Avec ce nouveau numéro de Temporel, nous abordons l’automne et la rentrée sous le signe de l’empathie, avec un essai très complet de Maurice Elie et une très intéressante étude de Christian Lippinois sur Edith Stein ainsi qu’un très stimulant article d’Oleg Poliakow. Nous rencontrerons également dans cette suite de points de vue les noms de Tolstoï et de Michel Henry. Nous considérerons enfin la perspective de Simon Baron-Cohen dans son livre, Zero Degrees of (...)
L’empathie, la sympathie, le « sentir » ; phénoménologie, éthique et esthétique
« Le sentiment [...] vibre au-delà de notre propre peau » (Robert Vischer)
« L’au-delà, c’est tout ce qui est en dehors de notre étroite peau » (Pierre Reverdy)
Présentation : de l’Einfühlung à l’empathie
Dans « L’empathie, histoire d’un concept », le physiologiste Alain Berthoz affirme d’emblée que « nous pratiquons tous l’empathie comme Monsieur Jourdain la prose. » En première approximation, l’empathie (...)
« Alors que Heidegger va s’attacher à développer la question du néant qui cohabite avec l’être, Edith Stein s’intéresse à l’être qui cohabite avec le néant. » Cet aphorisme emprunté à Vincent Aucante rapproche deux mondes généralement jugés antagonistes pour en faire jaillir une étincelle qui les éclaire l’un l’autre. Sous cette lumière, la démarche philosophique et mystique d’Edith Stein prend cependant un aspect par trop singulier : elle apparaît comme parvenue d’emblée à son achèvement, comme figée dans une (...)
Le tiers en empathie.
L’essentiel immédiat. A l’origine synonyme d’intropathie, mot utilisé pour traduire l’allemand Einfühlung, le terme empathie (du grec empathéia - intérieurement ému ou affecté) en est venu à désigner actuellement une relation - interaction entre un moi et un toi - de nature bien particulière. Relation de connaissance, de communion affective et de sympathie. De connaissance, mais vivante, intuitive, voire « inspirée », car toujours sur les fondements d’une participation sensible (...)
L’empathie et les cinq sens
Dans sa préface à l’anthologie des poètes de guerre parue chez Penguin, Jon Silkin écrit : « Il y a dans cette poésie une chose si profondément réelle que je me surprends à mettre en doute l’idée de catharsis. Et ceci parce que, à mon avis, comme le firent les poètes de guerre, nous ne devons pas dissiper la souffrance des autres, mais, au contraire, l’absorber. » La catharsis en effet, telle que définie par Aristote dans sa célèbre Poétique, consiste en un détachement, une (...)
Nous allons considérer ci-dessous, en nous référant principalement à la philosophie de Michel Henry, à quel point, comme le disait déjà William Blake, l’imagination, incarnant le pathos, unit chaque individu au sein d’une communauté qui correspond à une aspiration fondamentale, empathique.
Art, empathie, communauté
« Le contenu de toute communauté, c’est tout ce qui appartient à la Vie et trouve sa possibilité en elle. La souffrance, la joie, le désir ou l’amour portent en eux une puissance (...)
Si un écrivain vient à l’esprit quand on songe à la notion d’empathie, c’est bien Tolstoï, notamment dans Résurrection (1899), son dernier roman, mais aussi dans Anna Karénine (1878). Le regard porté sur les personnages, regard dépourvu de jugement mais révélant la singularité de chacun, manifeste une pensée historique, politique et sociale, sur le mode du questionnement et non du parti pris, même si parti pris il y avait dans certains domaines, mais il semble que ce que Léon Chestov nomma « révélations de (...)
L’empathie constitue peut-être un domaine d’investigation où peuvent se rencontrer sciences humaines et neurosciences, dans une certaine mesure. D’ailleurs, Simon Baron-Cohen débute son livre, Zero Degrees of Empathy, en citant l’ouvrage philosophique de Martin Buber, Ich und Du, Je et Tu, paru pour la première fois en 1923. « Quand notre empathie s’éteint », écrit le chercheur, psychiatre et professeur à Cambridge, spécialiste de l’autisme, « nous nous trouvons exclusivement sous le mode du ‘Je’. Dans (...)