
au cou des femmes, larmes
sèches sur un ciel qui n’a plus d’ailes,
ou noir, noir (...)
On peut lire ci-dessous quelques poèmes récents. Suivent la présentation par Michèle Duclos d’Anne Mounic à l’occasion du prix A.R.D.U.A. qui lui a été remis à Bordeaux le 13 avril 2010, et l’allocution prononcée en réponse et remerciement, ainsi que la liste des autres poètes honorés cette année par l’Association régionale des Diplômés de l’Université d’Aquitaine.
Quelques poèmes récents…
comme le poème, finalement
L’expression « se tordre de douleur » n’est pas exagérée
et dit exactement ce qu’elle veut (...)
Nous publions ci-dessous deux extraits de roman ou de nouvelle, le premier inclus dans Jusqu’à l’excès ou le reptile dans le livre, le second dans une des nouvelles de (X) de nom et prénom inconnu, « Paysage d’hiver ».
Tristesse de la vie
Iole se souvient de l’histoire que contait souvent le vieux serviteur du palais de splendeur déchue. Toujours, derrière le personnage de la femme, il avait imaginé sa mère. Peut-être n’en était-il pas ainsi. Peut-être interprétait-il les intentions de Raju qui, (...)
De la nécessité d’intercesseurs internationaux pour l’éveil d’une poésie transnationale
Paul Van Melle
AUCUNE ILLUSION À SE FAIRE
Depuis que la planète a, très lentement, pris conscience d’être porteuse d’une seule espèce pensante et non d’un amas de peuplades et de tribus diverses, depuis que la poésie est née dans les cavernes de la préhistoire, les artistes et poètes ont rêvé d’unir leurs efforts et leurs productions en une merveilleuse harmonie. D’abord locale, régionale, nationale, continentale et (...)
David Gascoyne Death of an Explorer
MR. PARKER was a middle-aged, undistinguished-looking man, who worked for a firm of insecticide manufacturers. His job kept him at the office most of the time, but occasionally his employers would call upon him to go and demonstrate their products in towns in some quite distant part of the country, or even abroad, so that after a while he became quite used to making journeys and seeing strange places, although the previous positions he had occupied had (...)
Le Dragon et la fée aux deux visages
Conte pour les petits et les grands
Il était une fois un dragon. C’était un dragon normal, ni heureux ni malheureux, seulement normal. Il vivait dans une plaine, dans une tribu de dragons, auprès d’une petite rivière tranquille. Le matin il partait à la chasse. Le soir il revenait se désaltérer dans sa petite rivière tranquille. C’était comme ça, depuis des mois, peut-être des années, une vie normale de dragon, ni heureuse ni malheureuse, seulement normale.
Un (...)
Le Reflet
Depuis son départ de Paris, Cécile sentait l’angoisse monter. Rencognée près de la fenêtre du compartiment, elle laissait les yeux errer sur le paysage qui défilait derrière la vitre sans le voir tant elle était occupée par ses pensées. Les autres voyageurs lisaient et rien ne venait la troubler dans ses réflexions.
Elle allait rejoindre son fiancé à Genève. Il devait la présenter le soir même à sa famille, des industriels protestants. Bientôt, elle deviendrait un membre de la tribu, chargée (...)
à Jacquette
La paix
Sur le chemin, de nombreux oiseaux jusque là inaperçus. S’envolent des taillis ! Tachent la mer. Très blancs, très blancs. Comme Vénus, la première étoile. Puis au rythme d’un voyage rapide. N’existent déjà plus ! Ni ne crient. Où sont-ils les oiseaux ?
Sur le chemin, un petit nuage. Autre blanc. Vient, vient. A la rencontre du bleu dans son immortalité.
Nuage des collines, en ami s’abandonne. Epouse, au vent tranquille, qui le regarde. Est-il poète, est-il libre ?
Sur le chemin, à (...)
Marcher sur le fond d’une mare asséchée en Afrique
Au loin, dans le calme du couchant, la mare s’est retirée dans un creux que dominent quelques arbres bienveillants. Une pêche miraculeuse y aura bientôt lieu ; Sur le sol, une peau d’éléphant démesurément grossie, gris foncé, avec des pores et des rides bien marqués. Le sol est desséché, durci, et les irrégularités ne cédent pas sous le pied. Il faut s’adapter, sentir la peau de la terre qui s’est rétractée et appelle la pluie, indifférente aux pieds (...)
Des ruches dans un jardin de banlieue
I
Le train part du cœur de Paris – du haut des escaliers qui descendent jusqu’au quai, je vois la rosace et les tours de Notre-Dame. Les vieux wagons s’ébranlent, ils longent le jardin des plantes où dorment les bêtes prisonnières, s’arrêtent gare d’Austerlitz, puis à la grande bibliothèque, avant de s’élancer, d’une traite, le long des banlieues. Des vitres embuées ou salies, j’aperçois les immeubles, eux, nets, de verre et d’acier brossé, les banques ou l’usine (...)
Ma mère
Elle est assise
dans ses quarante kilos
devant la mer
vaste
comme les questions
qu’elle se pose
j’imagine
devant la mort.
Elle est assise
sous ses yeux
et sous le ciel
ses yeux regardent
et gardent ce qu’ils regardent
dans sa main
qu’elle dépliera de l’autre côté
comme un enfant montre ses billes
au soleil
et à ses copains.
Elle entraine ses yeux
à l’horizon
elle s’entraine
au point de non retour.
Assise
dans ses quarante kilos
dans ses quatre-vingt-deux ans
elle vérifie une (...)
GASCOYNE TRANSLATING/TRANSLATING GASCOYNE
David Gascoyne’s lifelong engagement with France and the burgeoning of what would become an extraordinary sympathy with its language, its culture, and particularly its poetry, began in the 1930s. At various times in his development as a writer, Gascoyne not only translated the work of 20th century French poets, notably Eluard and the Surrealists, and Pierre Jean Jouve, but chose to write original poems in French, occasionally to translate those (...)
La Forêt tropicale
Iguazù est un nom qui rappelle La Nuit de l’iguane, où un vieux poète rend l’âme après avoir déclamé son meilleur et dernier poème, un hymne à la Nature dont les vers s’envolent dans la paix des feuillages. L’œuvre transmue l’être dans le long hiver de la mort. L’avion vole vers le Nord, la chaleur. L’inversion des saisons qui met en pièces les repérages utiles à la survie, rend nostalgique d’un sommeil où la beauté s’unit à la pénombre, où le poète se dissout dans son art.
La mer est (...)
Pétales du silence
Extraits.
Les poèmes suivants sont extraits du recueil de Chrsitine Lièvre dont nous a parlé Frédéric Le Dain en octobre dernier : http://temporel.fr/Christine-Lievre-par-Frederic-Le, Pétales du silence.
« Toute vie est unique et chaque destin, singulier. Le gouffre noir de Paul Celan, qui le conduisit à se donner la mort en se jetant dans la Seine, qu’on me le permette ici en toute piété poétique – je ne l’évoque pas avec plaisir – me servira de guide pour dire, à demi-mots, le (...)
De la brume au plein jour
la lumière devient si juste que l’année pourrait continuer sans passer par l’hiver
chaque forme
voisine avec la joie de respirer
nul objet n’est si pauvre de sens
qu’on pourrait le désirer ailleurs
pourtant
rien n’est résolu dans les mille collines
et les chênes retardent leurs feuilles
pour cueillir au plus bas les sèves
l’ombre, prenant tout arbre pour pivot
parachève l’inventaire du (...)
Muriel
d’Alain Resnais
Sur ce photogramme, Hélène, l’antiquaire de Muriel, a les yeux levés vers le plafond de son appartement dont elle essuie les plâtres depuis des années. Est-ce sa perruque, empruntée à l’une de ses marottes, qui lui tire la tête en arrière, casse le cou, fait grimacer le modelé de son visage ? Ce serait plutôt une chance que cette association de la grâce et du postiche.
La peau de la Fée des Lilas avec les (...)
Chez Hopper, l’extrême rigidité/rigueur du cadre provoque une déformation latente des éléments qui composent le motif. Rigidité qui n’est telle que parce qu’elle exclue et de la plus arbitraire des façons toute idée de hors-champ. Il n’est, chez lui, de dehors que dans la bordure du cadre. Rigidité due également à son insistante répétition dans la peinture (tableaux dans le tableau, fenêtres, portes, tables, lits, livres, écrans, géométriques ombres portées, légère orthogonie parfois des formes humaines (...)
L’Apollonide
souvenirs de la maison close
de Bertrand Bonello
L’Apollonide – lieu qui étymologiquement guérit toutes les blessures (cela qui n’est pas une propriété du monde, grand pourvoyeur de toutes les blessures) et qui, toujours étymologiquement, par dérive sémantique, fait périr, met un point final (cela qui n’est pas une propriété de la matière mondaine, au sein du cadavre toujours travaillant à l’éternel (...)
Les traductions des poèmes de Leanne O’Sullivan, jeune femme poète irlandaise, en résidence au Centre cultural irlandais, à Paris, au printemps 2010, sont le fruit d’une expérience intéressante et très dynamique. Il s’agit là de rencontres, et ceci, nos lecteurs s’en doutent bien, satisfait Temporel au plus haut point. Rencontre, tout d’abord, entre étudiants de première année, rassemblés dans l’U.E. A2B51, Poésie et Oralité : Leanne est venue lire ses poèmes et parler de sa vocation poétique le jeudi 11 (...)
Pérégrination
passe-muraille d’une époque imbécile & perverse
grand naufrage à chair triste & grisâtre vieillesse
de son ventre las surgit une rose
une graine du peuplier d’argent
amenée par la brise traversière
la vie prise en otage dans le bec du goéland
apparaît cavalière d’une marée l’autre
sur son ventre las surgit une rose.
*
Une autre bataille
les parents somnolent
à pas de Wolf l’enfant s’approche du monstre
lui parle l’apprivoise tapote son échine
le bloc sert de décor à (...)
[…]
Voici l’homme aux bottes rouges. Il marche sans cesse pour étirer son univers. Je l’ai vu pour la première fois, en ses bottes rouges, l’automne dernier, à l’entrée du village. Comme je l’ai revu depuis plusieurs fois et que sa présence, je ne sais pourquoi, cela reste mystérieux en dépit des mots, se fait remarquer, je me suis demandé où il habitait. Je crus, au tout début, qu’il vivait dans le coin, quelque part dans le village sans doute, et qu’il travaillait un peu plus loin. Il allait donc à pied (...)
Le poème, ou la mesure du silence,
goût de vivre à la clef
[Cette lecture de poèmes commentée a été donnée le 11 mars 2009 à Montpellier dans le cadre du printemps des Poètes, sur l’aimable invitation de Solange Albet.]
Prier
C’est écouter
Aux portes du silence.
Claude Vigée, « Le clef de l’origine »
Puisque le thème de ce soir est le silence, j’ai réfléchi sur cette question de façon à orienter ma lecture poétique si possible en l’approfondissant. Je commencerai par cette célèbre citation de Pascal, la (...)
Poèmes
l’irréparable effroi
« Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés. »
L’idéalisme acquiesce à la mort,
terreur et labeur de la vie en sa négation, dit-on,
de la sorte transcendés.
Un leurre.
Comment croirai-je à la lumière
au beau milieu du parfum des morts ?
Les coquelicots « qui prennent racine dans les veines de l’homme »
transposent l’irréparable effroi.
Cette chair en laquelle le sang a cessé sa course
se tuméfie, ballonne, bourdonne.
La vie est à elle-même adhérence infinie,
une, (...)
Gouttes de réel tracées à la main
(Prose en poèmes)
Traces humaines
Il y a dans le ciel quelques gouttelettes de réel. La musique chante à tue-tête. La mémoire défile calmement et l’on peut se demander si le ruban des souvenirs pourra aller au bout de lui-même. La voix est grave, et elle conduit vers l’intérieur, rassemblant des fantômes et des images. Elle écrit ce qui ne se voit plus, ce qui ne se sent plus, ce qui n’a plus cours. Elle éveille, elle réveille. Elle dénonce la mort à l’œuvre. (...)
Les liens privilégiés que David Gascoyne entretint avec la France sa vie durant et le bourgeonnement de ce qui allait devenir extraordinaire affinité avec le langage, la culture et, particulièrement, la poésie française, se firent jour dans les années 30. A diverses époques de son évolution d’écrivain, Gascoyne ne se contenta pas de traduire l’œuvre de poètes français du vingtième siècle, Eluard notamment et les Surréalistes, ainsi que Pierre Jean Jouve, mais choisit d’écrire directement en français (...)
France Burghelle Rey | Celia Merlin | Gilles de Obaldia | Shizue Ogawa
France Burghelle Rey
A l’arrière-plan du tableau
- mon passé s’y délite -
tu es l’imposteur
celui dont l’écorce cache l’aubier
Mes lèvres suturées
cherchent leurs mots
elles ont soif d’une sève
Je veux retrouver
ton épaule pour gémir
et dois comme le corbeau
sans demander avis
accaparer le jour
***
My Crows
Celia Merlin
My crows take baths in their bowl
on our terrace-
dunking and splashing,
puffing in and out (...)
Ton pire ennemi
Cette histoire, je croyais la tenir, mais chaque fois que je tentais de l’écrire elle se dérobait — elle butait sur moi et moi sur elle, je me faisais des croche-pieds, si vous voulez, et à la fin, au lieu d’écrire je suis tombé hors du monde. Une chute que je peux évoquer (mais pas expliquer) à l’aide d’une vieille photo de famille qui a refait surface il y a peu de temps et sur laquelle je vois une de mes cousines que j’ai admirée quand j’étais gamin. Toute la famille parlait (...)
Et nous voici,
encore une fois,
jetés dans les vendanges et bousculés d’azur,
célébrant la beauté du monde
Nous voici menacés,
dissous, désarmés,
ivres de soleils imparfaits
Iles folles de la nuit,
Iles éclatées
Nous scintillons dans nos défaites
de toute l’insolence de vivre
Quelles sources en marche
Quel acharnement ?
Mains nues,
abandonnées aux drames, aux blessures,
aux caresses,
j’aime la vie jusqu’au désespoir
Terre insensée,
nous t’invoquons, royale
Et nous voici dans ta (...)
Tim Robinson est né en Angleterre en 1935. Il a étudié les mathématiques à Cambridge et a travaillé comme enseignant et artiste à Istanbul, Vienne et Londres. Après une carrière de plasticien d’avant-garde sous le nom maternel de Timothy Drever, en 1972 il quitte Londres pour s’installer dans l’Ouest de l’Irlande, d’abord dans les Iles d’Aran où il a commencé à écrire et à cartographier. Aujourd’hui il vit à Roundstone dans le Connemara, où il dirige avec sa femme Mairéad un atelier, Folding Landscapes, qui (...)
The child at the Exhibition
A moment before the bomb explodes. How
did he know, the artist ? The crowds press to be
closer. The famous picture of our century.
‘Give me a child until seven,’ you know
how it goes. After seven, the Man.
We strain in the crush to see the moment,
the microslip of the moment, the test for
the artist in the famous canvas. ‘We are
only seven,’ we say, yet the picture
ticks perfection, cannot be refined.(We
don’t mind it saying ‘century,’ we’ve years to (...)
Vous pouvez ici entendre ou réentendre l’émission diffusée sur Fréquence protestante le samedi 7 mars dernier à 15 heures. Charles Ficat avait invité Anne Mounic à parler de Temporel et de ses dernières parutions. Ces trois quarts d’heure ont filé agréablement, mais si vite...
Il y est annoncé que le thème du numéro de mai 2010, sous la direction de Robert Misrahi, sera "la liberté". Malheureusement, Robert Misrahi, pour des raisons familiales graves, est empêché. Nous avons donc songé à un autre thème. (...)
Les Yeux sans visage
de Georges Franju
Les yeux étaient là avant le crâne. L’os est un morceau refroidi d’iris. Orbites, mandibule, pommettes, nasal, temporaux, front, occiput, voûte ont pris tour à tour consistance sur l’horizon du regard. Le crâne s’est formé à la limite du champ des yeux. Ce qui lui donnerait un air de maison japonaise traditionnelle, qui se construit par ajout, à partir d’une seule pièce – si la pièce ici n’était une image.
Et (...)
Une femme seule
Georges la déposa à la porte d’Italie, près d’une station de taxis. Elle attendit que la voiture ait disparu pour partir à pied. Elle ne voulait pas avouer qu’après les dépenses de la journée, le billet de train, une plante pour Marthe, des friandises pour les enfants et pour Georges du tabac, il ne lui restait plus assez d’argent pour payer un taxi. Malgré l’heure tardive, elle ne craignait personne. Elle avait toujours eu de bons muscles et, quand à la ferme la vache lui avait (...)
David Gascoyne traduit en français ses propres poèmes.
THE CAGE
In the waking night The forests have stopped growing The shells are listening The shadows in the pools turn grey The pearls dissolve in the shadow And I return to you
Your face is marked upon the clockface My hands are beneath your hair And if the time you mark sets free the birds And if they fly away towards the forest The hour will no longer be ours
Ours is the ornate birdcage The brimming cup of water The (...)
L’île aux trésors
J’ai ouvert la porte
il a ouvert son besoin de parler
de me parler
d’elle
de l’île
où l’on se dit bonjour
dix fois par jour
où l’escargot a priorité
sur le passant
où le bruit des galets
est un chant
qui empêche de dormir
ceux qui ne rêvent pas d’elle
elle est si petite
et son rêve est si grand.
Il s’y enroule
s’y enferme
comme dans une bouteille promise
par la mer
par les mille et une vague
qui l’ont portée
par les mille et un pas
qui l’ont désirée.
Je me l’étais gardée
mais (...)
TRUE TALES OF THE AMERICAN WEST. No. 5 : BILLY THE KID TRIES TO GO STRAIGHT
The owl liked the fact that he had unusually long legs (for an owl), which afforded him dominion over land as well as sky. He liked to walk upon the desert sand, and observe the rodents he preyed upon scuttle down their holes. But he also enjoyed standing still, especially if he was standing stock-still on the black-top beneath a baking sun after a midsummer storm, and feeling the rising steam cleansing his stilts (...)
Once into nothing *
Once into nothing
did the gods fall
then into darkness
fell the Yes and the No –
now as autumn reddens
across the lake
and the sun empties
its ferocious heat
blackbirds are silent
sparrows not to be seen –
hovering amid berries
a white-winged butterfly
is deceived.
Through ministering trees
breath of humankind
mingles with root-cries
with decomposing petals
of valedictory blood-flowers :
like a radiant knife
the word Why penetrates the air. (...)
Ses mains
D’abord ses mains
surtout ses mains
comme celles de mon père
hier
et dont je sens encore le corps
quand elles pendaient
à vide et à ses bras
comme si elles attendaient
toujours
l’heure des outils
l’instant des baisers
quand elles serraient les manches
de pioche, de pelle
puis de râteau
pour que les chemins soient des routes
pour que le siècle change de siècle
quand elles ne pourraient plus se replier
sur elles mêmes et sur nous
quand leur douceur
ne serait plus que le (...)
The Origin of Species
‘A whole cold breakfastless hour on the properties of rhubarb’.
Thus Charles Darwin recalled Andrew Duncan’s
Winter lectures on materia medica.
One vivid apprehension in the morning frost :
The swish of his mother’s black velvet gown.
Her mortal remains lay in St Chad’s Church, Montford.
Collector of birds’ eggs, minerals, seals, coins
Shooter of gamebirds by the skyfull.
The word about the place these days was this : rocks
Must be sedimentary precipitates, so time (...)
Où vont les hirondelles la nuit ? Colomiers : Encres Vives, 2007.
« Gagnez les profondeurs : l’ironie n’y descend pas. »
R.M. Rilke, Lettres à un jeune poète, 2
Ce recueil est dédié à la mémoire d’Evelyne Vigée qui, je me souviens, lors d’une de nos conversations, un après-midi, rue des Marronniers, alors que nous évoquions leur vol hâtif et leurs petits cris vifs, a posé cette question, à la fois émerveillée et inquiète (ce qui participe du même sentiment, intime, de l’existence) : « Mais… où vont (...)
Childhood Scenes : After Schumann
Traduction d’Anne Mounic.
Drawings by Jane Joseph
Note.
My friend the artist and printmaker Jane Joseph and I were discussing – as writers and visual artists sometimes do — the possibility of a joint project. When we discovered a shared delight in Schumann’s piano suite Kinderszenen, Scenes from Childhood, we agreed that this beautiful and evocative music could be the trigger for our project. Armed with the score, we went to a performance at (...)
David Gascoyne traduit en français ses propres poèmes.
UNSPOKEN
Words spoken leave no time for regret
Yet regret
The unviolated silence and
White sanctuses of sleep
Under the heaped veils
The inexorably prolonged vigils
Speech flowing away like water
With its undertow of violence and darkness
Carrying with it forever
All those formless vessels
Abandoned palaces
Tottering under the strain of being
Full-blossoming hysterias
Lavishly scattering their stained veined petals
In (...)
Sonnets russes
Saint-Pétersbourg
Capitale du nord, ville froide et humide
Enveloppée de brume couvrant la Néva
D’où émerge, sculpté, cavalier intrépide,
Le nom de l’Empereur terrassant un boa.
Traversée hivernale du jardin d’été,
Jadis cadeau du tzar à son impératrice
« Letny sad » aux statues de dieux grecs enfermés
Dans leurs maisons de bois, cabanes protectrices.
Douce approche des berges de la Fontanka
Sous le charme enchanteur de quelque dievouchka,
Aux abords du palais du duc Chérémétiev, (...)
France Burghelle Rey | Maéva Dahan | Jacquette Reboul | Noga Trévès | Laurence Werner David
Pour des siècles de mots
ma bouche
est ronde de l’aleph
pour des siècles de mots
un seconde de silence
est aveu
Tout coule
sous le berceau
des feuilles de l’arbre mort indifférent
à ma vieillesse qui vient qui se souvient
des promesses pierres serties
d’un bonheur or indigo
Un nouveau Mozart
et c’est l’oubli des ruines !
Plus une seule heure pour dire
silence obligé
par la (...)
Nous avons marché sur des chemins silencieux et déserts. Nous y avons connu la pluie.
Nous avons cueilli des prunelles vertes au bord de la Sorgue. Elles étaient juteuses.
Les figues sont restées à sécher sur le muret qui longe la rivière. Nous les avons goûtées.
Le soleil a séché le linge aux fenêtres. Des conversations intimes ont traversé la ruelle.
Le hasard nous aura placés là. Nous avons entendu. Nous ne dirons rien. C’est juré !
L’amour est un saisissement. Il nous prendra un jour. Nous (...)
Temporel : Comment es-tu devenue peintre ? A quelle époque cette vocation t’est-elle venue ?
A vrai dire, je ne me suis jamais posé la question d’une vocation. J’ai toujours beaucoup dessiné. Les choses semblent s’être faites « naturellement ». Disons que je me servais du dessin pour communiquer petites idées et sentiments, d’abord avec les proches, puis vis à vis du monde. Plus tard, j’ai envisagé la peinture un peu comme une entreprise philosophique, c’est à dire faite de questions, de possibilités, (...)
Est il trop tard pour commencer ?
Par un coup de tête
on monte plus haut
on descend
au corps absolu
aux particules
Plongeoir aux cieux
où poussent airs
pour s’y noyer
ou coulent veines
comme des racines
une fleur neuve, un lys
Est il trop tard pour commencer ?
*
Magnitude
Ton esprit coule comme de la pluie dans un réservoir
Des nuages forment et déforment le paysage
Des voix parlent dans des langues différentes
Les alphabets se croisent superficiellement
Ce que tu ménages (...)
Le poème suivant sans titre original trouvé dans les documents de David Gascoyne confiés à la British Library (Add. MS 56043) a été publié pour la première fois en 2001 par Stephen Stuart-Smith et Enitharmon Press, Londres, en hommage au Poète à l’occasion de son quatre-vingt-cinquième anniversaire. La découverte de ce texte et la présentation de ce très beau fascicule tiré à 50 exemplaires numérotés et 35 copies hors commerce sont dus au Professeur Roger Scott qui situe la composition de ce poème autour de (...)
"Trêve" par Nelly Sanchez, 2014. 18.5X18. Papier glacé
Essayiste, poète et critique, il est décédé en 2002 à l’âge de 49 ans. Il était un enseignant et syndicaliste engagé, nationaliste ardent mais pacifiste, musicien, compositeur et adepte enthousiaste du Monde Blanc de Kenneth White. Il a animé de toute son énergie le Centre Géopoétique d’Ecosse qu’il avait créé en 1995 et assumé particulièrement l’exposition qui s’est tenue à Edimbourg en Novembre1996 avant de circuler à travers l’Ecosse jusqu’aux Orcades puis dans diverses bibliothèques de France avant de (...)
Poèmes traduits de l’anglais par Michèle Duclos.
Nuit
Je marchais la nuit tenant un bouquet de roses.
Nous marchions tous les deux sur le sentier sombre.
Tu étais devant moi et tu te retournas.
Tes yeux pleuraient en regardant les roses.
« Ah, ton cœur que je ne peux comprendre »,
semblaient dire tes larmes.
C’était moi qui tenais les roses.
Tes yeux pleuraient dans mon sein.
« Je te donne
ces roses rouges,
mes roses préférées » as-tu dit.
Ah ! mon cœur que je ne puis comprendre !
C’est (...)
American Road Story
Il est presque midi. Le ciel est bleu. Pas un nuage. Dans trois heures, Lise sera à New York. Elle passera une soirée tranquille chez les amis qui l’hébergent. Demain elle aura toute la matinée pour… Pour rien. Pour boire son café sans hâte. Pour attendre, ensuite. On ne va pas chez le coiffeur, on ne songe pas à se maquiller quand il s’agit de rencontrer le vrai amour.
Au moment où elle va s’engager sur l’autoroute, elle s’aperçoit que les freins réagissent mollement. (...)
Traduction d’Anne Mounic
Trivium
Silenus to Midas : ‘Don’t get born. Or if you do, die the minute you can thereafter.’
Trivium
Three lines were drawn on the day of his birth.
Like the lines that crease your palm.
Laius was one, Jocasta the other, he was the third.
Then the blind man led by the boy came along and declared that these three lines already formed a knot so tight that one of them must be strangled by it.
So they sent the boy to the hills to (...)
Introduction
Biographie de Gabrielle Bernheim-Rosenthal (1881-1941).
Fille d’Isaac Bernheim (1846-1914) et d’Anna Marx (1854-1888), Gabrielle Bernheim est issue d’une famille juive de Lorraine à laquelle appartiennent en particulier le psychiatre Hippolyte Bernheim, cousin germain du père de Gabrielle, et son oncle maternel, le critique d’art Roger Marx,. Orpheline à l’âge de sept ans, elle est d’abord élevée, ainsi que son frère Marcel, par des gouvernantes (sept au total), puis éduquée dans un (...)
FOR DAVID GASCOYNE
ON HIS SIXTY-FIFIFTH BIRTHDAY
10 OCTOBER 1981
ENITHARMON PRESS 1981
For my dear friend David whose presence in the world has for me been a blessing for so many years
Ye are the light of the world. A city that is set on a hill cannot be hid.
Not on any map, the cities of Sarras, Monsalvat
Where knights of the Temple meet
Who keep the roads to the holy places ; yet
We know the twelve secret ones who serve
Their invisible Master are always on earth, (...)
Dans la maison
de cendres, – ce qu’il faut
pour être
– femme –
un feu dans l’effort
ranimé.
*
Soudain quelque chose –
comme une armure
se brise –
Un cri – La mère –
Rien –
Une poupée cassée.
*
Un corps d’enfant –
tu dis – tout brûlé
avec des cris au-dedans
fracassé sur le blanc
du papier –
eau jaillie de son côté.
*
Peur, mais pas
de quoi – la mort – Tu m’entends ?
Oublier – Maison,
c’est dire : risquer dans la nuit
Le mot de la perte. (...)
France Burghelle Rey | Jean-Marc Gougeon
France Burghelle Rey
Victoire
L’aurore nous a surpris ciel rose sur la bastille nous chantons pour la paix le sang ne coulera plus nous nous battrons demain puis jours sans sommeil nos corps endoloris
Mais mon âme est en paix je dors à ses côtés mes bras sont repliés sur ma bonne conscience et sans serrer les dents j’attends le crépuscule
Le soleil chauffe la terrasse c’est mon champ de colza et ma lavande au pied des marches Van Gogh a peint ce (...)
Poussière amoureuse. Colomiers : Encres Vives, 2007.
Le titre de ce livre fut inspiré par la traduction que donna Claude Le Bigot d’un vers de Francisco de Quevedo.
polvo serán, mas polvo enamorado.
Francisco de Quevedo
poussière elles seront, mais poussière amoureuse.
[Extraits, pp. 3, 4, 5, 6, 8, 11]
Nulle existence sans inquiétude ou
faut-il penser que celle-ci soit le sel
de cette vie qui nous tarabuste, nous enchante et nous déçoit
d’un même rythme indifférent ?
Le regard d’autrui (...)
« Génie, Poète, savons-nous ce que ces mots signifient ? Une âme inspirée, à qui il est une fois de plus accordé, directement du grand Coeur Ardent de la Nature, de voir la Vérité, de la dire, et de l’accomplir. »
(Carlyle, Past and Present , Livre II, ch.9)
La publication, en 1965, des Collected Poems de David Gascoyne offre à l’attention d’une génération peu familière avec son nom (sa dernière oeuvre publiée, Night Thoughts, datant de 1955) l’oeuvre d’un poète éminent.
David Gascoyne est né en 1916. (...)
En 1979 Alan Sillitoe publie aux éditions W.H.Allen une suite de 36 poèmes intitulée Snow on the North Side of Lucifer, suivie de quelques notes explicatives ou référentielles qui renvoient à la Bible, mais aussi à d’autres livres saints et à des manuels historiques ou scientifiques qui n’ont pas plus de relation directe avec l’Histoire Sainte que la majorité des poèmes. Dans ses Collected Poems qui ont connu huit éditions entre 1960 et 1993, il reprend 24 de ces poèmes avec des modifications (...)
The Nicotine Cat
Somebody forgot the mothballs.
But now winter is over he fills
the lap of monsieur on the veranda
under the rotten fruited naphtha tree,
whose umbrella leaves keep out the rain,
absorbing the pipe-smoke
until his blotched white coat
turns saffron.
By night I don’t know
what corn-of-cob he gets up to.
But the feral screams on the hill
are surely his doing.
By day in a sunny spot out of the wind
he is free to do nothing
with every appearance
of gravitas and (...)
I – Diariste débutante.
Le lecteur qui ouvre les deux premiers cahiers du Journal de Gabrielle peut s’attendre à y trouver ce qu’on lit dans tous les journaux de jeunes filles de son âge, de sa condition, de son temps : une chronique des événements qui scandent la vie d’un pensionnat – petites intrigues qui se nouent entre élèves, d’élèves à professeurs, éventuellement entre professeurs ; compte-rendu des auteurs étudiés en classe ou de lectures faites en marge des cours ; échos du monde extérieur, (...)
Variations,
ou Il est très tard
Il est très tard. Trop tard ? Pour ouvrir cette porte dans la lumière, mandorle d’or où les paupières se ferment à demi sur les yeux éblouis. Passage immobile, adoration muette sans objet.
Parfois le corps crispé dans l’impureté du doute, parfois la détresse de la gorge étranglée, la terreur de l’enfant qui s’enfonce et se noie, la solitude disloquée, la fascination soudaine de la mort. Étrangère, étrangère, étreignant à jamais l’absence, l’origine, et si faible, et si (...)
Pour Claude Vigée
J’ai rêvé de vous cette nuit Vous longiez la Seine
Et un peu de la neige de vos cheveux remontait en flocons
Vers le ciel car vous marchiez vite comme affranchi
De la peine qui vous lestait depuis la mort d’Evy
En fait vous sautilliez presque mû par une allégresse
Aussi soudaine que l’angoisse lorsqu’elle fond
Sur nous pour nous emporter dans ses serres d’aigle
Mozart me suis-je dit Mozart est toujours en vous
De la même façon qu’il piaffait dans votre sang
Avant même les (...)
II - Les amours.
II.1. - Marie.
Marie est un ancienne condisciple de Gabrielle à la pension de Neuilly, une jeune roumaine repartie pour Bucarest à la fin de l’an dernier. Elle a dû jouir d’un grand prestige dans l’établissement, à en juger par le souvenir qu’elle a laissé auprès des élèves et même des professeurs. Son nom apparaît dès les premières lignes du journal, au cœur d’une obscure querelle qui oppose Gabrielle à ses autres amies Jeanne et Marguerite. Si les détails précis de la dispute nous (...)
Trois sonnets de Hans-Georg Renner, « Pommier », « Souffle » et « Pianiste »
Apfelbaum
Wenn ich Alter mich im Spiegel so anseh’, dann graust es mich vor mir, denn dieses Abbild steht im Gegensatz zu allem, was ich je gefühlt. Ich mein’ noch immer, ich sei ganz wild,
wie damals, als ein Knabe, der auf jeden Baum geklettert ist und dem kein Weg zu weit. Mit der Erfahrung lernte ich das Reden, auch das Schreiben und Handeln kam mit der Zeit,
doch jenes Spiegelbild ist nunmal’ der Preis ; wenn (...)
Joie de l’Aube – après l’interminable nuit A Jean-Yves
Ici l’attrait et l’effroi vont de pair.
Comme en raison de leur égale puissance
Aucun des deux n’a le pas sur l’autre,
A moins de voir clair jusqu’au dénouement,
Saura-t-on lequel l’emporte pour finir ?
Louis-René des Forêts, Poèmes de Samuel Wood.
Passant en perspective
Renaissante – au-delà du temps
Pressée de départs – tu voyages
Sur un fil – au rythme des lames
Esquivant leur acier –
Qu’il faille – affiner
Des fleurs torrentielles
Comme (...)
LA MAIN
à Claude Vigée
La Main qui libère de toutes nos Egyptes est aussi Celle qui frappe la descendance du tyran l’enfant innocent. La Main qui ouvre la mer et répand la manne est aussi Celle qui émiette le pain du désert. La Main qui mène à Canaan est aussi Celle qui rejette le prophète ardent.
AUBREY BEARDSLEY
This edition published 1966 by John Raker Publishers Ltd 5 Royal Opera Arcade Pall Mall London SW 1 All rights reserved
reprinted 1967
REPRODUCER AND PRINTED OFFSET LITHO IN GREAT BRITAIN BY THE HOLLEN STREET AND SLOUGH LONDON AND SLOUGH
It was in the summer of 1895 that I first met Aubrey Beardsley. A publisher had asked me to form and edit a new kind of magazine, which was to appeal to the public equally in its letterpress and its illustrations : need I say that I am (...)
Auto-acquittement
Ainsi donc, depuis quelque temps déjà vous aviez deviné ce qui m’est arrivé ? Bien sûr, je n’ai jamais tenté de le dissimuler, et je me doutais qu’un jour ou l’autre quelqu’un autour de moi finirait par le découvrir. Avoir été reconnu officiellement aliéné n’est pas précisément le genre de chose qu’on a envie de crier sur les toits ; mais d’un autre côté, cela ne m’affecte absolument pas.
Suis-je guéri ? Il me semble bien que oui. Honnêtement, je ne crois pas que je connaîtrai à nouveau ce (...)
The Long Habit of Living Sequence of poems 2003-2004
La vieille habitude de vivre Suite de poèmes 2003-2004
Augustus Young Traduction de Caroline Andriot-Saillant
**** ‘The long habit of living indisposes us for dying.’ Sir Thomas Browne, Hydriotaphia, 1658
‘I am in mourning for the integrity of the eyelids coming down before the brain knows of grit in the wind.’ Samuel Beckett, Letter to Tom McGreevey, 1932
A Maker of Light Verse Having a Sunny Time
‘Flairant dans tous les (...)
1. Notre jardin d’adolescence.
Elle est arrivée dans notre classe un jour d’octobre 1967. Je m’en souviens aujourd’hui, en songeant à autrefois. Il faut savoir aussi modeler au fil du temps ce jadis de l’oubli pour donner chair à l’instant. Le récit serait une architecture de la durée si convenait le mot d’architecture ; il s’agit plutôt de frisson du devenir courant entre les lignes et suscitant de nouvelles interrogations. Par exemple, à l’époque, j’avais trouvé toute naturelle l’arrivée de cette (...)
Le dessinateur Aubrey Beardsley (1872-1898) et le poète et essayiste Arthur Symons (1885-1965) sont, en Grande-Bretagne, avec Oscar Wilde et le poète Ernest Dowson, les figures emblématiques majeures de la dernière décennie du dix-neuvième siècle, les « Nineties », couramment qualifiée de« fin-de-siècle ». La critique de l’époque et les décennies suivantes leur ont accolé l’épithète de « décadents », particulièrement à Beardsley, dont les illustrations pour la Salomé de Wilde (pièce écrite en français, (...)
DIMANCHE DES RAMEAUX EN ALSACE On fait avec des branches un bouquet une gerbe où se mêlent le buis le laurier le sapin
ces rameaux on les lie de papiers de couleur de rubans de ficelles qui s’agitent au vent
à l’enfant qu’on habille de sa plus belle robe d’un vêtement léger de sandales pervenches on met entre les mains le buissonnant Printemps
l’enfant porte l’éclat de cette joie nouvelle. Vers ciel il élève le faisceau éclatant
son esprit qui exulte en l’air rejoint l’oiseau
il bâtit (...)
UN VOYAGE EN INDE
De Delhi à Dharamsala, rencontre avec le Dalaï-lama
Ne renoncez jamais
Peu importe ce qui arrive
Ne renoncez jamais
Développez le cœur
Trop d’énergie dans votre pays
est dépensée à développer l’intelligence
au lieu du cœur
Développez le cœur
Pratiquez la compassion
pas seulement envers vos amis
mais pour tous
Pratiquez la compassion
Travaillez pour la paix
dans votre cœur et dans le monde
Travaillez pour la paix
et je dis à nouveau
Ne renoncez jamais
Quoi (...)
Bill Direen est rédacteur de la revue néo-zélandaise et parisienne Percutio. Il vit en partie à Paris. Il est poète et musicien. Ceci est le début de la première nouvelle figurant dans Enclosures, récit qui nous plonge en un monde semblable à celui des Mille et Une nuits.
There are times when all existences
Seem narrowed to one single ecstasy
Wilde
According to the catalogue it is "a hand-held bronze mirror in the shape of a woman". On the reverse side is the face of a sorceress, controller of (...)
Contrastes
En ce moment même de par le monde dans des chambres obscures ou éclairées des femmes et des hommes sont assis à leur pupitre. Ils sont sûrs ou pas que c’est ce qu’ils ont à faire dans ce monde. Elle ne me paraît pas convaincue. Elle acquiesce pourtant quand je lui dis que ce qui compte ce sont leurs préoccupations, voire la foi en ce qu’ils font assis à leur pupitre.
Hamsin. La baie est invisible. Même la nuit. Une brume enveloppe la baie. Disons plutôt voilée par un vent venu du désert. (...)
P R I S O N
Pièce en un acte avec un seul personnage
Traduction : Michèle Duclos, Université de Bordeaux
Une cellule de prison. Au centre un carré de lumière vive, formé par la lumière qui traverse la fenêtre munie de barreaux. Dans la partie sombre au fond de la scène, une porte avec une ouverture oblongue à glissière qui peut s’ouvrir pour l’inspection et pour tendre la nourriture à la prisonnière. Sur la gauche, un banc étroit sans dossier, à peine assez long pour permettre à une personne de (...)
Ma route coupait droit à travers le monde
(Extrait de journal)
« Cette nuit, la mort m’est apparue comme une forme géométrique sur fond noir — des cercles et des losanges qui semblaient dessinés à la craie blanche et qui m’attiraient. Quand je me suis approché, la forme s’est précisée : un corps de femme surmonté d’une ébauche de visage aux yeux larges mais vides, apparemment aveugles. Elle a commencé à m’envelopper et nous avons lutté. Mes doigts s’enfonçaient dans la pâte de son corps ; j’avais beau (...)
Un souffle sur les eaux
Le fleuve parfois dépose sur l’île la plume d’un vautour, un rameau de myrtille, des paillettes de mica, autant de signes du haut-pays dont la pâleur des cimes évoque l’élévation de l’âme : excessive, elle mine le corps, en cela semblable au deuil qui se prolonge.
Dans la clarté de la veilleuse trop d’objets rappellent le défunt, ravivent le chagrin : une médaille ciselée dans la valve d’un coquillage, un scapulaire de crins, la vertèbre d’un dauphin polie par les sables.
Les (...)
Hiroshige
Neige de nuit – C’est le propre de cette estampe nocturne sous la neige : sa moindre réalité vient de sa perspective trop parfaite. Les sept plans qui composent la profondeur de la scène vivante, paraissent l’agencement théâtral de décors figurés – que ne relierait aucun praticable. On perçoit le jeu ou la béance entre les panneaux de maisons, d’arbres et de monts à travers l’haleine noire qui s’en exhale et les teinte par leurs fondations, leurs racines, leurs bases. La nuit ne tombe, elle (...)
La main des autres
La main à la fraise sauvage
Mon grand père maternel avait « fait » la Grande Guerre, mais dans la langue hongroise qui était la sienne, on disait qu’il a traversé la Guerre comme s’il s’agissait d’un pays. L’espace contenait donc un autre territoire avec ses propres lois, sa géographie, paysage obscur, rempli de destruction avec des lambeaux, morceaux, tranches et tranchées qui débouchaient au-delà de la naissance de toute chose où les filles comme moi s’aventuraient en grand deuil (...)
Jusqu’à l’excès, ou Le reptile dans le livre. Paris : L’Harmattan, 2007.
Présentation : « Dans l’existence, tous les moments doivent être posés à la fois », écrit Kierkegaard dans son Post-scriptum aux miettes philosophiques. L’accès au réel de l’être en sa subjectivité kaléidoscopique se fera donc dans l’éclatement du temps linéaire qui est indifférent à nos désirs tout en donnant sa structure à notre existence et à ce roman, fresque critique de notre époque sous tous ses aspects. « Ecrire, c’est faire (...)
"Ecrire", disent-ils
Annie Schwartz a été professeur de lettres, puis animatrice d’ateliers d’écriture et écrivain public dans les centres sociaux municipaux. Son mari, Marc Schwartz a fait publier en 2008 ses derniers écrits. Comme il l’explique dans une lettre du 29 septembre 2008 à Claude Vigée, « ce sont des témoignages de ce qu’elle a connu ». Le recueil a pour titre « Ecrire », disent-ils.
On peut contacter Marc Schwartz : marco.schwartz@wanadoo.fr
Roman
Il a vécu et vit encore une belle (...)
Gilles Bizien | Martine Blanché | David Eric Bres| Henri Chevignard | Thierry-Pierre Clément | Denis Heudré | Jacqueline Persini Panorias
Gilles Bizien
1.
tu étires les ligaments du vent
pourtant
le choix du ciel n’est plus valide
comme une légende un sentier
tu cherches à conjurer
un peu de ce qui tombe des tournesols
épine noire semblable
comme le croissant au coin de l’oeil
maintenant
le ciel aux pupilles bleues
regarde
vers où s’aquarelle les écorchures.
2.
neige, la souplesse (...)
L’invité
Rabindranath Tagore
Traduction Nicolas Go
-- Chapitre premier —
Matilâlbâbu, le Zamindar de Kânthâliyâ, s’en retournait en naviguant vers son village et sa famille. En chemin, à mi-journée, il arrima son bateau à la berge de la rivière, près d’un marché ouvert, et se prépara au repas. C’est alors qu’un jeune brahmane lui demanda en s’approchant :
- Bâbu, où allez-vous ?
Il ne devait pas avoir plus de 15 ou 16 ans.
Matibâbu lui répondit :
- A Kanthâliyâ .
Le jeune brahmane reprit :
- (...)
A SELECTION OF DAVID GASCOYNE’S TRANSLATIONS OF POEMS BY PIERRE JEAN JOUVE
FromDespair Has Wings, edited with an introductory essay by Roger Scott (London : Enitharmon Press, 2007)
David Gascoyne’s engagement with the work of his friend Pierre Jean Jouve lasted a lifetime. In Paris in 1937, at a time when he was searching for a new poetic language, Gascoyne found a copy of Jouve’s Poèmes de la folie de Hölderlin and went on to read all his published novels and poetry collections. In 1938 he (...)
David Gascoyne : A Short Survey of Surrealism : Introduction (1935)
Traduction de Michèle Duclos.
Confiné depuis sa plus tendre enfance dans un monde dont presque tout ce qu’il entend ou lit lui affirme qu’il est le seul monde, le seul réel, et qui, comme presque personne au contraire ne le lui fait remarquer, est une prison, l’homme - l’homme moyen sensuel (1) - pieds et mains liés non seulement par ces chaînes économiques dont l’existence se révèle à lui de plus en plus clairement, mais aussi (...)
Six fois Hokusai, et cinq gravures
Le bac sur la Sumida à Onmayagashi, avec au loin le pont de Ryogotu – A la fois, un effet de perspective réaliste et un écrasement partiel de la profondeur de champ. Entre ces deux mouvements contraire : un blanc, le passage d’un banc de brume pâle, un trait d’eau volatile, une chose qui n’a pas plus d’épaisseur que deux pieds sur un seuil. Au premier plan, à quoi qu’ils paraissent occupés, de dos ou de trois-quarts dos, les personnages, alignés comme sur des (...)
Version Française Roger Scott Introduction to Premier Manifeste Anglais du Surréalisme
In 1929, at eighteen, the American Edouard Roditi published ‘The New Reality’, the first Surrealist manifesto in English, in The Oxford Outlook. Six years later, David Gascoyne at nineteen produced his unilateral ‘Premier Manifeste Anglais du Surréalisme’ which appeared with no discernible response in England, in June 1935 in the Paris review Cahiers d’Art, X, together with a translation of his (...)
La montagne s’est endormie.
Dans la nuit, de grands nuages
suivent les femmes
qui donnent aux hommes
la vie
et dont les dieux vénèrent le courage.
Leurs mains portent la tendresse de la terre,
le rêve du vent.
Dans leur cœur
la musique qui soigne les blessures, (...)
An Unpublished Essay by David Gascoyne
Introduced by Roger Scott
Towards the end of the nineteen thirties, David Gascoyne had confronted a world in ‘severe crisis’ lurching inevitably towards a catastrophic conflict, and he was acutely conscious of the ‘mental and spiritual war’ within himself (Collected Journals 1936-1942 (London : Skoob Books, 1991), pp.255, 252). The concept of the artist as prophet and spiritual leader developed by Nietzsche must have contributed in some measure through (...)
Un essai inédit de David Gascoyne, « Poésie Environnement Catastrophe » : présentation par Roger Scott, suivie du texte de David Gascoyne.
Traduction de Michèle Duclos
Vers la fin des années trente, David Gascoyne s’était heurté à un monde plongé dans une « crise sévère » et allait sombrer dans inévitablement dans un conflit catastrophique ; il avait une conscience aigue d’un état de « guerre mentale et spirituelle » au-dedans de lui-même. Le concept du poète comme prophète et leader spirituel développé (...)
One copy of Man’s Life is This Meat dedicated to Georges Hugnet.
Cover page inscribed : ‘À Georges Hugnet,
Grand amitié toujours
David Gascoyne
Oct. 15th ‘36’
Eau Sifflé
La tête d’épines vertes
Cache de son ombre
Un sac – de quoi ?
Pourquoi ? Mais dites :
Les vieillards tombent de haut en bas
Comme des clous – mousse – lard
(Le mur est fendu)
N’est-ce pas ?
Nids de pâté
Don’t les oiseaux sont voles
Se cacher sous les ponts
Et tout le temps
Immobiles sont le plancher (...)
Gascoyne wrote to Georges Hugnet from Teddington, Middlesex on 18 October 1935. The third paragraph reads as follows :
‘Je vous envoie ci-joint un faible traduction d’un de mes récentes poèmes, fragment d’un cycle intituled “Le Monde Symptomatique.” Je vous envoyerais des autres quand je les aura traduit’.
Voici mon monde voici la royaume d’argile
Nos rêves sont tout vrais
La cendre du sommeil est plus epaisse que de poussière sur l’escalier
De ce puits de mine rempli d’or
Le jardin enfoncé (...)
Max Ernst
« Dans l’atmosphère transparente des montagnes,
une étoile sur dix est transparente. »
(Paul Eluard et Max Ernst, Les malheurs des Immortels, 1922)
A l’âge de la vie
Tout jeté partout
Tout semblait disparate
Une bouteille d’excellent sirop un bouquet de violettes
Il y en a de toutes sortes
D’inoffensifs cailloux un lac frappant de vérité Le front collé contre le mur suit les nuages Ce n’est pas à présent que tout espoir est mort Il y a plus longtemps
Les yeux éteints par le (...)
Traduction Anne Mounic
Goût du Jour
Today there is fur on the tongue of the wakening light There is dust in the darkening streets Whose tongue is brick dissolved in lime The sound of sight Reduced to ashes by the height of the bloom’s decay In the caverns of the smell Where moth-balls leap like mole-hills in the pocket of grey fowls Thin grey fowls with leather gullets And with claws of too much rain Too much anthracite in pain In the cities of the plain Although anthrax is the (...)