L’opposition de l’intuition nocturne et de la clarté diurne revient chez de nombreux poètes. Elle se transforme, ombre et lumière, chez les peintres. Elle tient au rythme de la pensée et à ses nuances, à une individualité plus profonde que les simples contours de la silhouette telle qu’elle se dessine à la lumière. Le nuit invite à un approfondissement de ce qui, provisoirement, échappe à la conscience, mais qu’elle peut accepter d’aller sonder, afin de s’élargir selon les trois dimensions de l’altérité, – (...)
Rien n’est plus antithétique au premier abord que le monde carcéral et l’écriture. Pourtant, c’est parfois entre quatre murs, voire sur le point de connaître la mort, que certains auteurs se sont exprimés, en particulier dans le domaine poétique. Clément Marot, Théophile de Viau, André Chénier, Paul Verlaine, plus récemment Primo Levi, ont manifesté toute leur personnalité en ces lieux, parfois en les moments les plus tragiques. Le jour et la nuit s’affirment alors dans leurs écrits avec tous leurs (...)
Qu’on l’oppose au jour et à sa lumière, et la nuit, qui défie la conscience claire, se chargeant de toutes nos craintes, devient hideuse ou aveugle. Michel-Ange, si célèbre pour cette statue nommée Nuit que l’on peut admirer dans la chapelle Médicis, à Florence, la qualifiait ainsi, dans un sonnet datant de 1535-1541 approximativement :
Lorsque Phébus cesse d’étendre et d’enrouler autour de notre globe humide et froid ses membres de lumière, la foule tient à nommer nuit
ce soleil qui résiste à son (...)
L’œuvre, comme retour sur l’instant afin de le saisir en esprit et de le sauvegarder, l’inscrit dans l’éternité en le rendant communicable. Il s’ensuit que cette complémentarité du jour et de la nuit nous permet d’esquisser la silhouette d’un sujet ouvert à ses domaines intérieurs et donc à son propre possible. Avant d’aborder la question du point de vue poétique, voyons son aspect religieux.
La « Nuit obscure »
Jean de la Croix aurait écrit ce célèbre poème à la fin de 1578. Le poème décrit la rencontre (...)
On retrouve, à l’époque romantique, cette notion de la nuit comme infini où plonger pour élargir ses propres domaines intérieurs.
La nuit singulière
Nous appellerons « singulière » cette nuit des poètes, car, comme Baudelaire à la fin de « L’Invitation au voyage », elle associe à l’infini la corrélation de subjectivité Je et Tu, le retour sur soi du moi qui « plonge, à travers sa propre transparence, dans la puissance qui l’a posé ».
Armel Guerne qualifie de « chef-d’œuvre » les Hymnes à la Nuit (1800) de (...)